Tunisie : L'ATFD proteste contre l'image de la femme dans les médias

Publié le Mardi 06 Janvier 2015 à 16:48
Vue de la conférenceL’Association Tunisienne des Femmes Démocrates a organisé dans plusieurs régions du pays des ateliers sur la présence des femmes dans les médias. Il en est ressorti que leur représentation n’est pas très flatteuse, ni leur image, dans les médias, surtout audiovisuels.

«Nous avons constaté après 2011, l’émergence de plusieurs phénomènes violents, surtout à l’égard des femmes. Cette violence a pris de nouvelles formes, avec la libéralisation de l’image et de l’expression. On voit une image  très réductrice de la femme, notamment dans certaines émissions de télévision censées traiter des problèmes sociaux », a déclaré ce matin lors d’une conférence de presse, Neila Zoghlami, membre de l’ATFD. Après sa série d’ateliers, à Kairouan, Sousse, Tunis et Gafsa, l’association a réuni aujourd’hui plusieurs figures médiatiques pour tirer la sonnette d’alarme et sensibiliser.

L’ATFD explique dans son rapport de ces journées de travail  que le traitement médiatique de la violence sexiste dans certaines émissions de télévision « grand public », sont l’expression d’une absence d’éthique et de professionnalisme. « Cet état de fait se traduit par la diffusion brute de l’information en lui donnant un titre accrocheur à des fins d’audimat ».

Les hommes et les femmes des médias, manquent concrêtement de sensibilisation et de formation. Ils font preuve de négligence, et le sujet de la violence sexiste est banalisé, selon le rapport des ateliers de réflexion autour du sujet. 

Les médias véhiculent des messages tolérant un certain degré de violence à l’égard des femmes. « Nous pouvons entendre un présentateur dire : ah mais il ne t’a pas battue, il t’a juste donné une gifle. C'est comme si il y avait un degré de violence toléré », a dénoncé Neila Zoghlami, ajoutant que les femmes participait aux débats télévisés de manière significative, surtout lors de la fête de la femme ou autres occasions spéciales, mais beaucoup moins le reste du temps.

L’ATFD a également relevé l’absence d’une approche féminine dans les lignes éditoriales des médias, ainsi que la prolifération de clichés au sujet des femmes, mais aussi l’absence de mécanismes de contrôle permettant aux spectateurs d’évaluer le contenu médiatique. L’ATFD relève aussi l’absence d’une approche professionnelle qui consacre la parité entre les hommes et les femmes dans les médias.

A l’issue de ces ateliers, l’ATFD a décidé d’organiser des plaidoyers avec différents médias tunisiens pour les sensibiliser quant à l’importance de l’image de la femme et sa présence, et pour inciter les preneurs de décisions ainsi que les journalistes à mieux aborder la question, le quotidien des femmes et leur rôle dans le paysage politique et la société civile.

Mais aussi l’ATFD a élaboré un référentiel adressé aux médias, qui comporte un état des lieux de la question, et des recommandations.

L’Association recommande entre autres, de lutter contre la ségrégation  basée sur le genre, aussi bien sur le plan de la rémunération que concernant les avantages pour les travailleurs dans les médias.

Elle préconise une redistribution des responsabilités au sein des institutions médiatiques en se basant sur la parité entre hommes et femmes, et surtout dans les postes de décision.

Il est également recommandé que le choix des présentateurs des informations soit fait sur la base de critères objectifs, et que les obstacles qui empêchent les femmes de progresser soient élucidés, y compris ceux en rapport avec leurs obligations familiales. Organiser des sessions de formation autour des droits de l’Homme, et généraliser les recherches et études sur la place de la femme et ses droits, sont aussi parmi les recommandations adressées aux médias.

Concernant le produit médiatique, le travail de l’ATFD presse à consacrer autant de place pour les femmes que pour les hommes dans les émissions, surtout politiques. L’association appelle aussi à interdire l’incitation à la violence contre les femmes, et à bannir le discours compatissant envers la femme, surtout celles victimes de violence, mais plutôt reconnaitre qu’elles sont dans leur droit. Le référentiel appelle à ne pas chosifier le corps des femmes dans les publicités et à faire participer les femmes à toutes les émissions à forte audience, ainsi qu’à présenter une image loin des représentations occasionnelles et superficielles, porteuse de clichés.

Enfin, l’ATFD incite les médias à prévoir une cellule au sein des institutions médiatiques, pour l’observation des abus, y compris le harcèlement sexuel à l’encontre des femmes.  
Chiraz Kefi