Tunisie : L’ascétisme de Bourguiba est une source d’inspiration

Publié le Vendredi 06 Avril 2018 à 16:52
Habib Bourguiba. 06 avril 2000 – 06 avril 2018, cela fait 18 ans qu’Habib Bourguiba est décédé, et 31 ans qu’il n’est plus au pouvoir. Tombé dans l’oubli de son vivant, pendant les 13 ans suivant sa destitution, avec un ancien régime qui s’est obstiné à son effacement au point que ses funérailles aient été interdites de diffusion sur la chaîne nationale, la mémoire de Bourguiba ressuscite, et son souvenir n’a été jamais aussi fortement présent que pendant ces années post-révolution. La date de sa disparition est désormais érigée en commémoration nationale, où le pouvoir central suspend ses activités à Tunis, pour rejoindre la ville natale du leader défunt, là où un hommage solennel lui est rendu.

Celui qui se présente comme étant son compagnon de route, son disciple, et son continuateur, a salué, ce vendredi 06 avril à Monastir, sa mémoire, et lui a témoigné la gratitude de la nation pour son œuvre qui fait que le pays soit aujourd’hui "fier dans le concert des nations". Entouré du président de l’Assemblée, et du chef du gouvernement, et de plusieurs autres officiels et invités,  Béji Caïd Essebsi a puisé dans le même registre réformateur, de celui qui a construit l’Etat postindépendance, et modernisé la société en agissant sur deux leviers : la promotion de l’éducation de masse et l’émancipation de la femme.

En cette période de tâtonnements, où le pays est en train de chercher son chemin, gagné par la méfiance envers un avenir qui s’annonce incertain, et la mort dans l’âme de n’avoir pas pu capitaliser les acquis de la révolution, l’évocation de Bourguiba pourrait constituer une source d’inspiration. Quoique le processus que la Tunisie a choisi d’engager après le 14 janvier, celui de la démocratisation et de la consolidation des libertés, ne découle en aucun cas du legs bourguibiste, fait sur le plan politique d’autoritarisme, de monolithisme et de culte de personnalité.

Idem pour l’économie, la priorité des priorités actuelles, le bilan du père de l'indépendance contient beaucoup plus d’échecs que de succès, et ne nous est pas d’un grand secours, à ce stade, sauf qu’à en tirer les enseignements pour ne pas reproduire les mêmes erreurs.

Reste les réformes sociétales, dont le point d’orgue est le Code du Statut Personnel (CSP), ayant libéré la femme du joug masculin, et lui a garanti ses droits de citoyenne à part entière, le pouvoir actuel a décidé de les consolider, vers une égalité complète homme/ femme en faisant sauter un verrou, auquel Bourguiba n’a pas osé toucher, celui de l’égalité dans l’héritage qui sera bientôt traduite dans les faits, à en croire l’annonce présidentielle de ce vendredi.

Indépendamment des divergences qu’elle pourrait susciter, d’autant qu’elle est perçue par certains comme étant une réforme bourgeoise et profitant à une minorité, la question est de savoir si elle va contribuer en quoi que ce soit à sortir le pays de la crise, et à redonner espoir au  peuple qui n’a pas, en majorité, grand-chose à hériter, et où les femmes sont carrément privées de leurs droits successoraux, dans plusieurs régions du pays, du fait de pratiques ancestrales, que la loi aura du mal à changer. Mais passons.

Un aspect essentiel de la personnalité de Bourguiba pourrait néanmoins servir d’exemple, par les temps qui courent, marqués par la convoitise, la cupidité, la course derrière le bien matériel, la volonté de se servir de l’Etat, plutôt que de le servir, le  népotisme et la corruption, sources d’une majeure partie des problèmes du pays. C’est son sens du sacrifice et son ascétisme.

Bourguiba abhorrait l’argent, et le bien matériel. Il n’a pas piqué dans les caisses de l’Etat, ni amassé une fortune. Il était intellectuellement narcissique, politiquement autoritaire, mais matériellement modeste.

Le charisme et la simplicité de ce tribun, dont les discours en arabe dialectal en interne, et ceux prononcés dans les instances régionales et internationales, marquent encore les esprits, l’ont fait entrer dans la légende. 

Gnet

 

Commentaires 

 
-2 #1 Bourguiba abhorrait l'argent dites-vous
Ecrit par Zenobie     08-04-2018 22:24
Oui, il n'a pas profité de sa position pour se constituer une fortune personnelle, si c'est ce que vous voulez dire.
Néanmoins, il s'est fait construire avec l'argent de l'état des résidences privées, à commencer par la partie dite privée du palais de Carthage où il résidait et qui n'avait nul besoin d'une telle magnificence. Du marbre à profusion partout, des décorations à l'or fin, un théâtre privé, rien de tout ceci n'était nécessaire à la représentation de l'état, l'autre partie du palais y pourvoyant largement. Il a fait construire aussi d'autres résidences présidentielles dont une "ferme" à Mornag, un palais à Hammamet, un autre à Aïn Draham. Toutes ces résidences étaient réservées à son seul usage et à celui de ses proches et ont été payées par l'état... Même si elles restent aujourd'hui la propriété de l'état, ce sont des bâtiments dont l'entretien coûte cher pour un usage très restreint.
Dire qu'il était "matériellement modeste" ne correspond donc pas du tout à la réalité.
 
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