Tunisie : La police politique au centre d'un ouvrage

Publié le Mardi 24 Février 2015 à 16:55
Vue de la conférence"Révolution tunisienne et Défis sécuritaires", le nouvel ouvrage élaboré par le think tank Le Labo’ Démocratique, a été présenté ce mardi à la presse, par ses principaux instigateurs, Farah Hached et Wahid Ferchichi.

Cet ouvrage a vu le jour après 2 années de travail de l’organisme de réflexion, dans le cadre du projet Police Politique. Diplômée en droit public et conseillère juridique, Farah Hached a expliqué que le nom du projet a été choisi « exprès pour dire qu’on pouvait désormais parler de la police politique», ajoutant que le travail n’a pas été une sinécure. Bien que Ben Ali soit parti, il était encore difficile d’en parler en 2011, selon Farah Hached.

La problématique de l’ouvrage était de trouver un moyen de passer de la dictature vers la démocratie en réformant la police politique, aussi bien sur le plan juridique, que sur le plan des mentalités.

Le think tank a entretenu des échanges avec l’Europe de l’Est en se posant des questions telles que la nature d’un vrai service de renseignements, et si la police politique était pareille partout dans le monde. L’ouvrage est composé de 3 tomes ; le premier traitant des archives, le second, de la vie privée et de la transparence et le troisième, des services des renseignements.

«Chaque tome contient 3 parties. Une partie réservée au contexte de la Tunisie depuis le protectorat  jusqu’à aujourd’hui. Nous avons étudié des dizaines de lois et décrets qui concernent le sujet, nous avons fait énormément d’interviews, et lu énormément d’ouvrages.

Dans la deuxième partie, on traite les expériences étrangères, celles qu’on appelle les vieilles démocraties, ou celles qui sont passées par le même processus que nous. La troisième partie planche sur les réformes et chaque réforme est développée sur 2 ou 3 pages », a expliqué Farah Hached.

Les auteurs du projet se sont réunis à plusieurs reprises avec les services concernés. « Nous avons débattu avec des sécuritaires et avons demandé leurs avis à ce sujet… parfois nos recommandations convergeaient avec les leurs et d’autres fois pas… », a-t-elle dit.

Selon elle, si la question de la réforme sécuritaire n’est pas prise au sérieux immédiatement après une révolution, le pays serait donné en proie à une nouvelle dictature. Elle rappelle que des pays, comme la Russie et l’Iran, qui n’avaient pas eu de réforme de l’appareil sécuritaire, 3 à 4 ans après leur révolution, avaient replongé dans la dictature.

D’ailleurs, le sujet pose certaines difficultés ; comment conserver sa liberté, préserver son intégrité, tout en jouissant de la sécurité, surtout dans un contexte exceptionnel où la sûreté de l’Etat est en jeu, et où le terrorisme représente une sérieuse menace, comme c’est le cas actuellement pour la Tunisie.

A ce sujet, le troisième tome de l’ouvrage propose des axes de réforme pour un contrôle démocratique  des services de renseignements, offrant ainsi au processus de démocratisation de meilleures garanties, davantage de sécurité pour les citoyens et aux services de renseignements eux-même, en clarifiant les compétences et en trouvant un équilibre entre droits-humains et contraintes sécuritaires.

Wahid Ferchichi, Docteur en droit et co-auteur de cet ouvrage, a ajouté qu’il « n’existait pas de recette toute prête qu’on appliquerait à la Tunisie », mais qu’il fallait une recette propre à l’histoire tunisienne et à ses particularités.

Avant l’écriture de l’ouvrage, l’équipe du Labo’ Démocratique a organisé une conférence internationale sur les archives de la police politique en novembre 2011, a produit un documentaire sur le sujet, et a effectué deux voyages d’étude, l’un en Allemagne en 2012, et l’autre en Pologne en avril 2014.

La deuxième étape du projet Police Politique, fut le lancement de recherches et de consultations avec la société civile, des universitaires et des responsables de l’administration tunisienne afin de donner vie à l’ouvrage « Révolution tunisienne et défis sécuritaires ». Une troisième étape consiste à compiler tous les documents ayant servi à élaborer le livre sur un site web : www. Secretpoliceproject.org, où se trouveraient les ressources juridiques des pays étudiés, des références d’ouvrages, des rapports,  des articles et des vidéos et audio.

Selon Le Labo’ Démocratique, ce site web n’est pas uniquement un site bibliographique, « mais une bibliothèque numérique vivante et internationale, sur toutes les questions concernant les polices secrètes, la surveillance des citoyens, les archives et fichiers de police, et plus généralement le contrôle démocratique du secteur de la sécurité et des services de renseignements ».

Ce projet a été financé par le PNUD, l'UNESCO et le gouvernement fédéral suisse. 

L'ouvrage sera présenté au public, le samedi 28 février, à 15h, à la bibliothèque nationale, et sera mis en vente au prix de 25dt.

Chiraz Kefi