Tunisie : La réconciliation nationale, un sujet encore sensible

Publié le Lundi 10 Février 2014 à 16:52
Vue de la conférence. La réconciliation nationale, étape importante de la justice transitionnelle et nécessaire à la réinstauration de la stabilité économique et sociale, a fait l’objet samedi 8 février d’une conférence, organisée  par le forum Ibn Rochd pour les Etudes Maghrébines, Le forum Al Jahedh et l’Association Nou-R.

Heykel Ben Mahfoudh , expert en réforme sécuritaire, a déclaré à ce sujet que la réconciliation nationale n’était pas un raccourci de l’histoire, « mais le sens même de l’histoire…La réconciliation n’est pas un processus mais le résultat de différents processus de l’Etat, notamment la justice transitionnelle et le dialogue national. Par ailleurs, chaque erreur possède un coût politique, un coût économique et sécuritaire…le coût sécuritaire est très élevé », a-t-il dit.

Selon lui le coût sécuritaire se traduirait par l’impunité qui affaiblit l’Etat et ses institutions sécuritaires et de justice, qui par conséquent, ne sont plus capables de faire régner la sécurité et à faire appliquer la loi, menaçant ainsi la paix sociale, «et ouvrant la porte au terrorisme, et à l’insécurité. La question du terrorisme doit être traitée avec beaucoup de  bon sens, lui donner son vrai poids,  sans la minimiser mais aussi sans surestimer le danger », a-t-il exposé.

Selon l’expert, il faut profiter du dialogue national pour réaliser la paix sociale, expliquant que la question de la réconciliation est complexe, car les vérités sont multiples et difficiles à cerner. La réconciliation est d’après lui nécessaire car elle évite  un climat de suspicion et de délation : « Aujourd’hui des personnes au pouvoir, ont un pied dans le pouvoir et un pied en prison…elles sont menacées dans leur réputation, leur intégrité, leur vie privée, et par conséquent évitent la responsabilité… Il y a eu de grandes exactions commises au sujet desquelles la justice doit impérativement statuer. S’il n’y a pas de justice, il n’y a pas de paix. Mais à part cela, il faut faire l’auto-réconciliation, pour pouvoir se réconcilier avec les autres…la réconciliation doit être un but et non  pas un instrument », a-t-il précisé.

 Mehrez Drissi, expert en sciences de l’Education et psychologie, et président du Forum Al Jahedh a déclaré pour sa part que tous les citoyens sont sur la même position concernant la dictature et les régimes totalitaires. D’aucuns veulent le retour à la situation d’avant la révolution et désirent couper net avec les anciennes pratiques. « L’idée de la liberté n’est plus un concept ou des slogans, il faut qu’elle soit aussi traduite par des textes et protégée par la loi. La démocratie est passée quand à elle d’une idée abstraite à une réalité appliquée sur le terrain…de même la réconciliation, elle doit être une idée intégrée dans le domaine politique mais aussi dans l’éducation… », a-t-il dit. Selon lui, la violence, l’exclusion, et le rejet de l’autre ne permettront pas de lutter contre la violence. « Ceci ne peut que produire de nouveaux maux. La réconciliation nationale exige que les gens se réunissent et débattent de tous les sujets, religieux, politiques et sociaux. D’abord le système éducatif, doit être débattu, et être réformé en profondeur. La question culturelle également exige que l’on libère la culture de toute instrumentalisation politique et partisane. C’est ainsi  que l’on entrera réellement dans l’ère moderne », a-t-il dit.

Ahmed Mansour, Chef du parti Neo-Destour a pour sa part provoqué un tollé lors d’une tentative de défendre l’ancien régime en refusant le terme de « dictature », et de « violence » pour qualifier les anciennes pratiques. « Est-ce qu’appliquer la loi sur des personnes ayant usé de la violence pour s’accaparer le pouvoir, peut être appelé de la dictature ? », s’est-il interrogé, évoquant l’affaire de Gafsa où de jeunes soldats avaient été tués par des hommes armés, dans l’objectif d’un coup d’Etat, selon la version officielle de l’époque. Ces derniers avaient écopé de la peine de mort, exécutés et enterrés dans une tombe collective.

Selon lui la Tunisie d’avant le 14 janvier était « un exemple parmi les nations sur le plan économique et social », soulevant contre lui la colère de certains participants, l’accusant de vouloir blanchir l’ancien régime.  L’ancien ministre de Bourguiba, Ahmed Mestiri s’est retiré de la conférence en protestation contre les altercations verbales ayant opposé les destouriens à des militants du Parti  des Travailleurs, à ce sujet.

Ahmed Mansour estime que « des procès ont été montés de toutes pièces et que des personnes croupissent en prison injustement, et risquent d’y mourir », a -t-il protesté, appelant à ce qu’une réconciliation se fasse , « sinon c’est la rancœur que nous allons cultiver, et par conséquent il n’y aura pas de démocratie. Car celui qui est aujourd’hui au pouvoir, ne voudra pas le quitter de peur de subir ce qu’on subi ses prédécesseurs », a-t-il argué.

Plusieurs intervenants de la scène politique d’avant, ont appelé à accélérer le processus de réconciliation, jamais évoqué jusque là, en évitant de trop juger, ou parfois sans juger les figures de l’ancien régime, dont certains étaient présents ce jour là, dont Ali Chaouch,  Abbes Mohsen, Abdallah Kaabi, Faiza Kefi, mais aussi Mohamed  Saya .

L’ancien ministre de la Troika, Abderrahmane Ladgham avait annoncé son boycott de la conférence au tout début, à cause de la présence de certains participants, ou ce serait surtout à cause de la présence de l’ancien ministre Bechir Tekkari, selon certains bruits.

Les blessures restent béantes, et la  réconciliation nationale ne semble pas être pour demain.
Chiraz kefi

 

Commentaires 

 
+2 #1 pas de reconciliation avec les terroristes
Ecrit par Royaliste     11-02-2014 08:14
mais qui finance les terroristes, ceux des années 80, ceux qui ont égorgés nos soldats, ceux de Sliman, Raoued, Borj Liwzir, Chaambi?

qui les soutiens, qui les fiances?

pour moi, pas de reconciliation avec les terroristes
 
Ces commentaires n'engagent que leurs auteurs, la rédaction n'en est, en aucun cas, responsable du contenu.