Tunisie : La torture persiste, "Gharsalli veut lutter contre ce fléau"

Publié le Vendredi 06 Novembre 2015 à 11:00
Vue de la conférence de presse. L’OMCT (Organisation mondiale contre la torture) a tenu ce vendredi, 06 novembre, une conférence de presse à Tunis sous le thème "Impunité = Persistance de la torture", suite à la visite d'une délégation présidée par Dick Marty, ancien procureur général de la Suisse.

C’est Mokhtar Trifi qui prend la parole en premier et rappelle : "Nous avons deux centres de l’OMCT en Tunisie, basés au Kef et à Sidi Bouzid. Nous avons remarqué une multiplication des actes de tortures, mais surtout, de plus en plus de craintes de la part des familles qui ne veulent plus déposer plainte. Pourquoi ? Elles ont peur des représailles".

Et ce n’est pas fini. Mokhtar Trifi souligne l’augmentation inquiétante du nombre des "décès douteux". Il s'interroge: "Nous en avons parlé en collaboration avec d’autres organisations. Les chiffres sont plus nombreux dans des postes de Police plus que d’autres. Nous n'arrivons pas à en connaitre les vraies causes".

Pour Mokhtar Trifi, le plus grave reste l’impunité. Il précise : " Il y a 110 plaintes déposées. 44 sont devant la loi. Il n’y a eu aucun verdict. Aucun responsable n’a jamais dit qu’un agent a été condamné. Nous avons contacté les autorités pour dire que ce qui se passe est grave et que la responsabilité incombe à tout le monde, mais les choses trainent encore. C’est inadmissible".

L’état des prisons ? Encore un point noir. Mokhtar Trifi les qualifie de "zones de non droit". Il rappelle : "Les médecins ne doivent pas faire partie de la direction de l’établissement pénitentiaire, mais être fonctionnaires du ministère de la Santé publique". Et il ajoute : "Nous insistons pour la présence des avocats dès les premières heures de l’arrestation. Sinon, l’unique objectif des forces de l’ordre est d’extorquer des aveux par tous les moyens".

Hend Khechine a ensuite présenté le programme de l'association « SANAD » qui vise à offrir une assistance juridique et sociale aux personnes concernés par des actes de torture : "L’écrasante majorité est composée de jeunes hommes (88%). Le statuts professionnels ? 49% d’entre eux sont au chômage et proviennent des zones démunies", a-t-elle souligné.

Les répercussions de la torture ? 92% des victimes souffrent de problèmes de santé et de graves séquelles psychologiques. Hend Khechine précise : "Plusieurs victimes ne sont plus parvenues à retrouver une vie normale que ce soit en famille ou au travail".

Parmi les 69 dossiers présentés par l’OMCT, sept se sont désistés. Hend Khechine souligne : "Nous avons suivi ces affaires et nous pensons que ces victimes ont été obligées à arrêter la procédure pour éviter les représailles".

La présidence de l'association SANAD rappelle ensuite que la réhabilitation d'une victime de torture a un prix : " En moyenne, une personne coûte environ 34 mille dinars pour qu'elle puisse reprendre un cours de vie plus ou moins normal. Certains profils nécessitent nettement plus en suivi psychologique et en médicaments".

Le président de l'OMCT, Dick Marty, a ensuite rappelé l'importance du projet "SANAD" qui tente d'appliquer le premier acte fondamental de la justice :"L'écoute et le partage de l'épreuve vécue par la victime. Il continue : "Je suis admiratif du travail des jeunes de l'association, fait avec une vive intelligence et un engagement qui force le respect". Pour Dick Marty, la lutte contre l'impunité doit être plus féroce que jamais et se félicite de son entretien avec le ministre de l'Intérieur, Najem Gharsaali : "J'ai remarqué une vraie intention d'aller vers l'avant et de lutter contre ce fléau. Cela veut aussi dire que l'Etat reconnait les abus. C'est déjà un très bon point".

Le président de l'OMCT conclut : "La lutte contre la violence par la violence a démontré que c'est une méthode contre-productive. Toutes les expérience faites dans les quatre coins du monde en sont la parfaite illustration. Il faut une stratégie intelligente et claire au lieu de tenter par tous les moyens d'extorquer des aveux. On ne gagne pas une partie d'échec, en lançant la tablette en l'air".
Selim Slimi