Tunisie : L’austérité décrétée, la bataille sera rude au parlement !

Publié le Vendredi 14 Octobre 2016 à 17:16
Chahed aura à convaincre du bien-fondé de son virage économique à l'Assemblée. L’austérité est bien là, ce n’est plus une hypothèse, ni ni un scénario possible, mais une réalité chiffrée et budgétisée, dont font mention les projets de budget de l’Etat et de loi de finances de 2017 adoptés ce vendredi 14 octobre en conseil des ministres. L’Etat compte se mettre au régime lors du prochain exercice pour rééquilibrer ses comptes, comprimer les dépenses et réduire le gap entre celles-ci et les ressources, qui n’a eu de cesse de se creuser, au cours de ces dernières années. Ces mesures drastiques se traduiraient, selon ces projets de textes,  par le gel des salaires et des recrutements dans la fonction publique, le non-remplacement des départs à la retraite, et des démissions, la maîtrise des promotions, la rationalisation des primes de rendement, etc.  

Peu importe le nom qu’on veut lui donner, austérité, rigueur budgétaire, ou maîtrise des dépenses, ce processus montre que la Tunisie est entrée dans une nouvelle phase de son histoire postrévolutionnaire, celle du vrai sauvetage économique, dont les résultats s’avèrent hypothétiques, au regard de la désunion actuelle.

La politique économique et financière du gouvernement pour 2017 est tracée, sans la démarche consensuelle annoncée et stipulée dans l’accord de Carthage. L’heure est à la cacophonie, et à l’affrontement. Le virage économique amorcé par le gouvernement d’union nationale, sous les pressions des institutions financières internationales, la banque mondiale et le FMI, déplait, et suscite irritation et contestation notamment au sein de la centrale syndicale qui fulmine contre toute propension de toucher aux acquis des travailleurs et de leur faire supporter, seuls, les sacrifices. L’UGTT considère l’appel au sacrifice lancé par le gouvernement, et ses mises en garde récurrentes, comme un épouvantail  فزاعة, visant à faire peur, ni plus, ni moins. Les gouvernements Jemâa et Essid ont fait pareil, lâche Sami Tahri, incrédule.

Conciliant, le gouvernement tente par tous les moyens d’amadouer l’influente organisation syndicale, faisant valoir l’approche participative en matière de prise de décision. Ses ministres insistent sur l'extrême difficulté de la situation, défendent le bien-fondé de la politique préconisée, et laissent présager des conséquences lourdes et dangereuses, si cet effort collectif n’est pas engagé.

A la question classique et récurrente de savoir si les salaires du mois prochain allaient être  versés dans les délais, le ministre de la Fonction publique, Abid Briki, ancien syndicaliste de son état, a rétorqué, lors d’un récent débat sur al-Wataniya, si l’on (le gouvernement) "ne pouvait pas assurer les salaires, qu’on reste à la maison", en ajoutant, "mais si rien n’est fait"…il marque un silence parlant en hochant la tête, histoire de dire que rien ne sera, le cas échéant, garanti.

Sous des airs coopératifs, et acceptant la hausse d’impôt sur les sociétés proposée par le gouvernement, le patronat se défait, néanmoins, des accords conclus antérieurement avec l’organisation syndicale afférents aux majorations salariales dans le secteur privé, et invoque l’incapacité des employeurs de supporter deux augmentations en même temps.  Une rétraction qui est de nature à raviver le courroux de l’organisation syndicale, et d’envenimer davantage le climat social. La paix civile est pourtant une condition sine qua non, sans laquelle le gouvernement ne pourra pas appliquer sa politique, lancer les grandes réformes, réformer la fiscalité, attirer les investissements, créer des emplois, lutter contre le commerce parallèle et la contrebande, booster les exportations, relancer la croissance…et accomplir sa liste interminable de priorités. 

Si les désaccords ne sont pas aplanis rapidement, et l’apaisement n’est pas au rendez-vous, on risque de perdre encore du temps et se retrouver à la veille de 2017, sans être suffisamment outillés pour faire face à cette année qui alimente toutes les peurs. La balle est maintenant dans le camp des députés, qui vont passer au peigne fin la législation financière, tout d’abord en commission, puis en plénière à l'hémicycle, et là le débat s’annonce houleux entre différentes sensibilités idéologiques : les libéraux (Nidaa, Ennahdha, Afek...) qui dominent l’Assemblée d’un côté, et la gauche élargie (front populaire, bloc démocratique...) qui forme la minorité. Les uns défendront la libre entreprise et l’initiative privée et soutiendront le programme de coopération avec les cercles de la finance internationale, les autres se rangeront du côté des démunis et des faibles revenus et fustigeront les institutions de Bretton Woods. Et puis, il y aura les oubliés de la bataille parlementaire. A l’instar des propriétaires des maisons avec piscine, personne n’osera les défendre, dans ce climat, où l’aisance matérielle, même légitime et fruit du travail, est mal-vue et de plus en plus stigmatisée.
H.J.

 

Commentaires 

 
#2 aisance matérielle oui
Ecrit par Ali     16-10-2016 15:03
aisance matérielle légitime fruit du travail, mille fois d'accord et " alf sahha", avoir une piscine remplie d'eau potabilisée même si on en paye le prix dans un pays en état de stress hydrique et particulièrement indécent, carrément insultant.
 
 
#1 Logique
Ecrit par A4     14-10-2016 19:08
Peuple fainéant = austérité
 
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