Tunisie : Hydrocarbures, transparence et climat des affaires

Publié le Mardi 24 Mai 2016 à 17:16
Les investissements directs étrangers (IDE) dans les industries extractives et le souci de la transparence, est le thème d’une conférence organisée ce mardi par l’Institut arabe des Chefs d’Entreprises et le Natural Resource Governance Institute.  A cette occasion, la députée de la commission des Finances au sein de l’ARP, Olfa Soukri Cherif avait rappelé que le sujet des hydrocarbures avait été évoqué à plusieurs reprises, notamment lors d’une campagne lancée sur les réseaux sociaux sous le slogan « Winou el Pétrole » (Où est le pétrole ?) et à travers laquelle les citoyens s’adressaient aux gouvernants au sujet des richesses naturelles, de leur sort, et du manque de transparence qui règne sur les contrats et permis d’exploitation. 

«Dans cette campagne, on s’est interrogé sur les procédés de transparence pour garantir les intérêts du peuple tunisien. Ce qui intéressait le plus les citoyens c’est ce qui revenait aux caisses de l’Etat et comment ces revenus générés sont-ils exploités », a-t-elle dit. Le ministre de l’Energie et de l’Industrie de l’Epoque a été entendu en plénière suite à quoi un rapport a été rédigé par le NRGI.

« La Tunisie après avoir signé un accord pour plus de transparence sur le plan international, s’est rétractée. La transparence et la redevabilité devraient être des principes de cette démocratie naissante. La transparence permet d’attirer plus d’investisseurs et permet d’améliorer la note souveraine », a-t-elle souligné.

Mais la Tunisie est mal notée à l’international en matière de gestion du secteur pétrolier, et ce en raison de la non publication des contrats d’exploitation, indique Olfa Soukri Cherif, qui appelle à ce qu’il y ait une volonté et une stratégie claires dans le secteur des hydrocarbures, « la loi est faite pour être respectée », a-t-elle dit, en allusion à la constitution qui appelle à la transparence et à la redistribution équitable des revenus des richesses naturelles. 

Au sujet du phosphate, Jamal Hajji, directeur de l’exploitation à la direction générale des mines avait déclaré que les deux secteurs, celui des mines et des hydrocarbures étaient gérés de la même manière en Tunisie. « En ce qui concerne la transparence, la loi devra être révisée. Il existe une grande défaillance dans le secteur du phosphate avec une production d’environ 35% à cause des mouvements sociaux. Au lieu que nous produisons 8.5 millions de tonnes, nous sommes en train de faire 3.2 à 3.5 millions de tonnes. Nous avons besoin de 5000 agents dans les usines, alors que nous en avons 8000 tout en sachant que les nouvelles technologies dans le secteur ont été multipliées par trois », a-t-il dit. Mais si l’économie tient encore debout, c’est probablement grâce une forte imposition du secteur.

Kaïs Mejri, directeur général des services communs au ministère de l’Energie et des mines, a déclaré que dans un  rapport de L’OCDE, publié en  2013, la Tunisie figurait parmi les pays dont la rente pétrolière pour l’Etat était la plus élevée au monde. « Elle tourne autour de 80%. La Tunisie est parmi les pays qui fiscalisent le plus l’activité pétrolière et gaz dans le monde. Il y a même des permis qui ont des rentes de plus de 80% », a-t-il indiqué. La modification du code des hydrocarbures sur lequel planche actuellement le ministère a suscité des questions, notamment la manière avec laquelle drainer plus d’investissements avec le système fiscal actuel, a-t-il précisé.

Les critères pour investir dans les hydrocarbures sont au nombre de 16 selon le rapport de l’OCDE. Parmi eux le système fiscal, la stabilité économique, l’administration, la qualité de l’emploi, la stabilité, l’environnement, mais aussi la transparence. « La fiscalité est performante en Tunisie mais une  performance qui peut ne pas attirer les investisseurs vu une certaine dégradation des sites tunisiens. La Tunisie a reculé dans sa note en tant que pays favorable à l’investissement », a ajouté le directeur général au ministère. 

Mohamed Ghazi ben Jemia, directeur général Afrique du Nord d’une entreprise de forage, a déclaré quant à lui que le cadre légal n’était respecté et que si il était amélioré.
«Sinon on perdrait beaucoup d’investisseurs », selon lui, qui s’est également interrogé sur l’absence de l’Etap dans les efforts d’exploration.

Jameleddine Kasbi, ancien cadre à l’ETAP et expert auprès des entreprises pétrolières a dit au sujet de la fiscalité pétrolière qu’elle était définie dans le code des hydrocarbures et qu’au niveau de l’ETAP il y avait un contrat d’association avec l’investisseur dont le modèle est disponible et actualisé tous les ans. « Les contrats sont des modèles qui existent, qui sont actualisés et ne représentent aucun problème. Le souci après 2013, c’est l’environnement des affaires. Avant, la Tunisie était dotée d’un avantage concurrentiel par rapport à ses voisins. Mais aujourd’hui, on n’est pas dotés de grandes ressources pétrolières. Les dernières découvertes sont des champs marginaux de petite taille, d’environ 2km, alors que le champ El Borma a une structure de 700km², et Ashtart de 150km² », a-t-il dit.

Malgré une rente de 80% pour l’Etat en ce qui concerne le pétrole et d’environ 70% pour les gisements de gaz, la fiscalité ne demeure pas un souci majeur pour les investisseurs, selon lui. Le climat des affaires, en revanche, en est un.  

Abdelaziz Rassaa, ancien ministre et ingénieur en Pétrole, a déclaré pour sa part croire en les énergies renouvelables qui devraient jouer un rôle important comme celui joué par El Borma il y a plusieurs années. « Pour que l’on puisse répondre aux besoins du pays et pour que les investisseurs reviennent », a-t-il dit.
Chiraz Kefi