Tunisie : La CGTT en conflit avec l'Etat au sujet des libertés syndicales

Publié le Mercredi 08 Janvier 2014 à 16:59
Habib GuizaHabib Guiza, secrétaire général de la Confédération Générale Tunisienne du Travail, dénonce encore une fois, la marginalisation de son syndicat et son exclusion des questions afférentes à la vie publique.  

Il a déclaré, lors d'une conférence organisée ce matin, à Tunis, sous le titre "Violation des libertés syndicales en Tunisie", qu'il existe un article sur lequel les autorités s'appuient "par erreur", pour expliquer ces actes d'exclusion. il s'agit de l'article 32 du code du travail : "Il dit que lors des négociations sociales des secteurs, l'Etat négocie avec les secteurs les plus représentés. En cas de discorde lors des négociations, le ministre des Affaires Sociales décide après avoir consulté l'instance nationale du dialogue social, ajoute-il. Sur qu'elle base les choses doivent-elles se passer de la sorte?", s'est-il interrogé, pointant le  vide juridique qui persiste après le 14 janvier.
 
"La loi n'a pas changé, le syndicat n'a pas changé, alors que des nouvelles lois ont vu le jour concernant les partis politiques...aujourd'hui il y a une réalité qu'il faut prendre en compte, une pluralité des syndicats", a-t-il dit. Selon Guiza, son syndicat a effectué une étude, et a proposé des solutions, tout en portant plainte contre l'Etat tunisien. "Le ministre n'a pas le droit de s'immiscer dans nos affaires. Et puis au sujet des négociations, comment est-il possible d'organiser des réunions et d'en exclure une organisation syndicale ? Il n'y a aucune loi qui dit cela, ceci est une transgression à la loi", a-t-il souligné.
 
Concernant le dialogue national, initié par la centrale syndicale, Habib Guiza s'est dit surpris qu'on n'ait pas fait appel à son organisation, pour prendre part au dialogue. "La CGTT est une organisation militante. Nous avons été arrêtés et marginalisés du temps de Ben Ali, et nous avons porté plainte contre lui lorsque d'autres l'appelaient à se représenter et que lui les décoraient...Ceci est une réalité pour l'histoire, sans surenchère", a dit le secrétaire général de la CGTT. 

Il a exprimé son souhait de voir cette ancienne page du passé tournée, et que la situation des syndicats soit régularisée. D'après lui, seulement 10% des travailleurs tunisiens sont syndicalisés, et il y aura de la place pour tout le monde pour faire du travail syndical. La pluralité syndicale est selon lui une liberté, pour laquelle il ne doit pas être jugé ou exclu. "Il n'existe aucune loi qui autorise le PDG de Tunisair de ne pas traiter avec le syndicat de Tunisair, comme il n'existe aucune loi qui autorise le PDG de la BNA de faire de même avec le syndicat de la Banque. Ni Hamadi Jebali, ancien chef du gouvernement, ni Ali Laaridh, actuel chef du gouvernement, ne nous ont reçus. Que signifie cela ? Est-il normal qu'en tant que secrétaire général d'un syndicat depuis deux ans, je n'ai toujours pas rencontré le ministre des Affaires Sociales ?", a-t-il déploré, en précisant que les autorités sont responsables de cet état de fait, en écartant tous les syndicats autres que les syndicats historiques. 
 
La Confédération Générale Tunisienne du Travail se veut un syndicat moderne, qui prône la pluralité, mais souffrirait selon son secrétaire général du boycott de certaines institutions, y compris, les médias. "Trois ans après la révolution aucun plateau télé n'a été réservé à la pluralité syndicale ! Le Président de la République a reçu les salafistes, et pas nous. Pourtant c'est un ami, il nous a soutenus au début ensuite il nous a tourné le dos...c'est sans parler du reste...peut-on vraiment parler de révolution ?", s'est-il exclamé. 
 
Selon Guiza, la révolution s'était déclenchée pour la citoyenneté, "et la citoyenneté se base sur la pluralité et l'avis contraire". Habib Guiza défend le travail syndical comme étant un contre-pouvoir et non pas un allié du pouvoir. Il a exprimé son désaccord avec le principe d'intervenir dans les disputes opposant les parties politiques. 

Membre du bureau confédéral de la CGTT, et chargée de la communication,  Mahjouba  Chartaoui, est revenue sur le rapport de la commission de la liberté syndicale de la Confédération mondiale du travail qui s'est tenu à Genève en Octobre 2013. " Ce rapport a été élaboré suite à la plainte portée par la CGTT contre l'Etat tunisien. Une plainte datée du 4 juin 2012 après que les relations entre la CGTT et l'Etat tunisien se soient retrouvées dans une impasse et que plusieurs exactions ne soient perpétrées à  l'encontre d'employés affiliés à la CGTT ...plusieurs ressources de la CGTT en rapport avec des conflits, ont été gelées dans les institutions publiques...mais aussi, l'ingérence du ministre des Affaires Sociales dans les affaires internes de la confédération. En mai 2012, les exactions commises contre notre organisation a atteint son point culminant, quand après la grève réussie de Tunisair, des dispositions arbitraires ont été imposées aux syndicalistes, des poursuites et des renvois, mais aussi des privations des promotions de carrière", a relaté Chartaoui. 

Après quoi, et à la demande de la CGTT,  la Confédération Mondiale du Travail a adressé des notes à l'Etat tunisien pour demander des explications, au sujet de ces agissements. Deux notes qui sont restées sans réponses, selon la chargée de la communication. 
 
Le rapport de l'organisation mondiale est venu en réponse à ce silence, où la Confédération Mondiale du Travail classe la Tunisie, parmi les pays aux régimes les plus totalitaires quant à l'exercice des libertés syndicales, et appelle l'Etat tunisien à asseoir les libertés syndicales et à faire participer toutes les organisations légales. Une commission de la Confédération Mondiale a été dépêchée également à Tunis, pour rencontrer les autorités tunisiennes et discuter de ce sujet.

Chiraz Kefi