Tunisie : Des politiques alarmistes, un peuple entre apathie et excès !

Publié le Lundi 08 Juin 2015 à 18:18
Ouinou elpetrole dérape. Qu’est-ce qui a fait qu’une campagne à l’origine citoyenne, et pacifique, se transforme en un alibi pour semer le trouble et la zizanie dans certaines régions du pays. Ceux qui ont lancé cette opération sur la toile, et les internautes qui les ont rejoints dans une espèce d’élan spontané, avaient-ils à l’esprit que leur campagne allait mettre le feu au poudre ? La frontière est-elle si ténue, dans la Tunisie postrévolutionnaire, entre l’expression démocratique classique, et le risque de déstabilisation, et son corollaire la montée du péril terroriste ?

Autant de questions qui se posent au vu de ce qui est advenu de ouinou elpetrole, une campagne qui a enflammé dernièrement les réseaux sociaux, mais n’en est pas restée là, c’est qu’elle s’est transformée en actes de violence et de saccage dans certaines régions.  Cette dérive est d’autant plus redoutable, que les troubles se sont produits au Sud à quelques encablures de nos frontières avec la Libye, un pays en proie aux luttes fratricides, et où le groupe de l’Etat islamique a élu domicile, tout en ayant des visées expansionnistes sur la région.

Face à cette dégénérescence, des accusations sont lancées ça est là contre des parties et des partis qui seraient derrière l’instrumentalisation de la colère populaire et l’embrasement. On n’en saura pas plus. Les coupables dans ce genre de troubles, on en a connu bien d’autres depuis la révolution, restent indéfinis, impersonnels et inconnus. Hormis les insinuations et les accusations implicites ou explicites lancées entre partis, l’opinion publique reste dans le flou quant à ceux qui sont en train de souffler sur les braises et d’attiser la discorde et les dissensions régionalistes et claniques dans le pays.

Pourtant, il s’agit là d’une question de sûreté nationale, avec laquelle on ne doit aucunement transiger. Quand bien même ces supposés agitateurs en chef opèrent dans l’ombre, le fait de les démasquer et d’en mettre à nu les agissements, ne seraient pas si compliqués, pour peu que la volonté de le faire existe. Ne dit-on pas que notre appareil de renseignements a réalisé des avancées considérables et est en mesure de détecter et de déjouer tous les actes malfaisants avant même leur survenue.   

La situation actuelle n’est plus tenable. Le pays ne cesse de s’empêtrer dans des difficultés de différents ordres, sans qu’un quelconque début de solutions ne soit perceptible. Si d’aventure on cherche à réveiller les démons de la division, chose qui est à l’origine des malheurs dans la région qui nous entoure, apprêtons-nous à sonner le glas de la fameuse exception tunisienne.  

Cette dégradation intervient à une période censée être de gouvernance durable, où des institutions pérennes issues des urnes sont aux commandes. On a comme l’impression d’une impuissance généralisée, y compris des politiques de qui on attend des stratégies, des réformes, et des solutions, susceptibles de sortir le pays de l’ornière.

Il n’en est rien, le discours politique actuel est plutôt à l’alarmisme : Daech est à nos portes, la contrebande fait des ravages, la crise économique persiste, tout autant que les tensions sociales…de quoi plonger les Tunisiens encore plus dans l’abattement et la déprime.

Que les politiques tiennent un langage de vérité est vivement recommandé, mais que leur discours manque de pragmatisme, sur comment ils comptent procéder pour solutionner les problèmes, et préserver l’unité du territoire et du peuple, c’est ce qui demeure inquiétant.

Le peuple est-il aussi  en train de faillir à ses devoirs. Cela fait des années qu’on l’appelle au travail, tous les gouvernements qui se sont succédé en ont fait un leitmotiv, tout autant que les experts, les économistes et les médias, mais leur supplication tombe à chaque fois dans l’oreille d’un sourd. Qu’est ce qui fait que ce qui n’a pas été entendu hier, le soit aujourd’hui, même les tragédies nationales que la Tunisie a connues, à l’instar de l’attaque du Bardo, n’a pas produit la prise de conscience escomptée et n’a pas changé l’attitude des Tunisiens.

Un peuple tantôt gagné par l’apathie et l’indifférence, tantôt par l’excès et la violence, et une classe politique dont le catastrophisme n’a pas d’équivalent en termes de capacité à donner du rêve, de l’espoir et de l’entrain à la population, donnent lieu à autant de soubresauts aux lourdes conséquences.
H.J.