Tunisie : Gel des salaires, les caisses de l’Etat étant vides ! |
Publié le Vendredi 22 Juin 2018 à 17:10 |
Aucun jour ne passe, sans que des voix ne s’élèvent pour alerter sur la gravité de la crise qui sévit dans le pays, laquelle revêt des dimensions multiples politique, économique, financière, sociale... Certains vont jusqu’à dire que cette crise est sans précédent dans l’histoire de la Tunisie moderne, et est plus grave que celle qui a secoué le pays en 1986, à la fin du règne de Bourguiba, où l’aggravation de la situation économico-financière a donné lieu à la mise en œuvre du programme d’ajustement structurel (PAS), en accord avec le FMI. Côté officiel, à part quelques déclarations parcellaires et routinières au niveau ministériel, la réaction n’est pas à la mesure de la situation. On semble même oublier au sommet de l’Etat que le pacte consensuel qui sert de base à la gestion de la période actuelle est rompu depuis des semaines. Le président de la république avait en effet suspendu le lundi 28 Mai dernier le document de Carthage, face à la discorde autour du point 64 sur le changement du gouvernement. En l’absence de consensus, le pays est géré au jour le jour ; chacun des protagonistes va de son côté, en tentant de défendre ce qu’il croit être sa chasse gardée. Tout ça sur fond d’un climat confus marqué par le conflit, la défiance, les allégations, et les accusations, personne n’est en mesure d’en distinguer le vrai, du faux. Cette situation de stand-by traduit une certaine résignation générale, notamment des institutions de l’Etat qui se résolvent à laisser du temps, au temps, ne daignant pas concourir au dénouement de la crise, en préconisant par exemple un passage de ce gouvernement fragilisé, par l’Assemblée pour un nouveau vote de confiance à même soit de le conforter, soit de mettre un terme à sa mission. Le chef du gouvernement fait comme si de rien n’était, et continue à travailler, ne donnant pas jusque-là suite à son annonce d’un remaniement pour apporter les changements qu’il faut, aux endroits qu’il faut au sein de son équipe. Pas de concertations d’usage dans ce sens, preuve qu’il n’a pas les coudées franches pour le faire, son sort reste suspendu à la reprise du dialogue politico-social. Entretemps, l’UGTT est infatigable dans ses diatribes contre le gouvernement, en même temps qu’elle réclame son éviction et le remplacement de son chef, elle lui reproche d’arrêter unilatéralement, tout processus participatif au sujet des négociations sociales pour les majorations salariales dans la fonction publique et le secteur public. L’accord signé entre les deux parties en avril dernier en vue d’un dialogue social sur la hausse des salaires au titre des années 2018 et 2019, reste sans suite, et les séances de négociations n’ont pas encore repris, alors que la centrale syndicale s’y accroche mordicus "pour donner du pouvoir d’achat aux classes moyennes et démunies." La décision du gouvernement de surseoir aux pourparlers avec la centrale syndicale, même si ses motifs ne sont pas clairement explicités, ferait suite à une recommandation du FMI de réduire les dépenses et d’éviter de nouvelles augmentations salariales dans le cadre du nécessaire assainissement budgétaire. Sans compter les consignes données par l’institution financière aux autorités de réduire la masse salariale, considérée comme étant la plus élevée dans le monde par rapport au PIB. L’influente organisation syndicale accuse ce vendredi le gouvernement de prendre, "d’une manière unilatérale, des mesures décisives pour le pays, face à des injonctions étrangères, au mépris du principe participatif et de concertation institué par le processus de dialogue social". Dans un communiqué conjoint, les groupements de la fonction publique et du secteur public pointent à l’issue de leur réunion la veille, "l’obstination du gouvernement de suivre la politique de fuite en avant, dans ce qui est appelé les grandes réformes en vue d’imposer le choix de la privatisation des entreprises publiques, la baisse de la masse salariale dans la fonction publique, la limitation des recrutements, et ce en soumission totale aux injonctions des bailleurs de fonds". Le syndicat relève "la dégradation grandissante de la situation économique, avec la hausse de l’inflation, l’aggravation du déficit commercial, la dépréciation du dinar, la hausse de la dette extérieure, et ce parallèlement à la hausse des charges consécutives aux impôts, la dégradation des services sociaux, et la détérioration du pouvoir d’achat". L’UGTT accuse le gouvernement "de se soustraire à toutes les précédentes conventions consistant à trouver des solutions à l’emploi précaire, et de revenir sur les conventions relatives aux négociations sociales sur les majorations salariales dans la fonction publique et le secteur public", pointant son "non-sérieux dans la poursuite des négociations sur la révision du régime général de la fonction publique et les entreprises publiques". Si les gouvernements successifs ont toujours fini au cours de ces sept ans par se plier au bon-vouloir syndical, le gouvernement actuel ne paraît pas près d’en faire autant, ce n’est pas dans une volonté d’escalade avec l’UGTT même si c’est le cas de facto, mais parce que les caisses de l’Etat sont vides, face à une raréfaction des liquidités. La volonté de contenir l’inflation dans des proportions raisonnables pourrait-elle aussi justifier un gel des salaires, car toute majoration salariale nourrira, d’une manière mécanique, les tensions inflationnistes. Gnet
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