Tunisie : Crise des valeurs et risque d’effondrement de l’Etat

Publié le Lundi 31 Mars 2014 à 17:30
La révolution n'atteindra pas ses objectifs sans une réconciliation avec les valeurs.La révolution tunisienne a réalisé jusque-là des succès théoriques, certes substantiels, mais n’a pas encore amorcé le processus de transformation proprement dit, celui qui touche les esprits, améliore les réalités, et le vécu de la population.

Le bouillonnement politique, social et sociétal, ayant accompagné la période consécutive au 14 janvier 2011, était une étape nécessaire, qui, au bout du compte, doit déboucher sur les contours d’un projet à même de marquer le passage réel de la dictature à la démocratie.

Autant l’instauration de la dictature et son maintien est facile, car elle s’appuie sur la tyrannie d’un homme, et utilise la force et la répression pour inféoder le peuple, autant la construction de la démocratie est laborieuse, car il n’y a pas moyen de la décréter.  L’on parle en fait de culture démocratique, voire d’un long processus où les concepts et les fondamentaux se heurtent aux mentalités et aux comportements dominants, qui, une fois porté à maturité, enfante un projet politique et de société basé sur la coexistence pacifique, le respect du vivre ensemble, la consécration de la liberté, et sa bonne gestion -en ce sens que la liberté des uns, n’empiètent pas sur celles des autres- ainsi que l’enracinement de la citoyenneté et de la dignité humaine.

Quid de notre expérience ? Où en est-on de la construction de ce socle de valeurs, préalable à l’avènement de l’ère démocratique. Hélas, on en est encore loin. Et personne ne semble en avoir cure.

Certes, la Tunisie fait l’objet aujourd’hui d’une perception positive de l’extérieur, étant le seul pays du printemps arabe, qui a su surmonter sa crise politique par le dialogue, et qui s’en sort, à ce stade, tant bien que mal. De l’intérieur, on demeure peu ou prou, perplexes. S’il est vrai que l’adoption d’une nouvelle constitution, et l’intronisation d’un gouvernement de compétences apolitiques, ont constitué un soulagement pour les Tunisiens, il n’en demeure pas moins que l’inquiétude demeure entière face l’immensité des défis, notamment économiques, qui nous guettent. Le doute quant à notre capacité de sortir de l’ornière est, à plus forte raison, plus grand, que les Tunisiens ne semblent pas encore pris la mesure des exigences de l’heure, et du changement qu’elles induisent au niveau des pratiques et des comportements. Pour preuve la rémanence de la frénésie revendicative, et des menaces de grève, dans des secteurs névralgique, à l’heure où l’économie va à vau-l’eau. Dont la dernière celle du secteur du transport routier des marchandises qui menace d’entamer une grève de dix jours à compter du 1er avril, si ses revendications ne sont pas satisfaites.

Face à la persistance de cette tension sociale, à l’origine d’un manque à gagner pour l'économie de plusieurs milliards de dinars depuis 2011, les partis politiques restent murés dans le silence. Aucune position énergique ne s’exprime pour dire stop à cette destruction méthodique et programmée de nos équilibres micro et macro-économiques, à même d’occasionner, si elle  venait à se poursuivre, l'effondrement de l’Etat.

Au lieu de cela, les partis politiques, pénards tant qu’ils ne sont pas aux responsabilités, se préparent aux prochaines élections (alliances électorales, candidatures aux présidentielles et autres points qu’ils comptent trancher dans la période à venir). Enfermés dans ses calculs électoralistes, le paysage politique continue son évolution inflationniste. A l’instar des dernières élections, le prochain scrutin devrait voir la participation d’un nombre pléthorique de partis, source d’effritements de voix. Les leçons de la première expérience électorale ne seront pas ou très peu tirées, car la vie politique est encore dominée par les égocentrismes, et l’amour immodéré du pouvoir.

Moralité de l’histoire : L’on délaisse l’essentiel, et l’on s’occupe du subalterne. L’essentiel est aujourd’hui de moraliser les différentes sphères de la vie politique, économique et sociale ; de réconcilier les Tunisiens avec les valeurs et le sens patriotique,  et de commencer à construire l’Homme à même de former une collectivité citoyenne. On peut avoir les lois les plus progressistes et la constitution la plus avant-gardiste, elles seront vaines, si la société demeure réfractaire aux valeurs. La première valeur est le respect du travail consciencieux, sans lequel notre économie ne sortira pas de sa léthargie, et notre transition démocratique aura du plomb dans l’aile.

H.J.


 

Commentaires 

 
#1 RE: Tunisie : Crise des valeurs et risque d’effondrement de l’Etat
Ecrit par Montygolikely     01-04-2014 16:28
Les gens qui parlent comme ça sont en général ceux qui oublient le robinet et le laissent couler quand ils se rasent...
 
Ces commentaires n'engagent que leurs auteurs, la rédaction n'en est, en aucun cas, responsable du contenu.