Tunisie : Des personnalités et intellectuels publient un livre blanc

Publié le Vendredi 27 Juin 2014 à 16:35
Mustapha Kamel NabliDes personnalités tunisiennes de différents horizons viennent de publier un livre blanc sur la situation en Tunisie. Ce document a été conçu lors d’une série de réunions tenues au cours de la dernière période, à la fondation Témimi pour la recherche scientifique et l’information.

Les signataires sont Mustapha Kamel Nabli, Abdeljalil Temimi, Hamadi Ben Jaballah, Abdelmajid Charfi, Amel Gourami, Emna Mnif, Boutheïna Ben Jaballah Ayadi, Taoufik Bachrouch, Taoufik Jebali, Hamadi Samoud, Selim Loghmani, Sonia Temimi, Taher Boussema, Abdelkader Mhiri, Abdellatif Fourati, Abdelwaheb Meddeb, Abdelwaheb Mahjoub, Ali Mezgheni, Ammar Mahjoubi, Fethi Ben Slema, Faouzia Charfi, Kalthoum Meziou, Mohamed Haddad, Mohamed Kilani, Mohamed Abdenadher, Mohamed Nouri Romdhane, Monia Ben Jemaï, Mounira Chapoutot Remadi, Neïla Sellini, Nasreddine El Afrit, et  Hela Boussema.  

Publié dans sa version originale en arabe, le document est en train d’être traduit en Français. Entretemps, la synthèse ci-dessous élaborée par Mustapha Kamel Nabli, a été publiée ce vendredi sur la page officielle d’Abeljelil Temimi.  

Un groupe d’intellectuels et de penseurs vient de rendre publique une prise de position sur la situation  qui prévaut dans le pays sous la forme d’un « Livre Blanc » dont le contenu constitue pour l’essentiel, un cri d’alarme relatif au danger qu’encourt l’Etat  tunisien. Cette forme d’expression a été choisie par ce groupe afin que leur point de vue ne soit pas considéré comme un simple « appel » ou une simple « lettre  ouverte» adressée à l’opinion publique, ni comme une « motion » définissant  une liste d’exigences. Ce document se veut un « Livre blanc », d’abord  parce que ses initiateurs s’expriment en partant d’une perspective Citoyenne qui est la plus noble et la plus globale---qui dépasse l’étroitesse  des partis pris, des appartenances politiques voire professionnelles. Ensuite, ce document se présente comme un « Livre blanc » qui, plutôt que de se limiter à la description des maux dont a souffert le pays avant la Révolution et qui ne cessent de s’aggraver  depuis, apporte des propositions de solutions qui peuvent contribuer à la sortie de l’impasse dans laquelle il se trouve. Enfin, c’est un «Livre Blanc» qui, sans attribuer la responsabilité à quiconque en particulier, exige que le citoyen soit au fait des causes réelles qui ont conduit le pays à  cette crise.

Ce «Livre Blanc» constitue un cri de détresse en vue du salut de l’Etat tunisien, un appel pressant pour le libérer de la situation tragique dans laquelle il s’est trouvé confiné. Cette situation alarmante a eu des retentissements sur la psychologie du citoyen tunisien souffrant actuellement de déception et de désillusion qui le condamnent à l’indifférence. En effet, si, avant la révolution, on ne cessait de ressasser la  notion d’Etat de droit et des institutions essentiellement dans le but d’opprimer le citoyen, après la révolution, ce concept est désormais utilisé pour déconstruire l’Etat lui-même. Ce sont les raisons pour lesquelles s’impose, aujourd’hui, une priorité absolue : la restauration des rôles politique, régulateur et éthique de l’Etat. Une restauration devant commencer, insiste-t-on, par une réforme de  l’instance judiciaire qui devrait acquérir toute son indépendance, œuvrer à parfaire la formation des juges et à améliorer leur compétence professionnelle. L’avenir de la Tunisie et le sort de la révolution en dépend et ne peuvent être assurés que par un système judiciaire performant et indépendant, ce qui requiert l’intégrité morale, la formation scientifique et la compétence professionnelle.

Les auteurs du Livre Blanc estiment qu’à l’origine de la décadence actuelle, se trouvent des problèmes essentiels relatifs aux questions de la culture, de l’éducation, de l’information et de la sécurité.

