Immersion dans le Chantier Naval de Menzel Bourguiba

Publié le Mercredi 10 Février 2010 à 13:18
Le navire Napoléon Bonaparte en cale sèche à Menzel Bourguiba. Après une longue traversée du désert, le chantier naval de Menzel Bourguiba reprend du poil de la bête. Privatisée en 2003, la SOCOMENA (Société de Construction et de réparation mécanique et navale) a cédé la place en juin 2004 à CMR Tunisie (Compagnie méditerranéenne de réparation). L’Etat tunisien a accordé une concession sur 30 ans, outre une option de 20 années supplémentaires, des infrastructures et équipements lui appartenant, à la société CMR, avec la cession au concessionnaire des actifs et des stocks, propriété de la SOCOMENA. Retour sur une privatisation salvatrice, à l’occasion d’une halte technique d’un navire battant pavillon français, le Napoléon Bonaparte.

Niché à proximité de l’académie navale et de la zone militaire de Menzel Bourguiba, en retrait de la ville, le chantier naval, une forteresse inexpugnable affiche une mine austère. A presque 17 heures en ce mardi 09 février, sous une pluie fine, les agents de sécurité fébriles accueillaient les journalistes avec un sourire méfiant. Le contrôle d’identité est drastique. A l’allée inverse, des motos et des vélos en file indienne se précipitaient vers la sortie sur fond d'un bruit strident, avec des ouvriers qui se saluaient, échangeant quelques mots, apparemment réjouis de regagner leurs pénates après une longue journée de labeur.

Sitôt rassemblés, journalistes et représentants de la SNCM (Société Nationale Maritime Corse Méditerranée), de la CMR (Compagnie méditerranéenne de réparation Tunisie) l’héritière de la SOCOMENA et autres responsables de l’ambassade de France se sont dirigés, tout d’abord en voitures et puis à pied, vers le navire Napoléon Bonaparte, en cale sèche sur le site. L’odeur du fuel enveloppait l’atmosphère, des ouvriers et des ingénieurs sont à pied d’œuvre. D’esplanade dallée en escaliers, tout le monde est arrivé à bon port. Bienvenue à bord. Là, le décor est autre, après le contrôle d’usage, direction le 9ème pont, là où se trouve la passerelle, l’endroit qui renferme toutes les commandes dédiées à la direction des manœuvres du navire. Dans ce centre névralgique, l’informatique est reine ; un membre d’équipage rappelle l’abandon quasi-total de tout document papier.

A la sortie de la passerelle, la visite continue dans les dédales de ce palace flottant. Entre les suites de luxe du 9ème, les restaurants, la discothèque, les salons, le Napoléon Bonaparte mérite bien son nom. Même, si dans certains de ses compartiments, la visite s’est faite dans l'obscurité. "Etant en arrêt technique, le navire n’était plus autonome en termes d’électricité, de sonorisation", explique le commandant de bord en se confondant en excuses auprès de ces silhouettes qui tâtonnaient dans le noir, avant de leur lancer sur une note d’humour, "on dirait la maison fantôme d'Eurodisney".

L'exploration d'une bonne partie du navire étant terminée, direction vers l’un de ses somptueux salons, où se tenait le point de presse. Là, la salle était très bien éclairée, histoire d’y voir plus clair quant au pourquoi et au comment de la présence du Napoléon Bonaparte à l’ancienne Ferry ville, Menzel Bourguiba.
Le commandant de bord du navire tient d'emblée à rassurer l’assistance, "les chefs mécaniciens, les techniciens de la salle des machines et autres veillent sur vous, et sont à pied d’œuvre pour faire entretenir le navire, c’est ce pourquoi l’équipage n’est pas au complet". De 172 mètres de long et de 30,40 mètres de large, "le Napoléon Bonaparte est entré en cale sèche sans soucis", une opération qui n’est pas facile vu sa taille. Habitué des chantiers navals de Marseille, Barcelone, Christian Lefruit, directeur de la flotte de la SNCM, avoue avoir approché la Tunisie avec prudence. C’est la première fois, en fait, que le navire est en arrêt technique en Tunisie. Mais à l’issue de la première semaine, il se dit satisfait de l’avancement des travaux de réparation, rendant hommage au personnel "sympathique, accueillant et professionnel". La SNCM, un armateur français dont le capital est détenu à 56 % par Veolia Transport, a tenu compte de trois critères fondamentaux dans le choix de Menzel Bourguiba : "la qualité de services, le respect des délais et le coût de la réparation". Les travaux d’entretien auxquels participent de 300 à 350 personnes, tous tunisiens, concerne "la partie extérieure du navire, étanchéité, embellissement ; la partie mécanique qui demande un savoir-faire particulier ainsi que des travaux d’aménagement touchant notamment la moquette".

