Tunisie : La société civile pointe le surpeuplement des prisons

Publié le Mardi 12 Avril 2016 à 12:52
Vue de la conférence de presse
Hamida Dridi, médecin de Santé publique et présidente de l’Equipe nationale de monitoring, spécialisée dans le contrôle des conditions de détention dans les prisons tunisiennes, a déclaré aujourd’hui que l’équipe avait signé une convention avec le ministère de la Justice en tant que groupe d’associations dont la mission est de visiter régulièrement les lieux de détention. « Cela fait 4 ans que nous menons nos activités. Nous avons effectué 12 visites dans les prisons, et à chaque visite nous élaborons un rapport détaillé dans lequel, nous relevons les exactions que nous portons aux autorités », a-t-elle dit, lors d’une conférence de presse tenue ce mardi, à Tunis. 
 
Les principales exactions relevées sont la maltraitance et le surpeuplement des établissments pénitentiaires. Hamida Dridi a déclaré que la maltraitance provenait essentiellement du nombre élevé de détenus dépassant la capacité d’accueil d’un bâtiment : « Cette maltraitance existe ! Et pour ce qui est de la torture, nous n’en avons pas été témoins directs, mais nous avions eu affaire à des cas qui peuvent être considérés comme de la torture », a-t-elle dit. Par ailleurs elle explique que le travail de l’Equipe qui est composée de militants de différents horizons comme la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH), d'Amnesty International, de Dignity,  d’avocats et de représentants d’autres associations, est « très délicat ». 
 
D’après elle, interroger les prisonniers doit être fait avec « une certaine précaution », pour éviter aux prisonniers de subir la maltraitance ou la torture à l’issue de la rencontre avec la société civile. 
 
«Dans chacun de nos rapports adressés au ministère de la Justice, nous avons fait part de recommandations et idées de réformes immédiates nécessaires et de réformes sur le long terme », a expliqué le médecin.
 
Un rapport final, sera d’abord présenté à Genève avant d’être révélé au public, a-t-elle précisé.
 
La société civile avait commencé par participer à la formation de l’Instance Nationale de Lutte contre la Torture, censée être indépendante, et un projet de loi a été proposé à l’Assemblée, qui l’a adopté. « Mais nous avions exigé que l’Instance ne soit pas la seule à visiter les prisons. Nous craignions que comme par le passé, l’instance ne se range du côté de l’Etat. D’ailleurs les autorités avaient décidé que seule l’instance serait habilitée à visiter. L’Organisation tunisienne de Lutte contre la Torture avait refusé de signer un tel accord, car la société civile est l’œil qui contrôle et qui aide aussi l’Instance dans son travail », a dit la présidente de l’Equipe. 
 
L’Equipe Nationale de monitoring est une formation représentant toutes les associations de lutte contre la torture, afin de faciliter le travail et l’accès aux prisons, a expliqué sa présidente, précisant que la Tunisie est le premier pays ayant une commission de lutte contre la torture.
 
L’Equipe Nationale de monitoring a été formée par des experts internationaux, aidée par l’organisation Dignity, l’Institut danois contre la torture. 
 
Saida Akremi, avocate et membre de l’Equipe, est revenue sur le travail effectué depuis sa création. Elle indique que l’Equipe est composée de 10 associations et organisations tunisiennes dont l’objectif était de former des experts, «capables de changer les choses, en proposant des idées", a-t-elle dit, en ajoutant « Cette équipe ayant reçu une formation de haut niveau sur le plan national et international, a réussi à relever des exactions». 
 
Les prisons tunisiennes souffrent en premier lieu de surpeuplement « avec plus de 100 personnes par cellule, destinée à en recevoir une cinquantaine », selon Saida Akremi. Une situation décriée par la société civile, d’autant qu’elle porte atteinte à l’intégrité et à la santé physique et mentale des détenus. « En Tunisie, il existe encore des prisons où les détenus dorment à 4 dans un même lit, et où on trouve encore une cellule avec 140 détenus et seulement 2 sanitaires qui sont souvent hors service ! », s’est-elle exclamée. 
 
Karim Abdesslam, lui aussi membre de l’Equipe, a déclaré pour sa part que la torture dans les prisons tunisiennes a considérablement diminué grâce au travail soutenu de la société civile. Un guide a également été élaboré, et qui sera un document de référence en matière de lutte contre la torture. Un travail dont le l’Equipe Nationale de Monitoring est fière, d’autant que cinq de ses membres ont été élus membres de l’Instance Nationale de Lutte contre la Torture. Il s’agit de Hamida Dridi, Lotfi Azzeddine, Marwa Raddedi,  Dhiaeddine Mourou, et Noura Kouki. 
Chiraz Kefi