En ce qui concerne la culture, pour les auteurs, il s’agit de lui assigner la mission de sauvegarde les fondements constitutifs de l’identité nationale, et de renforcement de l’aspiration du citoyens à l’esthétique de la beauté et le rejet de la laideur, de même que sa libération de toute forme d’oppression et d’étouffement. Quant à la question éducative, elle revêt, aux yeux des signataires, une importance capitale, étant donné son impact sur la formation des générations futures, ce qui rend nécessaire la reconnaissance de l’autonomie de l’Ecole de la République, qu’il s’agisse des jardins d’enfants jusqu’à l’Université, et de les protéger de toutes les formes d’interférence liées à la compétition politique. Le système éducatif ne doit obéir par principe qu’à ses propres exigences pédagogiques et scientifiques.

Aussi est-il urgent, martèlent les signataires de ce document, de mettre fin à l’anarchie qui a envahi les milieux scolaires et culturels, de fermer dans l’immédiat, toute “école”, tout  “koutèb” et toute faculté nouvellement constituées dans l’illégalité et ne répondant pas aux critères scientifiques, pédagogiques et sanitaires tels que définis pat les règlements en vigueur.

Conformément au principe de l’indépendance, poursuivent les auteurs, la Tunisie est en droit de  se réjouir de l’affranchissement  du journaliste  de la soumission à laquelle il était astreint des années durant, se donnant ainsi le moyen de faire preuve de ce dont il est professionnellement capable. Toutefois, sa mission est appelée à se hausser davantage au rang des nobles tâches qui lui sont  aujourd’hui confiées : faire prendre plus conscience aux citoyens des objectifs de la Révolution, à savoir l’emploi, la liberté et la dignité nationale, et leur faire connaître les dangers qui guettent la Nation et  la Révolution, provenant en particulier de ceux qui se déguisent derrière l’évocation des principes de la liberté d’association, de pensée et d’expression. Il s’agit pour le journaliste de défendre la déontologie de son métier  tout autant que de défendre les valeurs de liberté, d’égalité et de progrès.

Quant à l’affaire sécuritaire, elle occupe une place majeure. Le « Livre Blanc »  appelle  à faire converger les efforts fournis en la matière  en vue d’une meilleure coopération avec nos voisins maghrébins. La recrudescence du terrorisme appelle à doter, urgemment, les forces armées, de la sécurité intérieure et la douane de toutes les ressources humaines, financières, logistiques et juridiques adéquates, en vue de leur donner les moyens de protéger les frontières de toute violation et de faire face, à l’intérieur, à toutes les formes de laxisme et de transgression  des prérogatives  de l’Etat. Il est impératif à ce que tout citoyen ou association de la société civile apporte tout soutien possible en vue de gagner notre lutte contre le terrorisme. L’efficacité de cette action  requiert, selon les auteurs de ce Livre Blanc, la création d’une institution sécuritaire moderne quant à sa structure et républicaine  quant à son éthique et à sa fonction ; et qui serait soutenue par une agence nationale des renseignements et de la sécurité globale.

Le devoir national oblige à prendre convenablement soin des blessés des forces armées et de sécurité et à prendre en charge, comme il se doit, les familles de nos martyrs, victimes de la lutte contre le terrorisme. Cette cause ne saurait être gagnée qu’en attaquant les cause du mal, et partant, en tarissant ses sources matérielles et en démantelant ses bases idéologiques : bloquer son financement en luttant contre le commerce illicite, et reprendre en main toutes les mosquées, tous les lieux de prière confisqués par les apôtres de la culture de la haine, de la pensée obscurantiste, et par les hors la loi.

Les auteurs du Livre Blanc mettent en garde contre la tentation de ne pas écouter suffisamment la Jeunesse tunisienne éduquée et consciente, fer de lance de la Révolution et ferment des temps à venir. Ils considèrent que cela constitue une des missions essentielles de l’Etat dans tout ce qu’il entreprend. Par ailleurs le Livre Blanc n’a pas été en mesure de couvrir suffisamment les questions économiques et sociales à cause de leur complexité, de leur difficulté et de la lourdeur de l’héritage. Il a été en mesure seulement d’appeler à mettre ces questions de manière appropriée et dans leur globalité sur la table par l’ensemble des composantes économiques et sociales du pays. Ils mentionnent, cependant, que d’ores et déjà l’Etat est tenu d’exercer son rôle régulateur et législatif dans trois directions principales. La première consiste à concilier entre l’objectif de sauvegarde de l’indépendance et la souveraineté dans les décisions nationales et les choix d’ouverture sur l’économie mondiale et ce que cela offre comme possibilités pour le développement. La deuxième est de trouver un équilibre dans les choix économiques entre la nécessité de promouvoir la liberté d’entreprendre qui permet la création des richesses et des opportunités d’emploi d’un côté et la réalisation du maximum d’équité et de justice sociale d’un autre côté. Finalement l’exigence aujourd’hui est de donner au développement des régions de l’intérieur l’attention nécessaire en vue de mettre fin à une période de privations qui trop duré.

