Tunisie : La nécessaire réforme du système carcéral

Publié le Vendredi 25 Mars 2016 à 17:03
L’Observatoire tunisien de la Sécurité Globale a organisé ce vendredi un séminaire sur l’état de la prison en Tunisie, « L’urgence d’une réforme ». Jamil Sayah président de l’OTSG, a déclaré que nul ne pouvait contester la nécessité d’engager une réforme progressiste et moderniste de l’administration pénitentiaire en Tunisie, « mais dans le monde arabe peu d’Etats ont pris un tel chemin », a-t-il dit, avant d’ajouter que la route vers une prison moderne, restait encore longue et semée d’embuches. 
 
Il précise que la représentation sociale de la prison en Tunisie, demeure marquée par un archaïsme rendant toute tentative de modernisation rapide, difficile.  « Dans l’inconscient populaire, la prison est une institution totalitaire et totalisante car c’est là où la dictature a torturé et parfois fait disparaitre des hommes et des femmes, qui s’étaient opposés au régime », a dit Sayah. Selon lui il faut « beaucoup de temps », pour que l’administration pénitentiaire devienne « une administration comme les autres ». La prison est un lieu totalisant car elle est un lieu de souffrance et de violence. Elle est l’ultime châtiment à éviter ; « La prison sert à mettre à l’écart et à exclure  des personnes condamnées par la société elle-même. Ce pourquoi chaque projet, chaque loi risque de se heurter à un mur de préjugés », selon Sayah.  
 
"La prison :  lieu de droit ou espace d’ordre"
Au sujet des gardiens et des surveillants de prison, Sayah estime que toute réforme qui viendrait à relativiser leur pouvoir, est souvent perçue comme une menace de cette toute-puissance.  « Dans l’approche culturelle tunisienne, la prison n’est pas un lieu de droit mais un espace d’ordre. On ne reconnait à l’individu aucune individualité. Il est soumis à une coercition sans relâche, car l’objectif premier est de maintenir l’ordre interne au sein de l’institution. « Alors on ne peut qu’être tenté d’appliquer les moyens les plus inadmissibles pour l’ordre interne règne », indique le président de l’Observatoire.
 
Il s’est ensuite interrogé sur ce qui resterait aux droits fondamentaux et aux pratiques modernes. « Rien », d’après lui.  Il explique que la menace constante sur les détenus est contre productive, « car porteuse des germes du désordre interne. Le corps soumis à une telle contrainte disciplinaire devient le seul moyen d’expression dont dispose le détenu pour s’opposer à l’ordre imposé », a dit Sayah, citant Michel Foucault, auteur de « Surveiller et punir ». 
 
A la surpopulation carcérale et à la vétusté des bâtiments, s’ajoute, selon Sayah, la fragmentation du tissu politico-religieux. « La gestion des groupes terroristes, créés pour tuer, n’est pas une mince affaire. Ils exigent un traitement particulier, mélange d’enferment et de réadaptation, ainsi qu’un savoir-faire dont le personnel actuel de nos prisons, en est de toute évidence dépourvu », termine Sayah.
 
Chaker Kooli, conseiller principal à la Direction Générale des Prisons et de la Rééducation, a pour sa part déclaré que l’Etat avait organisé une consultation en avril 2013, qui  visait à évaluer la situation du milieu carcéral en Tunisie, ainsi qu’à recueillir les propositions de toutes les parties concernées par la réforme.
 
 Un échange a eu lieu, dans le cadre de focus groupes,  entre anciens détenus, familles de détenus, avocats, militants des droits de l’Homme et surveillants de prisons, permettant de mettre en exergue les grands axes de la réforme. Ensuite la direction a interrogé des citoyens, au sujet des différents aspects de l’incarcération et des attentes pour de meilleures conditions de détention. Parmi les recommandations du diagnostic, les participants ont appelé au renouvellement des prisons suivant les standards internationaux, la révision de l’architecture des bâtiments, à faciliter le transport des visiteurs aux centres pénitentiaires, et à améliorer la prise en charge psychologique des détenus. 
 
Yasmine Bouagga, chercheur au CNRS de Paris, ayant mené une enquête au sein de deux maisons d’arrêt parisiennes, a recueilli un discours très critique des détenus : « Contrairement à ce qu’on pouvait imaginer, les détenus ne portaient pas l’incrimination sur les conditions de détention, la surpopulation ou la violence exceptionnelle au sein des établissements, mais avaient le sentiment de perdre leur temps en prison sans aucune perspective de réinsertion à la sortie. Mais encore, ils ont le sentiment d’être abandonnés à l’intérieur de la prison. Ils avaient l’impression qu’on les laissait « pourrir », et qu’au lieu d’avoir la possibilité de se racheter vis-à-vis de la société, on les enfermait d’une façon déshumanisante », a-t-elle relaté. 
 
Le travail en extérieur qui est un moyen de donner un sens au quotidien des détenus, a été de moins en moins appliqué en Tunisie depuis la révolution, d’après Yasmine Bouagga, pour des raisons sécuritaires aggravant le profil des détenus. Elle pointe par ailleurs, une population carcérale très élevée en Tunisie : «Avec 24 000 détenus sur 11 millions d’habitants, la Tunisie est un pays qui a beaucoup recours à la prison pour régler ses problèmes de sécurité. Les infractions les plus présentes sont des infractions non violentes, notamment pour la consommation de stupéfiants, sans que des solutions n’aient été mises en œuvre sur le plan législatif », a-t-elle souligné. 

Chiraz Kefi
 
 

Commentaires 

 
+1 #2 Tunis comedy show
Ecrit par Royaliste     27-03-2016 20:12
la Tunisie est un pays qui a beaucoup recours à la prison pour régler ses problèmes de sécurité. Les infractions les plus présentes sont des infractions non violentes, notamment pour la consommation de stupéfiants

en Tunisie, tu fumes du cannabis, tu es en prison, tu egorge des innocents en Syrie, tu es placé en résidence surveillée
 
 
+1 #1 Accords binationaux
Ecrit par Ben Whirlpool     26-03-2016 13:20
Je suis également favorable à des accords binationaux pour que, s'ils sont jugés et condamnés dans leur pays d'accueil, des immigrés délinquants puissent accomplir leur peine dans leur pays d'origine.
L'Europe n'a plus les moyens pénitentiaires d'accueillir des populations maghrébines et africaines indifférente aux respect des lois civiles.
 
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