Tunisie/ 25 Juillet : La deuxième république mise à rude épreuve

Publié le Vendredi 24 Juillet 2015 à 14:15
La 2ème république se heurte à des menaces et des défis. La Tunisie célèbre demain, samedi 25 juillet, le 58ème anniversaire de la proclamation de la République. Une célébration qui a revêtu, après la révolution, un nouveau sens, et une nouvelle dimension, procédant de cette aspiration collective d’instaurer la deuxième république, dont le socle est la démocratie, les libertés et les droits. Ce rêve vivace et cette revendication inaliénable du peuple, se heurtent au contre-projet des obscurantistes, qui cherchent à saper les fondements du régime républicain, pour lui substituer nihilisme et chaos.

Il y a deux ans, le 25 juillet 2013, la fête de la république a été endeuillée par le meurtre du député Mohamed Brahmi, deuxième assassinat politique en Tunisie, après celui de Chokri Belaïd, survenu le 06 février de la même année. Ce crime terroriste a accentué la crise politique aigue, dans laquelle le pays s’était enlisé, faisant achopper son processus transitoire, constitutif.

Deux ans après, ce triste souvenir est encore présent dans les esprits, tout autant que le péril terroriste, qui a fait vivre depuis au pays des tragédies aussi traumatisantes les unes, que les autres. Dont les deux attentats meurtriers menés à trois mois d’intervalle, celui du Bardo (18 mars), et celui de Sousse (26 juin), ayant fait une soixantaine de morts, en majorité des touristes. Lesquels ont montré l’ampleur des dangers qui pèsent sur la république démocratique naissante, et leurs graves répercussions sur la stabilité et la sécurité du pays, sa perception à l’intérieur et à l’extérieur, son économie, son climat social, etc.

La Tunisie a beau se doter d’une nouvelle constitution unanimement saluée à travers les quatre coins de la planète, a beau se doter d’institutions pérennes issues d’élections démocratiques et transparentes, et a beau faire valoir le consensus sur les tiraillements et les querelles politiques, sa deuxième république est loin d’évoluer dans un environnement apaisé -en témoigne la proclamation de l’état d’urgence - et son devenir démocratique est mis à rude épreuve.

Le terrorisme est sans conteste le défi majeur, auquel la deuxième république est confrontée, étant une incarnation de l’antirépublicain. On ne saura immuniser et pérenniser notre modèle républicain, sans gagner la guerre contre le terrorisme, et minimiser, autant que faire se peut, son coût et ses dégâts.

Autre impératif à l’éclosion et au raffermissement de notre deuxième république, est le respect des dispositions de la constitution, et des institutions constitutionnelles, dotées dans les démocraties anciennes d’une certaine sacralité. Une violation de la constitution revient à fragiliser un édifice démocratique encore en gestation. Comme le fait d’empêcher le processus de justice transitionnelle, d’être mené conformément à la loi organique le régissant, et aux dispositions de la loi fondamentale.

La deuxième république inspirée de l’esprit de la révolution ne saura devenir effective, et se consolider, sans que la vérité du passé ne soit révélée, que les responsables des violations ne soient questionnés, rendent des comptes et s’excusent, que les victimes ne soient réhabilitées, que les institutions ne soient réformées, pour parvenir, au bout du chemin, à une réconciliation nationale sereine et réelle. Le pays a besoin de cicatriser les anciennes blessures, et de se réconcilier avec son passé, c’est seulement ainsi qu’elle pourra construire son présent et son avenir sur un soubassement solide, affranchi des rancœurs et des sentiments d’injustice et d’oppression.

Les Tunisiens sont foncièrement enclins au pardon, et à la mansuétude, et ont hâte à parvenir à la réconciliation nationale, mais pas en empruntant des chemins de traverse, et en outrepassant la loi et les institutions constitutionnelles. C’est tout le danger du projet de loi sur la réconciliation économique et financière qui, nonobstant les bonnes intentions pouvant l’animer, frappe le principe de justice transitionnelle dans le cœur, renoue avec des anciennes pratiques, parachutées et démocratiquement incompatibles, et attente à la deuxième république encore balbutiante.
H.J