Tunisie : La création d'un tribunal constitutionnel en débat

Publié le Lundi 24 Février 2014 à 17:22
Conférence sur l'analyse prospective de la nouvelle constitutionLa nouvelle constitution tunisienne a fait l’objet d’une analyse prospective lors d’une conférence organisée ce lundi 24 février à Tunis, par Democracy Reporting International et l’Association Tunisienne de Droit Constitutionnel(ATDC). Un évènement qui a réuni des représentants de l’ancienne Troïka, des figures de l’opposition, et des experts et membres de la société civile.

«L’actuelle version de la constitution est acceptable, on peut même la qualifier de révolutionnaire. Elle garantit un seuil minimum de droits et libertés et l’équilibre entre les pouvoirs, pour éviter le retour vers la dictature », a déclaré  Farhat Horchani, président de l’ATDC, ajoutant que cette constitution a prévu un acquis important à savoir la création d’un tribunal constitutionnel qui jouera un rôle majeur dans la protection de ces droits et libertés.

«Nous savons que l’entrée en exercice de ce tribunal constitutionnel est tributaire du prochain conseil législatif. Nous attendrons que ce dernier soit élu à la fin de l’année, et il aura la charge d’ériger un tribunal constitutionnel, dans un délai maximum d’un an. Ce qui veut dire qu’il faudra 1 an et demi à deux ans, à partir de ce jour, pour que ce tribunal soit opérationnel. Mais d’ici là que va-t-on faire ? quelles seront les garanties, et quels sont les mécanismes de contrôle des lois ? », S’est interrogée, Lobna Jeribi, vice-présidente de la commission constituante du préambule, des principes généraux et de la révision de la Constitution et membre du comité des consensus à l’Assemblée Nationale Constituante.
 
Elle a rappelé que ces questions ont été longuement débattues lors de l’élaboration des dispositions transitoires au sein du comité des consensus. Les élus ont alors imaginé trois alternatives au tribunal constitutionnel, en attendant que celui-ci prenne forme : «C’est soit que le tribunal administratif contrôle la constitutionnalité des lois jusqu’à ce qu’un tribunal constitutionnel soit érigé, soit que l’on demeure sans tribunal dans l’attente que ce soit fait et que ceci soit la priorité du prochain conseil législatif. La troisième alternative, fût la formation d’un tribunal constitutionnel provisoire. Et c’est cette dernière solution qui a été retenue, et qui a été inscrite dans les dispositions provisoires », a expliqué l’élue.

Selon elle, l’assemblée Nationale constituante devrait plancher sur la création de ce tribunal provisoire, dès qu’il aura terminé l’élaboration de la loi électorale.

«Par ailleurs, un tribunal constitutionnel n’est pas le seul gardien de l’Etat de droit. Si l’on étudie ce qui a contribué au maintien de la dictature, nous trouverons que l’un de ses bras a été l’administration. Réformer et asseoir une administration non partisane est l’une des bases d’un Etat de droit. Les médias doivent aussi être impartiaux et indépendants, les lieux de culte aussi…quand le chef de l’Etat possède un droit de regard sur la prestation du parlement, c’est aussi une garantie d’un Etat de droit, quand il demande le renouvellement du vote de confiance  pour le gouvernement…ce sont ses prérogatives pour contrôler le prochain pouvoir exécutif, à l’instar du régime portugais, où le président de la République joue le rôle de régulateur », a-t-elle expliqué, tout en relevant l’importance du fait, selon lequel le chef de l’Etat ne doit pas être du même bord que la majorité parlementaire.

Mohamed Gahbich, membre de la commission constituante des juridictions judicaires administratives, financières et constitutionnelles et membre du comité des consensus à l’ANC, a déclaré quant à lui que l’idée de l’Etat de droit a été très présente dans la constitution : «  L’indépendance de la Justice constitue notamment l’un des piliers de l’Etat de droit, toutefois, la constitution, le principe de séparation des pouvoirs, les droits et libertés n’ont aucune valeur sans la présence d’un contrôle judiciaire garantissant le respect de la constitution, de la suprématie de la loi, et l’exercice des pouvoirs dans le cadre de la loi », a-t-il dit.

Farhat Horchani, a ajouté que les lois qui devraient être votées prochainement et notamment la loi électorale, ne devraient pas être en contradiction avec le texte de la constitution, « tout en sachant qu’il n’existe aucun organisme de contrôle dans l’immédiat », a-t-il précisé.

Ce à quoi a répondu Lobna Jeribi, par un appel lancé à la société civile et aux élus, pour qu'ils proposent une loi portant création d’un tribunal constitutionnel provisoire, qui serait éventuellement étudiée par l’ANC en même temps que la loi électorale.
Chiraz Kefi