Tunisie : Essid et Chahed à l’œuvre, l’un dans le bilan, l’autre dans la projection

Publié le Mardi 09 Août 2016 à 13:40
Essid et Chahed se succéderont à la Kasbah. Deux chefs du gouvernement sont actuellement à l’œuvre en Tunisie, et se font par moments de l’ombre. L’un, le sortant Habib Essid est installé à la Kasbah et est en train d’expédier les affaires courantes après avoir fait l’objet, le 30 juillet dernier, d’un vote de défiance de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). L’autre, Youssef Chahed qui prend ses quartiers à Dar Edhiaffa à Carthage, est en pleine concertation sur l’architecture et les membres de sa nouvelle équipe, après avoir été officiellement chargé, le 03 août de former le gouvernement d’union nationale. 

Les deux chefs du gouvernement font en ce mois d’août 2016 l’actualité. Habib Essid aura occupé le terrain jusqu’à la dernière minute, en faisant parler au quotidien de lui, et de ses ministres, et en menant ses activités officielles normalement, histoire de réaffirmer que la continuité de l’Etat est assurée, même si une telle période charnière n’empêche pas un certain relâchement au niveau de l’administration, farniente estival aidant, où l’attentisme est de mise, en prévision des changements annoncés.

Les ministres du gouvernement d’expédition des affaires courantes sont donc en train de défiler un à un, ces derniers jours, au bureau d’Habib Essid à la Kasbah - excepté le promu ministre des Affaires locales -pour faire le point sur les projets réalisés, les actions et projections futures dans leurs domaines respectifs. Ces rencontres de fin de mission procèdent à un tour d’horizon des différents dossiers posés dans tel département ou tel autre, sous la formule de bilans et perspectives.

Le futur prédécesseur (à la Kasbah) ne s’est pas contenté de son passage au parlement pour évaluer l’action de son gouvernement, et va plus loin, à travers ces rencontres thématiques, pour montrer ce qui a été fait, et ce qui reste à faire. 

Création de méga-ministères en vue
Le prochain successeur au poste qui garde, certainement, un œil éveillé sur l’ultime prestation de son homologue, est lui dans l’engagement et la projection. Dès le jeudi 04 août, Youssef Chahed a entamé un marathon de concertations, recevant les délégations des partis politiques et organisations nationales signataires du document de Carthage, portant sur les priorités du gouvernement qu’il aura à diriger.

Le chef du gouvernement désigné a scindé le dialogue en deux phases. La première qui a pris fin hier a porté sur l’organisation, et l’architecture de la nouvelle équipe. Dans ses échanges avec les acteurs politiques et civils, des idées et propositions se sont dégagées, à l’instar de la création de méga-ministères ou de pôles ministériels à même d’induire la fusion de ministères, ou encore du maintien de l’organisation actuelle. Certains partis ont prôné un gouvernement restreint, d’autres la réinstauration des secrétariats d’Etat, supprimés par Essid lors de son remaniement ministériel de janvier dernier.  

Dans la deuxième étape qui devrait débuter ce mardi même, il sera question des personnalités qui auront à composer le gouvernement Chahed. La priorité sera accordée en la matière aux partis politiques, étant donné que les organisations nationales, notamment l’UGTT et l’UTICA, ont exclu toute participation directe au gouvernement, même si elles garderont le droit de veto sur les nominations ministérielles.

Chahed tentera donc de satisfaire les demandes des différentes parties, et de concilier des avis souvent inconciliables. Les partis de la coalition sortante, Nidaa, Ennahdha, Afek et l’UPL, qui se sont inscrits pleinement dans l’initiative présidentielle et soutenu énergiquement la désignation de Chahed auront la part belle en matière d’attribution de portefeuilles ministériels.

L’opposition de gauche et de centre-gauche signataire de l’accord de Carthage, ayant émis des réserves sur la personnalité de Chahed, désapprouvé la manière dont il a été nommé, et écarté toute participation à son gouvernement, verra, selon toute vraisemblance, sa position conforter, a fortiori qu’elle est peu ou pas représentée au parlement ; elle n’aura ainsi servi qu’un faire-valoir pour BCE pour garantir le succès de son initiative.

En revanche, des personnalités nationales indépendantes devant y figurer, pour que cela donne lieu à un gouvernement politique et de compétences, comme l’a annoncé son chef. Aussi faut-il s’attendre au maintien de ministres du gouvernement sortant, en l’occurrence des personnalités partisanes qui auront ainsi échappé, par leur reconduction, à l’échec invoqué du gouvernement démissionnaire. Ce sera le legs d’Habib Essid à Youssef Chahed.

H.J.