Tunisie : Le développement de l’arrière-pays passe par l’autonomie des régions

Publié le Vendredi 10 Février 2017 à 17:47
Les régions intérieures souffrent de problèmes chroniques héritées de l'époque de Bourguiba. L’Assemblée des représentants du peuple (ARP) tiendra désormais une plénière mensuelle consacrée aux régions, en présence des ministres concernés et des responsables régionaux, à l’issue desquelles des recommandations seront soumises au gouvernement. La première se tiendra fin février et sera consacrée aux gouvernorats du Nord-Ouest.

Rien ne se passe dans les régions, la situation y est figée et statique. Dénuement, précarité, marginalisation, chômage des jeunes, manque d’infrastructure, absence d’investissement, et de tout tissu socio-économique digne de ce nom, nos contrées régionales sont depuis longtemps laissées à la traîne, et leur état d’arriération chronique ne cesse d’empirer.

Hérité des années Bourguiba, le statut de laissé-pour-compte, qui est celui de l’arrière-pays, s’est exacerbé sous l’ancien régime, pour se confirmer pendant les années post-révolution ; le déséquilibre régional était pourtant l’une des principales causes du soulèvement populaire ayant  changé le destin et l’histoire du pays. Les gouvernements d’après la révolution ont voulu, du moins au niveau du discours, s’attaquer aux disparités entre les régions. Des annonces ont été faites qui convergent toutes vers le but ultime d’amorcer une dynamique économique régionale, et d’inclure nos compatriotes de l’intérieur dans le processus de développement global.

Entre augmentation des fonds alloués au développement régional dans le budget de l’Etat, promesses de débloquer des projets en rade dans les régions et d’en accélérer le lancement et la réalisation, engagements pris pour y promouvoir l’investissement public, y développer l’infrastructure et baliser le terrain au secteur privé pour s’y installer …les paroles ont été abondantes et les réalisations minces, et se déclinent, en un seul et orphelin projet, celui d’une unité de production laitière à Sidi Bouzid, du groupe Délice. 

On a aussi beaucoup entendu parler de programmes initiés par nos partenaires étrangers et autres bailleurs de fonds pour relancer les investissements régionaux. Des engagements financiers importants ont été exprimés, mais là aussi, entre ce qui a été dit, et ce qui été fait, il n’y a pas photo. Et il parait, que le problème n’a pas trait à l’argent, puisque des fonds ont été attribués et restent bloqués pour des raisons diverses liées à des lourdeurs administratives, à des litiges fonciers, etc. La question est jusqu'à quant cette situation va-t-elle perdurer ? Pour quand la délivrance pour nos régions dont la patience s’est épuisée ? Et puis quid de la consolidation de la déconcentration et de la décentralisation, ce principe constitutionnel qui reste jusque-là un vœu pieux ?

Des questions qui restent sans réponses, mais une chose est certaine : sans une délégation par le pouvoir central d’une large partie de ses prérogatives aux régions, dans le cadre d’une politique de décentralisation planifiée et réfléchie, la situation resterait désespérément inchangée. Seules les populations locales sont en mesure, à partir de leur vécu, leurs réalités et les difficultés qui ponctuent leur quotidien, de prendre leurs problèmes à bras le corps, et d’opérer les changements salvateurs nécessaires. Pour ce faire, elles ont besoin d’une autonomie de décision, que devront leur accorder les autorités tunisoises, en accélérant la mise en place d’institutions régionales transparentes et régies par la bonne gouvernance.

Tout cela est possible, il suffit d’avoir le courage et la détermination de le faire, et de mettre un terme à ce gâchis, celui d’une jeunesse pleine d’intelligence, de bonne volonté, qui ne cherche qu’à être intégrée dans la vie économique régionale et nationale, mais qui se voit ainsi marginalisée, précarisée et désespérée, car personne ne daigne lui mettre le pied à l’étrier. Consacrer des plénières parlementaires aux régions serait inutile, si l’approche du développement régional reste assujettie aux mêmes complexités.
H.J.