Tunisie : La disparition de Slim Chaker aura-t-elle de l’effet sur la classe politique ?

Publié le Lundi 09 Octobre 2017 à 15:48
Feu Slim Chaker. Slim Chaker, décédé dimanche 08 octobre suite à une attaque cardiaque, est parti, en laissant derrière lui une réputation irréprochable, celle d’un homme honnête, consciencieux  et loyal à la patrie. Le défunt avait une vision réformatrice pour le secteur de la santé, dont il détenait les rênes depuis à peine un mois. Le coup de gueule qu’il a poussé il y a tout juste une semaine résonne encore dans les esprits. Suite à une agression contre un médecin, des infirmiers et un agent de sécurité au CHU Sahloul de Sousse, le ministre qui s’y est rendu dimanche 1er octobre avait dénoncé les agressions récurrentes contre le  personnel de la santé, (médecins, infirmiers et  autres), ainsi que le saccage dont faisaient l’objet souvent des équipements médicaux, qui lorsqu’ils sont ainsi détruits "ne peuvent être remplacés, faute de budget". Si de tels actes se poursuivaient, il faudrait dire Adieu à la Santé publique, avait-il mis en garde dépité, en annonçant dans la foulée des mesures dont l’élaboration d’une loi pour protéger les agents et cadres de la santé publique pendant l’exercice de leurs missions.

Depuis qu’il a pris ses fonctions, le ministre travaillait nuit et jour. Il multipliait les visites dans les régions pour s’enquérir de la situation souvent déplorable des hôpitaux publics, qui manquent de tout, souffrent d’un déficit abyssal, où les malades sont livrés à eux-mêmes sans compter le fait qu’ils se transforment souvent, en zones de non-droit.

Hier, Slim Chaker répondait à l’appel du devoir. Il a couru cinq cents mètres pour la noble cause, lors d’un marathon organisé par l’association Nourane, pour la prévention du Cancer, lorsqu’il a été victime d’un malaise cardiaque, à l’issue duquel il a été transporté à l’hôpital de Grombalia, puis à l’hôpital militaire où les tentatives de le secourir étaient vaines. Le ministre a perdu la vie, alors qu’il était en plein engagement et en plein don de soi. Le défunt aura agi, travaillé et donné de lui-même jusqu’au dernier souffle.

Sa mort soudaine a été un choc pour tous, les hommages se suivent dès hier dans les milieux officiels, partisans, civils… pour saluer sa mémoire, et louer ses qualités humaines, sa probité et son dévouement. Les partis politiques ont, dans leur majorité, publié des communiqués sur leurs pages officielles où ils regrettent la disparition du défunt, implorant Dieu pour qu’il lui accorde sa miséricorde, et présentant leurs condoléances à sa famille. 

La mort est une grande catastrophe : مصاب جلل, sa survenue est source de tristesse, de larmes et d’interrogation sur la vie et son sens. Celle de Slim Chaker était brutale, notamment pour ses proches, ses collaborateurs et ses amis, qui ne s’y attendaient pas.

Pareil drame doit inciter les uns et les autres, notamment en milieu politique, à être humbles, à modérer leurs ambitions et leur égocentrisme, à relativiser les rancœurs et les rancunes, à l’origine de l’immobilisme, du marasme et de l’accumulation des problèmes et à s’engager réellement pour sortir le pays de l’ornière et le remettre sur la voie du redressement.

En février 2016, alors qu’il était ministre des Finances, Slim Chaker déplorait une crise morale, dénonçant les dépassements constatés au quotidien, le non-respect de la loi, et le manque de patriotisme, des phénomènes qui, disait-il, sont sources de chaos.

En octobre 2017, cette crise morale demeure, elle est même en train de s’exacerber de jour en jour. La montée des individualismes et des égoïsmes où chacun tire la couverture à lui, notamment en politique, est totalement préjudiciable à la Tunisie, lui a beaucoup nui, lui nuira davantage, tant qu’elle persiste, et donnera le mauvais exemple à une société déboussolée et en perte de repères.

Or, il suffit que les acteurs politiques fassent preuve de désintéressement, accordent la primauté à l’intérêt national, plutôt qu’ à l’intérêt partisan et individuel étriqué, portent réellement les préoccupations populaires et facilitent la tâche à ceux qui sont aux commandes, en s’éloignant des polémiques stériles et oiseuses, pour faire prévaloir la critique constructive, et le débat de fond sur les vrais problèmes pour que la situation se débloque et le pays ait une chance de se tirer d’affaire. Le caractère éphémère de la vie devra encourager à faire siennes cette attitude et cette conduite, et n’oublions jamais que tôt ou tard, l’on ne sera qu’un simple souvenir.
Gnet