Restaurer le statut de l’Etat dans la société ainsi que ses fonctions politiques, éthiques et régulatrices sont un réquisit nécessaire autant au salut du pays qu’à la réalisation des étapes restantes du processus de transition démocratique, notamment la réussite des prochaines élections législatives et présidentielles, un moment crucial pour l’avenir de la Tunisie. En réalité, l’enjeu des prochaines élections est moins celui du choix d’un gouvernement pour cinq années que celui du choix d’un projet de société et de civilisation. Soit les Tunisiens se réveillent pour sauver leurs acquis et les promouvoir, en premier lieu, l’Ecole de la République, le Code du Statut Personnel, ainsi que l’attachement aux valeurs de tolérance et d’ouverture, l’adhésion aux principes des droits universels de l’Homme, le respect des accords internationaux et des lois régissant les relations entre les pays, soit ils laisseront la porte ouverte à l’inconnu et ce que peut apporter le processus du chaos créatif, une approche adoptée par ceux qui ambitionnent à un retour vers l’âge de la pierre .

Les auteurs du Livre Blanc reconnaissent que la Tunisie ait fait, contre vents et marées, beaucoup de progrès, bien qu’en deçà de ses ambitions en quantité et qualité, et surtout en deçà de ses possibilités. Il tiennent pour un acquis majeur de la Révolution que le peuple ait appris à  défendre lui-même ses acquis, à exprimer lui-même ses ambitions et à obliger l’Etat à les servir, rompant de la sorte avec le statut humiliant de minorité marginalisée pour accéder à un militantisme bien compris et dépasser définitivement l’esprit d’exclusion. Ce sont cette éthique et ces valeurs politiques sur lesquelles peut compter le Tunisien pour réaliser les finalités de sa Révolution, en premier lieu l’emploi qui demeure la priorité des priorités, ainsi que les libertés tant individuelles que sociopolitiques et la dignité nationale, ce qui garantirait le salut éternel du pays.
Synthèse du livre blanc (Par Mustapha Kamel Nabli)


 

Commentaires 

 
-4 #3 Juste pour rire ...
Ecrit par A4     29-06-2014 19:06
Ces élites et ces intellectuels peuvent écrire tout ce qui leur passe par la tête, faire toutes les propositions possibles et imaginables, la décision revient à la RACAILLE pour laquelle une "majorité" a voté. Eh bien, il faut faire avec la racaille jusqu'à se fracasser le crane contre la muraille qui se dresse devant nous !!!
 
 
+1 #2 Pour un Etat républicain de droit!
Ecrit par Volvert     28-06-2014 12:51
Si le contenu de ce Livre Blanc correspond, dans ses éléments détaillés à la synthèse qui en est offerte, je le cosigne des deux mains, et tout de suite.
Un Etat républicain respectueux de ses citoyens et adossé à des structures administratives et judiciaires capables d'assumer leurs roles dans le respect de la légalité républicaine pour tous, voilà les bonnes bases susceptibles de garantir un accès égal aux droits et un traitement équitable à tous les citoyens.
Où peut-on se procurer ce livre en France?
Merci de me le dire.
 
 
+4 #1 RE: Tunisie : Des personnalités et intellectuels publient un livre blanc
Ecrit par Montygolikely     28-06-2014 12:47
Tout, en fait, tient dans cette phrase "le Livre Blanc n’a pas été en mesure de couvrir suffisamment les questions économiques et sociales à cause de leur complexité, de leur difficulté et de la lourdeur de l’héritage ".
C'est en décortiquant et en essayant de résoudre au mieux les principaux problèmes liés aux questions économiques et sociales qu'on arrivera à sortir la Tunisie de sa torpeur.
A titre d'exemple ;
- quand les ouvrières agricoles, surexploitées et souvent humiliées, seront déclarées par leurs employeurs et bénéficieront d'une couverture sociale, on pourra parler "d'avancée" sociale,
- quand on décidera, une bonne fois pour toutes, de mener une "guerre" impitoyable contre les fournisseurs de produits et articles frauduleusement introduits sur le marchés et les exploitants mafieux de pauvres marchands ambulants marginaux et ignorants, on commencera à pouvoir parler de "régulation de marché"...
Je pourrai citer bien d'autres cas mais le principal combat que nous devons mener à tambour battant est celui contre l'incivilité dans tous les sens du terme...
 
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