Tunisie : Coup de Com, marasme, censure…les ingrédients de la rentrée !

Publié le Jeudi 15 Septembre 2016 à 17:29
Chahed tape dans la main d'un élève de son ancienne école primaire. Les vacances sont finies pour de bon. En ce jeudi 15 septembre, des millions d’élèves ont rejoint les bancs de l’école. La rentrée scolaire est placée sous le signe des réformes et des nouveautés. A l’instar de la rentrée politique qui a supposément débuté il y a une quinzaine de jours avec un nouveau gouvernement, en attendant la rentrée économique qui tarde à avoir lieu, et dont des manifestations comme celle tenue ce jeudi à Paris, pour présenter l’appel à un plan Marshall pour la Tunisie ou la conférence internationale sur l’investissement de novembre prochain, cherchent à amorcer. La rentrée médiatique est, elle, déjà entachée par un scandale : la censure de l’interview de l’ancien président de la république, Moncef Marzouki.

Rentrée des classes : Le coup de Com de Chahed
En ce 15 septembre, le locataire de la Kasbah a été nostalgique à son école primaire d’il y a trente ans, où il a choisi de donner le coup d’envoi de la rentrée des classes. Bras dessus, bras dessous avec son institutrice, il s’est rendu à l’école Hédi Khefacha d’El-Menzah 1, où il a échangé avec les élèves, leur prodiguant des conseils, en tentant de les rallier à l’idée que le savoir reste l’unique chemin du succès. Un coup de Com, si l’en est, à travers lequel le Premier ministre a voulu transmettre des messages, dans un nouveau style. Le premier est qu’il est l’enfant de l’école publique. Une note positive à l’heure où l’image de l’école du ministère se dégrade, étant un milieu de tous les fléaux et des grèves à répétition, c’est ce qui fait qu’elle soit de plus en plus boudée par les parents, qui préfèrent consentir des sacrifices immenses pour inscrire leurs enfants dans le privé, dont l’enseignement primaire est réputé pour son sérieux et sa discipline. Le second message est d’inciter les élèves à respecter l’enseignant, et à raviver une valeur en déperdition, face à la détérioration des rapports élève/ enseignant naguère sacralisés. La troisième idée est sa suggestion de focaliser sur ce que veut devenir l’enfant plus tard, plutôt que sur la profession des parents, une manière d’en finir avec une pratique discriminatoire envers les élèves ;  l’école de la république devant être avant tout égalitaire.

Rentrée politique, ça baigne dans le flou
Le 29 août dernier, Youssef Chahed a pris ses fonctions en tant que chef du gouvernement d’union nationale. Là, les choses baignent dans le flou, et la nouvelle équipe tarde  à faire ses marques. 17 jours, une période certes courte pour évaluer l’action du gouvernement sur le fond, mais ça doit donner des indices sur la nouvelle méthode de travail annoncée. Il n’en est rien, la période d’acclimatation semble encore avoir de beaux jours devant elle, l’action est monotone et lente, et jusque-là, on n’assiste pas à une rentrée politique, proprement dite.

Rentrée économique : le marasme
Idem pour la rentrée économique, le marasme semble s’inscrire dans la durée. Les chiffres alarmants sur le déficit, l’endettement, le trou des finances publiques… seraient en train de se dégrader, et ce n’est pas la baisse des salaires des ministres qui va changer en quoi que ce soit la situation. L'attentisme prévaut. Le patronat met des préalables pour la reprise de l’investissement local, le gouvernement n’a pas encore pris des engagements à ce sujet, tout en annonçant des mesures et des réformes, et en plaçant de gros espoirs sur la conférence internationale sur l’investissement, coparrainée par la France et le Qatar, pour inciter les capitaux étrangers à mettre le cap sur nos contrées. Là aussi, les acteurs économiques européens, américains, asiatiques et autres auront des conditions liées à la sécurité, à l’allégement des procédures administratives, au climat des affaires, à la lutte contre la corruption, à la paix civile, àl’infrastructure… notamment dans les régions intérieures, pour lancer des projets sur nos terres.

Rentrée médiatique : Le scandale
Elle est déjà entachée par un scandale retentissant. La censure de l’interview de l’ancien président de la république sur la chaîne Attassia. L’équipe de Moncef Marzouki accuse la présidence de la république, la présidence du gouvernement et des ministres du gouvernement d’être à l’origine de pressions ayant fait que l’entretien soit interdite de diffusion. La chaîne confirme ces pressions, sans donner, pour le moment, plus de détails. Si la véracité de cette interdiction était établie, ce serait très grave qu’on en soit arrivé là, après une révolution dont le seul acquis palpable est la liberté de presse et d’expression. Ce sera aussi le signe du recul de la transition démocratique réussie, dont on ne cesse de faire l’éloge.
H.J.