Tunisie : La lutte des trois pouvoirs, où la quadrature du cercle ?

Publié le Jeudi 06 Octobre 2016 à 17:31
La situation se complique, et il y a de la tension dans l’air. L’esprit de consensus risque de se briser contre cette  dissonance persistante autour des majorations salariales.

L’UGTT refuse que les salariés soient les seuls à supporter les sacrifices de cette période de vaches maigres. Elle presse l’Etat à honorer ses engagements et à verser les majorations salariales dans les délais convenus, et sollicite sa médiation auprès du patronat pour la reprise des négociations autour des augmentations salariales au titre des années 2016 et 2017, conformément à l’accord-cadre singé antérieurement. Ce à quoi rétorque le patronat, ce jeudi, par un appel à une remise à plat. Il faut tout renégocier, à la lumière de la nouvelle donne, réclame Khalil Ghariani.

Gouvernement, patronat et syndicat censés afficher des positions convergentes, étant signataires de l’accord de Carthage sur les priorités de l’étape et les voies et moyens de sortir le pays de l’ornière, s’affrontent de nouveau, à une étape des plus périlleuses.

Assailli par les difficultés qui l’attendent en 2017,  face à un budget 2016 déficitaire de 6,5 milliards, qu’il n’arrive pas à boucler, et à un gap qui ne cesse de se creuser entre recettes et dépenses, le gouvernement, à la fois juge et partie, propose un gel des salaires de deux ans, histoire de redresser un tant soit peu les grands équilibres budgétaires. Sa proposition découle-t-elle aussi d’une injonction du FMI qui l’oblige de revoir à la baisse la masse salariale, de comprimer les dépenses publiques et de mener les réformes qualifiées de douloureuses, une condition sine qua non à la poursuite du soutien financier de l’institution financière. Elle s’explique également par le fait que le gouvernement est face à des échéances difficiles, du fait du début de remboursement des prêts arrivés à échéance, l’année prochaine.

Dans son programme de relance, le gouvernement compte énormément sur la reprise des investissements locaux et étrangers et sur la promotion des exportations génératrices de devises. Il place ainsi d’énormes espoirs sur les hommes d’affaires pour se diriger vers l’arrière-pays, y investir, y créer des emplois et  montrer ainsi la voie à leurs homologues étrangers, et en appelle au sens de responsabilité nationale du patronat. Comme il compte sur l’esprit de compromis et de concession de l’UGTT pour l’aider à calmer la grogne sociale et à instaurer la paix civile.

L’Etat qui attend qu’on lui vienne en aide pour remonter la pente, est objet, à son tour, de plusieurs attentes, et c’est qui commence le premier : la quadrature du cercle en fait. 

L’UTICA pose des préalables pour inciter ses adhérents à se lancer dans la Tunisie profonde. Il exige que l’Etat balise le terrain au flux potentiel des capitaux dans les régions intérieures, en termes d’infrastructure, de commodités, de stabilité et de sécurité. Le patronat presse par ailleurs l’Etat à reconquérir son autorité, à appliquer la loi, et à lutter contre la contrebande et le commerce parallèle. Comme il réclame une paix civile qui ne peut être traduite dans les faits que par le bon-vouloir de son partenaire syndical.

L’organisation patronale a-t-elle aussi appelé ce jeudi la centrale syndicale à retourner à la table de dialogue pour renégocier l’accord signé en début d’année, qui, à l’entendre, est dépassé par les événements et doit être revu et corrigé.

Si elle n’a pas encore fait savoir sa position de l’appel de l’UTICA, l’UGTT s’est longuement exprimée au sujet de celui de Chahed pour le report des majorations salariales de 2017 à 2019. Après son communiqué d’hier affirmant un refus catégorique à cette suggestion, l’UGTT qui dit défendre la veuve et l’orphelin, en présente l’explicatif, avec l’intervention de ses dirigeants dans les médias. "Entre les Tunisiens ne sont pas des apaches", de Belgacem Ayari (Attassia), "l’Etat n’était pas sous anesthésie, mais était bien conscient lorsqu’il a signé l’accord de majoration salariale", de Sami Tahri (express), ou bien "les salariés ne sont pas des locataires mais bien des propriétaires dans ce pays", de Samir Cheffi (Shems), les lieutenants de Hassine Abassi ne sont pas à court de formules choc pour dire leur désapprobation du procédé gouvernemental.

La confiance n’est pas au beau fixe entre partenaires sociaux. Les uns et les autres sont en train d’entrer en transe pour défendre chacun le bien-fondé de son argumentaire. Un dialogue de sourds s’il en est qui n’est guère dans l’intérêt du pays, dont la voie de salut se trouve dans une démarche concertée et consensuelle autour d’un objectif central : l’Intérêt national. Vivement que les canaux de dialogue se réinstaurent entre les trois centres du pouvoir : le tandem de l’exécutif, le patronat et le syndicat pour sortir de l’impasse et envisager des solutions fiables et viables aux problèmes du pays, à la fois conjoncturels et structurels.
H.J.
 

 

Commentaires 

 
#1 Chkoune fikomm merteh
Ecrit par Léon     06-10-2016 22:01
 
Ces commentaires n'engagent que leurs auteurs, la rédaction n'en est, en aucun cas, responsable du contenu.