Tunisie : La pédagogie des droits de l’Homme en débat !

Publié le Mardi 22 Mars 2016 à 15:42
vue de la table ronde
L’institut arabe des Droits de l’Homme organise les 21 et 22 mars 2016 à Tunis un atelier international de travail sur les défis et les outils pédagogiques utilisés dans l’enseignement des droits de l’Homme. 
 
Lors d’un débat organisé ce mardi, 22 mars, différents intervenants du Maghreb, militants de la société civile et enseignants, se sont exprimés au sujet de l’enseignement des Droits de l’Homme, et de leurs attentes. Un intervenant tunisien a parlé de la capitalisation des expériences à travers le monde, et ce en créant un portail internet qui regrouperait toutes les expériences en matière des droits de l’Homme. «Il faut viser le milieu travailleur, et familial, car ces milieux là ne trouvent pas qui les encadrer. Il faut sensibiliser les familles à qui revient la première éducation des plus jeunes", a-t-il dit.

Les intervenants ont insisté sur la nécessité de l’exercice des droits de l’Homme dans la vie quotidienne, tout en élargissant le cercle des personnes qui en bénéficient, ainsi que le renforcement des compétences, à travers l’apprentissage, le comportement et l’évaluation. « Renforcer les compétences doit réunir ces trois composantes. Les droits de l’Homme est un exercice quotidien, surtout pour les enseignants qui doivent en être conscients et y adhérer », a expliqué une participante du Maroc.
 
Au sujet de la formation, un intervenant tunisien parle de la Formation-action, un outil qui sensibilise au sujet des Droits de l’Homme : « Cet aspect ce n’est pas la seule mission du ministère de l’Education. Et par là je vise les directions régionales des Affaires sociales, les jeunes, la protection de l’enfance, le ministère de la Culture…C’est un sujet  sociétal, et ne concerne pas un seul secteur », a-t-il dit, tout en s’interrogeant sur l’absence d’un plan national pour les Droits de l’Homme. 
 
«Plusieurs associations tunisiennes travaillent sur la question des droits de l’Homme. Mais en l’absence du principe de participation,  il s’agit d’une perte d’argent et de temps », a-t-il ajouté. Il estime par ailleurs, nécessaire «d’appeler les gens à se réunir autour de la même table et à travailler ensemble ». 
 
La partie tunisienne a regretté l’inexistence de formateurs en matière des Droits de l’Homme : « Nous ne sommes pas en train de former des formateurs, mais de former des enseignants. L’idée d’un enseignant qui impose un cours carré n’est pas pertinente. Animer un cours est un savoir-faire, basé sur l’interraction. Il faut créer du savoir autour de la question, et l’accumulation de ce savoir permettra aux générations qui se succèdent de trouver de la matière et de ne pas recommencer de zéro. Chacun de nous est en train d’apporter sa pierre, mais malheureusement rien n’est en train d’être construit », a indiqué un participant de la société civile tunisienne. 
 
Il a précisé que seuls les décideurs sont capables de changer la réalité, et ce malgré toutes les actions menées par les associations. Le rôle de l’Etat est selon lui très important, étant le seul à posséder les moyens matériels et humains pour créer des clubs dans toutes les écoles, et d’aller dans les régions les plus reculées. 

«Il nous manque aussi l’évaluation de nos expériences. Il nous manque l’aspect de mesure dans le temps et dans l’espace au sujet de toutes les actions menées, pour que l’on sache où en est», a-t-il souligné.
 
Un autre participant au débat, activiste de la société civile marocaine, a parlé du public concerné par la question des Droits de l’Homme : « Lorsqu’on parle du renforcement des capacités, il est important de définir le public auquel on s’adresse », a-t-il dit avant d’ajouter « Et puis, ce n’est pas parce qu’on est enseignant que l’on transmet systématiquement les valeurs des droits de l’Homme ».
 
 Il appelle à la création d’une cartographie des formations dispensées, des ONG qui traitent de la question, et à la cohérence des besoins spécifiques. « Au-delà de la diffusion de la culture des Droits de l’Homme, il est nécessaire de travailler sur le savoir-être, sur les connaissances des sciences sociales et humaines, qui viennent renforcer notre capacité à voir le monde. Il faut former à la culture, au théâtre, au cinéma, au roman, car il existe dans le cinéma international des films qui valent tous les plaidoyers du monde en matière des droits de l’Homme », a-t-il relevé. 
 
L’atelier a également évoqué la question de l’évaluation des besoins, afin d’arrêter les outils nécessaires. Utiliser internet pour former et sensibiliser est devenu indispensable, du fait de l’évolution des habitudes des jeunes. 
 
Les changements géopolitiques imposent également de nouveaux comportements.  Avec l’augmentation du nombre de réfugiés dans la région du Maghreb, certains pays se trouvent confrontés à une situation à laquelle ils n’étaient pas préparés. « Prenons l’exemple du Maroc. Qui aurait cru qu’on aurait un jour des réfugiés syriens ! Personne ! C’est tellement loin la Syrie. Et bien aujourd’hui ils sont de plus en plus nombreux au Maroc, et la question des Droits de l’Homme doit prendre cette angle là en considération », a déclaré une intervenante. 
Chiraz Kefi