Tunisie : La CC seule habilitée à contrôler la constitutionnalité des lois

Publié le Vendredi 17 Janvier 2014 à 16:13
L'adoption de la constitution article par article se poursuit. L’Assemblée nationale constituante a bouclé ce vendredi en plénière l’examen du chapitre du pouvoir judiciaire, en entérinant les dispositions relatives à la Cour Constitutionnelle. Les députés s’apprêtent à attaquer le chapitre des instances constitutionnelles. Des compromis sont attendus au sujet de l’instance de l’information, notamment sur les articles 122 et 124, qui suscitent les grincements de dents de la profession et de la société civile. Ci-après les articles votés entre hier et aujourd’hui (1ère partie, 2ème partie, 3ème partie, 4ème partie, 5ème partie).

Pouvoir judiciaire (Suite)
Article 107 : Les catégories des tribunaux sont créées par une loi. Il est interdit de créer des juridictions d’exception, ou d’instituer des mesures exceptionnelles susceptibles d’attenter aux principes des tribunaux judiciaires. 
Les tribunaux militaires sont des juridictions spécialisées dans les crimes militaires, et les crimes de droit commun commis par les militaires.  
La loi fixe les prérogatives, la composition, l’organisation des tribunaux militaires, les procédures suivies en leur sein, et leur statut.

Article 108 : Les jugements sont rendus et exécutés au nom du peuple. Il est interdit d’en empêcher ou d’en bloquer l’exécution sans motif légal.  

Article 109 : Le conseil supérieur de la magistrature est composé de quatre organes, du conseil de l’ordre judiciaire, du conseil de la justice administrative, du conseil de la justice financière et de l’instance des conseils judiciaires.

Chaque organe est composé dans ses deux tiers de magistrats, dont la majorité est élue et les autres sont nommés selon leur qualité. Le 1/3 restant est constitué par des indépendants spécialisés, autres que des magistrats. La majorité des membres de ces organes doivent être élus. Les membres élus le sont pour un seul mandat de six ans.
Le conseil supérieur de la magistrature élit un président de ses membres parmi les plus hauts magistrats.

La loi fixe les spécialités de chacun de ces quatre organes, sa composition, son organisation, et les mesures suivies devant lui.

Article 110 : Le conseil supérieur de la magistrature bénéficie de l’autonomie administrative, financière et de l’autogestion. Il prépare un projet de budget et le discute devant la commission spécialisée de l’Assemblée des élus du peuple.

Article 111 : Le conseil supérieur de la magistrature garantit le bon fonctionnement de la justice et le respect de son indépendance. L’Assemblée générale des trois conseils judiciaires propose les réformes, et émet des avis sur les propositions de loi relatives à la justice qui doivent obligatoirement lui être soumises. Chacun des trois conseils statue sur le parcours professionnel des magistrats et sur la discipline.
Le conseil supérieur de la magistrature prépare un rapport annuel qu’il soumet au Président de la République, au Président de l’Assemblée des élus du peuple et au chef du gouvernement au plus tard au mois de juillet, et qui est publié.  
L’Assemblée des élus du peuple discute le rapport annuel à l’ouverture de toute année judiciaire lors d’une plénière de dialogue avec le conseil supérieur de la magistrature.

Article 112 : L’ordre judiciaire est composé de la Cour de Cassation, des tribunaux de deuxième degré, et des tribunaux de premier degré.
Le parquet fait partie de l’ordre judiciaire, et est concerné par les garanties que lui assure la constitution. Les magistrats du parquet exercent leurs fonctions définies par une loi, dans le cadre de la politique pénale du gouvernement, conformément aux dispositions fixées par la loi.
La Cour de Cassation prépare un rapport annuel qu’elle soumet au président de la République, au président de l’Assemblée des élus du peuple, au chef du gouvernement, et au président du conseil supérieur de la magistrature, et il est publié.
La loi définit l’organisation de l’ordre judiciaire, ses spécialités, les mesures suivies en son sein, et le statut de ses magistrats.

