Tunisie : La violences contre les femmes, des chiffres effarants

Publié le Mercredi 02 Mars 2016 à 17:24
Selon une récente étude menée par le  Centre de Recherches, d'études, de Documentation et d'information sur la Femme (CREDIF), 78.1% des femmes en Tunisie disent avoir subi une violence psychologique dans l’espace public, tandis que 41.2% ont été victimes de  violences physiques et 75.4% de violences sexuelles. Les résultats de l’étude, révélés ce mercredi, lors d’une conférence de presse, sont effarants. Avec un taux de 33% « arracher quelque chose de force », est l’acte le plus fréquent des violences physiques subies par  les femmes, tandis que 24.3% des femmes disent avoir été importunées dans la rue plus de dix fois, et 22.6% disent avoir été collées. 
 
Cette étude menées dans 18 villes différentes, sur un échantillon de 3873 femmes âgées entre 18 ans et 64 ans, révèle que 89.5% des femmes à Kebili disent avoir été victimes de violences sexuelles, contre 55.6% dans la ville de Mahdia. Les violences physiques sont plus répandues à Sousse à hauteur de 62.1% des femmes, contre 17.2% des femmes au Kef. A Tunis, 50% des femmes disent subir des violences physiques et 75% des violences sexuelles dans l’espace public. Gabès est concernée par les violences psychologiques, où 92.9% des femmes disent en souffrir. 
 
Les indicateurs retenus pour cette étude, sont basés sur la définition de la violence  dans la déclaration des Nations Unies « sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes », adoptée en 1993.  Insulter, dire quelque chose de déplaisant, cracher, dénigrer ou se moquer de quelqu’un sont considérés comme des violences psychologiques. Importuner, siffler, se déshabiller devant quelqu’un, tenter de toucher, toucher, embrasser de force, faire des allusions à caractère sexuel, sont des violences sexuelles. Les violences physiques sont les coups, blesser,  pousser, bloquer, empêcher de bouger ou jeter quelque chose sur la personne. 

Toutes les catégories de femmes victimes de violence dans l'espace public
De manière plus générale, 53.5% des femmes concernées par l’enquête disent avoir subi une forme de violence dans l’espace public durant les quatre dernières années (2011-2015). L’échantillon comporte toutes les catégories de femmes tunisiennes, incluant celles qui travaillent et celles qui ne travaillent pas, celles qui se déplacent beaucoup entre les villes ou celles qui se déplacent beaucoup moins. 
 
L’étude a disséqué la prévalence de chacune des violences au sein de chaque groupe de femmes, selon leur statut matrimonial. Il en ressort que près de 80% des femmes fiancées, sont confrontées aux violences dans l’espace public, viennent ensuite les célibataires à hauteur de 74.5% et les divorcées et les mariées en dernier, avec près de 50%. Par ailleurs, 88.5% des étudiantes interrogées disent avoir subi une violence dans l’espace public.  
 
Viennent ensuite les femmes qui travaillent, parmi lesquelles 67.3% disent avoir subi une violence. Les femmes au foyer, y sont exposées à hauteur de 43%, et 46.4% pour les femmes au chômage. Curieusement, parmi les femmes cadres supérieurs, 75.3% disent avoir subi des violences. Ce chiffre est de 69.6% chez les cadres moyens et de 66.8% chez les femmes ouvrières.  
 
Il n’en demeure pas moins que ces chiffres peuvent être dus au caractère tabou que revêt le sujet parmi la classe la plus défavorisée. Les femmes les plus éduquées en parleraient avec plus d’aisance que celles qui le sont moins. 

Les femmes instruites plus exposées
Selon l’étude, plus les femmes avancent dans les études, plus elles déclarent avoir subi des violences dans l’espace public. 26.3% des femmes analphabètes disent subir des violences dans l’espace public, 41% de celles qui ont effectué des études primaires, 65.5% de celles ayant un niveau secondaire, et 76.4% des universitaires. 

Pour parer à la violence, les femmes disent se faire discrètes dans la rue ; 79.2% d’entre elles disent essayer toujours de ne pas attirer l’attention, 82.6% des femmes disent faire semblant d’être occupées et sérieuses, et 82.5% choisissent de ne pas parler et de ne pas rire à voix haute. 
 
L’espace public est composé selon l’étude, de l’espace de transit qui est la rue et les moyens de transport, de l’espace professionnel et de services, et des espaces récréatifs, de repos et de loisirs. 
 
Dans les moyens de transport, 90% des femmes disent avoir subi des violences sexuelles perpétrés par des passagers. Dans l’espace professionnel, c’est le fait d’être importuné qui touche le plus de femmes, et ce sont les collègues qui en sont souvent responsables à hauteur de 43.8% des cas. 
 
La réaction des femmes face à ces violences reste très limitée. Porter plainte contre son agresseur reste un comportement marginal, et les violences sexuelles sont les plus occultées. 

Quatorze hommes ont été interrogés pour les besoins du volet qualitatif de l’enquête. Il en ressort que la femme doit, selon l’échantillon, se couvrir, ou s’habiller de manière «décente», qu’elle ne doit travailler que par nécessité. La femme, est selon les hommes interrogés, « la responsabilité des frères, des pères et des maris, par ce qu’il s’agirait là de l’honneur de l’homme qu’il faut protéger ». Cette même catégorie d’hommes, qui serait protectrice envers ses proches de sexe féminin, mais auteure de violences envers les femmes « inconnues », révèle l’enquête du CREDIF.   
Chiraz Kefi
 
 

Commentaires 

 
+1 #1 Bah, c'est culturel
Ecrit par Ben Whirlpool     05-03-2016 11:42
Culture du caïdat, religion phallocrate, éducation inexistante, tout concoure à ces tristes chiffres.
cf Cologne
 
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