Tunisie : D’ex-ministres plus intéressants en dehors du pouvoir, que dedans !

Publié le Lundi 01 Octobre 2018 à 16:28
Fadhel Abdelkefi qui a dû quitter le gouvernement Chahed sur fond d’une affaire en justice qui s’est terminée par un non-lieu, fait valoir les valeurs du patriotisme et de pragmatisme pour gouverner et redresser le pays. Il recommande d’en finir avec les idéologies, et de faire montre de  courage et de volonté pour effectuer les réglages nécessaires à une sortie de crise…

On ne compte pas, le nombre de figures qui se sont relayées sur les différents ministères, sous les gouvernements successifs qui ont tenu les rênes du pays, depuis 2011. Issus d’horizons différents ; ayant des parcours académiques, professionnels convergents ou divergents, expatriés, ou du pays…. Ils ont, en majorité, atterri en politique par pur hasard, entraînés, qu’ils étaient par la fougue postrévolutionnaire, dans le tourbillon de laquelle, les Tunisiens avaient découvert une attirance envers la politique, qu’ils n’ont jamais connu auparavant.

Les difficultés de l’action publique, ces dernières années, sont connues de tous, elles ont été, par moments, insurmontables et se sont traduites par une instabilité durable. Tout autant que les gouvernements auxquels ils appartenaient, les ministres n’ont pas pu faire grand-chose, mené les réformes qui devaient être mises en œuvre, et faire bouger les lignes ou laisser une quelconque marque. Le temps leur a manqué, mais aussi, la compétence, dont le déficit sautait aux yeux, s’agissant de certains, incapables, qu’ils étaient d’aligner une phrase juste, d’avoir une pensée structurée, une analyse lucide des problèmes, et de la manière de les régler.

Le déficit en termes de compétence découlait du fait que la composition des gouvernements était tributaire du bon-vouloir des partis politiques, et donc des considérations partisanes, qui faisaient que l’homme ou la femme qu’il fallait, n’était pas désigné à la place qu’il faillait. Des ministres compétents, qui avaient une vision, et un programme, on en a connu aussi, mais là, aussi leur prestation était modeste à faible, car il n’avait pas les coudées franches d’agir, sous le poids des pressions politiques, financières, syndicales...

Le pays connait, à ce jour, une myriade d’anciens ministres qui ont servi  au cours de ces huit
dernières années, pour des périodes plus ou moins longues. Certains sont tombés dans l’oubli, on entend plus parler d’eux. D’autres continuent à intervenir dans le débat public, à critiquer, à tenter de montrer la voie…en les écoutant, on se rend compte que leur discours n’est pas mal, et leurs idées constructives. Ils s’avèrent plus intéressants en dehors du pouvoir, que dedans, pour les raisons qu’on a développées ci-dessus, et pour s’être libérés du devoir de réserve, et retrouver une certaine liberté de parole. Mais le discours ne veut rien dire, si l’application ne suit pas.

Aujourd’hui, tout le monde est d’accord sur les réformes à entreprendre pour sortir le pays de l’ornière, et il n’y pas besoin d’être diplômés des grandes écoles pour le savoir, la difficulté tient, néanmoins, aux pesanteurs qui entravent l’action. Des forces de pression pèsent de tout leur poids, et ne reculent devant rien pour empêcher le pays d’être mis sur la trajectoire des réformes, et surmonter les multiples travers qui risquent de le mener à sa perte. Tout est fait pour éloigner l’attention et les efforts des problèmes de fond, et les focaliser sur les questions marginales dont le but est d’entretenir les clivages, de semer le trouble dans les esprits, et d’accentuer la crise de confiance entre les politiques et l’opinion.

Tout cela est à appréhender dans la perspective d’un remaniement ministériel que l’on dit imminent, dans l’espoir de voir la situation politique se décanter. Le gouvernement remanié devra normalement obéir aux rapports de force du moment, une fois les nouveaux accords conclus, et les arrangements faits. Il devra, impérativement permettre le ralliement des personnalités se prévalant de compétence, de perspicacité, et de sens d’abnégation pour éviter au pays de s’enliser davantage. Même si l’on reste sceptique sur sa capacité de débloquer la situation en quelques mois, face à la persistance de la crise entre les deux têtes de l’exécutif, et cette espèce de cohabitation inédite qui en découle, dans un climat de précampagne, dont le résultat direct sera le statut quo, voire le blocage.
Gnet