Article 113 : La justice administrative est constituée de la Haute Cour Administrative, de tribunaux administratifs d’appel, et de tribunaux administratifs de première instance.
La justice administrative examine les abus de pouvoir de l’administration, les contentieux administratifs, et exerce une fonction consultative conformément à la loi.
La Haute Cour Administrative prépare un rapport annuel qu’elle soumet au président de la République, au président de l’Assemblée des élus du peuple, au chef du gouvernement, et au président du conseil supérieur de la magistrature, et il est publié.
La loi fixe l’organisation de la justice administrative, ses spécialités, les procédures suivies en son sein, et le statut de ses magistrats.

Article 114 : La justice financière est composée de la Cour des comptes avec ses différentes instances. La Cour des comptes contrôle la bonne gestion de l’argent public, conformément aux principes de la légitimité, de l’efficacité et de la transparence. Elle statue sur les comptes des commissaires aux comptes publics, évalue les méthodes de gestion, prend des mesures dissuasives sur les fautes y afférentes, aide le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif à contrôler l’exécution des lois de finances et à boucler le budget.   

La Cour des comptes élabore un rapport annuel qu’elle soumet au président de la République, au président de l’Assemblée des élus du peuple, au chef du gouvernement, au président du Conseil supérieur de la magistrature, et il est publié.
La Cour des comptes élabore, si nécessaire, des rapports spécifiques, qui peuvent être publiés.
La loi fixe l’organisation de la Cour des comptes, ses prérogatives, les procédures suivies en son sein, et le statut de ses magistrats.

Article 115 : La Cour constitutionnelle est une instance judiciaire autonome. Elle est composée de douze membres de compétence, dont les ¾ sont des experts en droit avec une expérience de 20 ans au moins. Le président de la République, l’Assemblée des élus du peuple et le conseil supérieur de la magistrature nomment quatre membres, dont les ¾ sont des experts en droit. La nomination est pour un seul mandat de neuf ans.
Le 1/3 des membres de la Cour Constitutionnelle sont renouvelés tous les trois ans. La vacance survenue dans la composition de la Cour est pourvue selon la méthode suivie lors de sa composition. Les membres de la Cour élisent parmi eux un président et un vice-président parmi les experts en droit.

Article 116 : Le cumul entre le statut de membre de la Cour Constitutionnelle et toute autre fonction est interdit.

Article 117 : Le contrôle de la constitutionnalité est une prérogative exclusive de la Cour Constitutionnelle :
-Des projets de loi sur la base de la demande du président de la République, du chef du gouvernement, ou de trente membres de l’Assemblée des élus du peuple.
-Des projets de loi constitutionnels qui lui sont soumis par le président de l’Assemblée des élus du peuple, conformément à l’article 142, ou pour contrôler le respect des procédures d’amendement de la constitution.
-Les traités qui lui sont soumis par le Président de la République avant la promulgation du projet de loi les approuvant.
- Les lois qui lui sont soumises par les tribunaux suite à une allégation d’inconstitutionnalité à la demande de l’une des parties en litige, dans les cas et selon les procédures fixées par la loi.
 Le règlement intérieur de l’Assemblée des élus du peuple qui lui est soumis par le président de l’Assemblée.
Elle remplit les autres missions qui lui sont attribuées par la constitution.

Article 118 : La Cour Constitutionnelle émet ses décisions à la majorité des voix. La voix du président fait la différence en cas d’égalité des voix. Ses décisions sont motivées et contraignantes pour l’ensemble des pouvoirs, et sont publiées au Journal Officiel de la République tunisienne.

Article 119 : Le projet de loi anticonstitutionnel est transmis au Président de la République, qui le transmet à l’Assemblée des élus du peuple pour l’examiner une deuxième fois, et l’amender conformément à la décision de la Cour Constitutionnelle.
Avant sa promulgation, le président de la République doit le rendre à la Cour Constitutionnelle pour en examiner la constitutionnalité pendant un mois.

Article 120 : Lorsque la Cour Constitutionnelle se charge d’une loi, suite à l’allégation d’inconstitutionnalité, son examen se limite aux recours soulevés. Elle statue pendant trois mois renouvelables une seule fois, en vertu d’une décision motivée.

Article 121 : La loi fixe l’organisation de la Cour Constitutionnelle, les procédures suivies en son sein, et les garanties dont bénéficient ses membres.

La proposition d’ajout d’un article derrière l’article 102 au chapitre du pouvoir judiciaire a été adoptée :

Article nouveau : L’avocat bénéficie des garanties légales qui assurent sa protection et lui permettent de s’acquitter de ses missions.

Traduit par Gnet