Tunisie : Le CCL voté au dernier quart d’heure, une avancée mais…

Publié le Vendredi 27 Avril 2018 à 16:46
La plénière du jeudi 26 avril, après le vote du CCL.Le code des collectivités locales a été enfin adopté. Les députés n’ont pas démérité. Ils ont réussi à surmonter les divergences et autres considérations partisanes, pour parvenir à une version, autant que faire se peut consensuelle, de ce texte qui va servir de base aux municipales du 06 Mai.

Ce vote est intervenu au dernier quart d’heure, à deux jours du vote des sécuritaires et militaires, après-demain, dimanche 29 avril, et à une dizaine de jours du scrutin local proprement dit, le premier après la révolution à même d’asseoir la gouvernance locale et la décentralisation, de traduire dans les faits les dispositions du chapitre 07 de la constitution, et de parachever et consolider le processus de transition démocratique.

Les craintes exprimées ça et là, de voir les municipales se tenir selon la loi de 1975, n’ont plus lieu d’être, celle-ci est désormais officiellement caduque, supplantée qu’elle est par le volumineux CCL, qui énonce l’alpha et l’oméga de la vie, et de la gestion des collectivités locales, de la composition et des missions des conseils élus, des principes de démocratie participative et de l’open Gov,  des rapports entre le pouvoir central et le pouvoir local, des programmes, priorités, et budget des communes, etc.

Le nouveau code permet-il aussi d’enrichir l’arsenal législatif postrévolutionnaire ; celui qui émane de l’esprit et de la philosophie de la constitution de janvier 2014, et qui est en phase avec les exigences de l’heure.

L’avènement d’un texte de cette importance, dans de pareilles circonstances dominées par l’incertitude, où le pays cherche sa voie et où tout tourne au ralenti, constitue une lueur d’espoir dans une grisaille ambiante. Cela illustre que par-delà les difficultés, les divisions et les tensions, les choses peuvent avancer dans la bonne direction, pour peu qu’on laisse de côté les égos et les calculs étriqués, pour faire valoir l’intérêt général et le bien commun. 

Des voix se sont élevées pour qualifier ce vote d’historique. Des moments considérés comme étant historiques, le pays en a connu une kyrielle depuis le 14 janvier. Une épithète employée à l’envi et accolée, à la révolution elle-même, aux élections de l’Assemblée nationale constituante, à l’adoption de la nouvelle constitution, aux élections présidentielles et législatives de 2014, et le sera, selon toute vraisemblance, aux municipales du 06 Mai, avec une participation que l’on espère massive à même de démentir les pronostics d’un fort taux d’abstention, face à une désaffection, manifeste avouons-le, de la politique.

L’ensemble de ces moments clefs à forte symbolique n’a pas encore fait, hélas, la réussite de la Tunisie et de sa démocratie naissante. C’est ce qui crée un étranger paradoxe entre des institutions élues et dotées de la légitimité populaire, et des textes à l’avant-garde d’un côté, et des entraves empêchant ces institutions de fonctionner pleinement, et aux lois d’être appliquées au pied de la lettre de l'autre ; un dysfonctionnement qui est à l’origine des retards accumulés, à la source de dégradation et de recul. 

C’est ce passage de la théorie à la pratique qui semble compliqué, sinon comment expliquer que des dirigeants issus des urnes, et des institutions élues n’aient pas les coudées franches pour gouverner, gérer les affaires, réformer et redresser le pays ? Les avancées législatives et les réussites des échéances électorales sont extrêmement importantes pour la consolidation de la démocratie, et l’amélioration de l’image du pays parmi les siens, et à l’extérieur, elles seraient, néanmoins, vidées de toute substance, si elles ne servent pas les volets économique et social, et  ne contribuent pas à améliorer les conditions de vie des Tunisiens.

L’idéal démocratique n’a de sens que s’il donne lieu à la transformation globale du pays, et au bien être de son peuple, à défaut il sera un slogan oiseux qui ne mène nulle part.
Gnet