Tunisie : Le consensus remis au goût du jour, un déblocage en perspective !

Publié le Mercredi 29 Août 2018 à 13:40
La trêve estivale touche à sa fin, la rentrée est dans quelques jours, d’abord politique et sociale, et puis scolaire. L’on doit s’attendre, selon toute vraisemblance, au courant de la semaine prochaine, à une énième réunion des partenaires (partis et organisations) du document de Carthage II, celui qu’on a laissé de côté pendant trois mois, depuis l’annonce de sa suspension le 28 Mai dernier.

Maintenant qu’il est pressé par Nidaa Tounes de réunir de nouveau les différents protagonistes autour de la table, en vue d’une sortie de crise, le chef de l’Etat a sur quoi s’appuyer pour mettre un terme à ce passage à vide.  Les choses vont reprendre là où elles ont été laissées, pour les 63 points portant sur les priorités et les réformes nécessaires la prochaine période, objet d’unanimité, avec un changement notable au niveau du point 64, qui remet l’attachement au consensus au goût du jour.

Ennahdha qui s’était farouchement opposé, la précédente période, à Nidaa, en défendant la stabilité gouvernementale invoquant l’intérêt du pays, a ajusté sa position, en liant désormais son soutien à Youssef Chahed, à la condition qu’il ne se porte pas candidat à la présidentielle. Nidaa réagit, au coup par coup, en appelant à relancer le processus de Carthage et en affirmant (dans son communiqué d’hier) son attachement au consensus et à l’unité nationale. Le consensus que l’on disait rompu il y a peu, tout autant que l’alliance entre les deux forces de la majorité parlementaire, est ressuscité, comme à chaque fois.

La prochaine réunion attendue serait, selon toute, vraisemblance, celle du déblocage, dans la perspective de la très probable démission de Youssef Chahed,  qui ne devra plus tarder.
Avant la fin de l’année, on verra accéder aux commandes un nouveau gouvernement, politique, mais impartial, qui sera au dessus des tiraillements partisans et électoralistes. Il sera investi de deux principales missions, aussi cruciale, l’une que l’autre : s’atteler aux réformes économiques et sociales, et préparer le pays aux prochaines élections législatives et présidentielles.

A l’image du gouvernement Jomaâ, il bénéficiera d’un blanc-seing, avec des partis politiques qui auront la tête et le regard ailleurs,  en affutant leurs armes en prévision des élections, cette atmosphère de précampagne qui n’a jamais cessé ces dernières années sera plus prononcée.  

Dire que l’éventuel prochain gouvernement sera celui des réformes structurelles, est irréaliste. Investi juste pour quelques mois, il ne disposera pas de temps pour agir et réformer, mais plutôt d’expédier les affaires courantes. Aussi un gouvernement qui n’aura pas à rendre des comptes, et qui ne craint pas le jugement des urnes aurait tendance à prendre des risques, pas forcément selon une approche réfléchie et mûrie, tenant compte de l’impact sur le pays à moyen et long terme.

Vue de l’extérieur, la Tunisie donnera l’image d’un pays instable qui aura connu 08 chefs du gouvernement en sept ans. Le climat social n’en finira pas avec les tensions, avec les mouvements sociaux annoncés à la rentrée. Economiquement, la fragile reprise, au niveau de l’économie réelle, sera tributaire de plusieurs impondérables, et la détente des pressions macroéconomiques demeurera hypothétique.

Le pays avance vers l’inconnu, dans un climat préélectoral incertain, le consensus n’y résisterait pas. Le scénario classique est que les prochaines élections se jouent sur une bipolarisation entre les conservateurs incarnés par Ennahdha, et ceux qui se proclament de la mouvance progressiste moderniste. L’affrontement se jouera naturellement autour de l’initiative de la Commission des libertés individuelles, adoptée par le président de la république, sur l’égalité dans l’héritage, et des sujets qui tournent autour. 

A moins qu’une troisième voie n’émerge, pour tenter de fédérer l’ensemble des Tunisiens, et de passer outre ce clivage, objet de lassitude et d’exacerbation de la part des Tunisiens soucieux de préserver leur identité, et leur authenticité, tout en étant ouvert sur la civilisation, l’universel, et le vrai progrès qui est, le seul de nature, moyennant des réformes profondes et un processus de redressement, de les sortir de cette mauvaise passe et de consolider leur démocratie naissante. Il s’agit, pour ce faire, de faire passer le débat du passionnel et du superficiel, au rationnel et au profond.

Gnet