Claude Miguet "La CRM Tunisie, qui accueille de 70 à 80 navires par an pour réparation a présenté l’offre la plus compétitive". Le plus grand challenge à relever, nous explique Claude Miguet, Président Directeur Général de CRM Tunisie, ou "Tunisia Ship Repairs" comme il préfère l’appeler, était de finir l’ensemble des travaux en deux semaines. Pour ce faire, on y travaille jour et nuit. Le maître de céans, le seul français de tout le personnel, se réjouit de l’évolution de l’activité du Chantier naval, qui, plus est, a réussi à surmonter les effets de la crise, excepté une inflexion constatée au 2ème semestre de 2009.
Pour cet ingénieur qui travaillait depuis 1975 dans les sociétés de réparation navale de Marseille, Madagascar, Argentine et depuis 2004 en Tunisie, il y a un avant et un après CRM. "Lorsqu’on a repris la SOCOMENA, elle était dans un état de délabrement total, l’infrastructure était déplorable, on a dû investir 14 MD pour la remettre à niveau. Il y a deux ans, il était impensable qu’on reçoive en réparation un bateau de la taille du Napoléon Bonaparte, d’ailleurs, je ne répondais même pas aux appels d’offres. Mais, maintenant, on est prêt à accueillir tout type de bateaux", nous confie-t-il avec un air un tantinet altier. Et de poursuivre : "la CRM Tunisie a repris tout le personnel de la SOCOMENA qui était au nombre de 235 personnes, et a contribué à la création d’emplois", dans une région qui souffre d’un taux de chômage élevé. "Notre personnel compte 400 personnes fixes, pouvant atteindre les 600 personnes selon la charge de travail. Nous avons une masse salariale de 8 millions de dinars par an, ce qui équivaut à 2 mille emplois dans le secteur de la chaussure. Et puis une grande partie des investissements qu’on a menés ont été effectués par des entreprises locales, c’est tout dire des retombées économiques du chantier naval sur la région", ajoute-t-il. Finies les déboires de la SOCOMENA, "l’avenir de la CMR Tunisie se construit au jour le jour et s’annonce radieux", promet notre interlocuteur, confiant.

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Maintenant qu’il est repris par les Français, le chantier naval de Menzel Bourguiba, à l’origine l’arsenal de Sidi Abdallah construit par la France en 1898 -1905, n’est pas loin d’atteindre sa vitesse de croisière. Rafik Lamine, ingénieur du génie civil qui estime avoir le privilège d’y travailler, partage cet optimisme. Originaire de Ghar elMeleh, ce jeune chef de service maintenance s’occupe de l’activité parallèle et ô combien fondamentale, en l’occurrence l’entretien, l’aménagement et la réhabilitation du site avec sa toiture, son étanchéité et toute son infrastructure afin qu’il soit au niveau pour pouvoir accueillir les navires pour réparation. "Menzel Bourguiba est le seul chantier naval avec bassin en Afrique", s’enorgueillit-il, en reconnaissant l’aspect délicat et dur de sa mission et de celle de toux ceux, ouvriers et cadres, qui opèrent sur le chantier. Sur ces quelques mots, on nous a gentiment invités à libérer les lieux, la nuit est tombée sur le site, mais l’activité est loin d’être rompue. Des ouvriers ne fermeront pas l’œil de la nuit pour permettre au Napoléon Bonaparte de reprendre le large dans les délais impartis. Dehors, des pluies diluviennes s’abattaient sur Menzel Bourguiba, plongé dans sa torpeur hivernale.
H.J.


 

Commentaires 

 
+2 #7 RE: Immersion dans le Chantier Naval de Menzel Bourguiba
Ecrit par el manchou     20-02-2010 16:35
encore un bienfait de la colonisation française
 
 
-1 #6 heureux qui comme.....
Ecrit par machoua_3al_glace     15-02-2010 22:02
Rien que de la poudre aux yeux mes amis. Faut regarder de plus prêt. Le trou à combler pour l'économie des lieux est aussi gros que les 4 générations qui ont mis le chantier sur les genoux. Il n'y a plus rien à rattraper sauf les miettes que veut bien nous jeter Sarko. Les seuls tunisiens dans le projet sont des sexagenaires bientot à la retraite et ceux qui doivent reprendre la flamme n'existent que dans les rêves. On restera, comme le voulait un certain Bush, un réservoir de MO bon marché. on a louper le coche et tout l monde s'en fo...
 
 
+1 #5 Rectificatif
Ecrit par lary     13-02-2010 13:45
Je vous apporte une correction car on a aussi un bassin du coté de Dakar long de 185 mètres et 30 mètres de large et a été construit par les français en 1895.
 
 
#4 30 + bonus 20
Ecrit par C_moi     11-02-2010 21:37
j'ai bien aimé la..."concession sur 30 ans, outre une option de 20 années supplémentaires" ca se fait chez nous ? mais je pense que ca concerne au moins trois generations a venir non ? qui est le garant de ca ?
 
 
#3 t'a pas bien lu Ennabli
Ecrit par MOMO     11-02-2010 15:24
T'a pas bien lu l'article, mon ami. Ce n'est pas le génie des promoteurs tunisiens qui est mis à l'honneur. Car le génie tunisien il a plutôt failli faire couler à tout jamais cette entreprise.
Ce sont des français qui ont remis la barque à l'eau. Comme d'habitude, si on n'a pas des étrangers pour faire tourner nos entreprises elles restent sur le bas côtés de l'économie mondiale !
Dommage.
 
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