Tunisie : Confusion Etat/ Pari, ou le cadeau empoisonné à Youssef Chahed !

Publié le Mardi 20 Septembre 2016 à 10:52
Youssef Chahed Le jour de ses 41 ans*, avant-hier dimanche 18 septembre, Youssef Chahed, a été  nommé à la présidence du comité politique de Nidaa Tounes. Il y a à peine trois semaines, le même Youssef Chahed prenait ses fonctions en tant que chef du gouvernement. Chahed a désormais une double-casquette et cumule deux lourdes fonctions : l’un au sommet de l’Etat dans un pays confronté à des défis épineux, et l’autre à la tête d’une instance dirigeante d’un mouvement, qui vit une division dans la division.

La nomination de Y. Ch. à la Kasbah, comme aboutissement de l’initiative présidentielle pour la formation d’un gouvernement d’union nationale, a été plus ou moins bien accueillie, excepté des critiques et réticences qui se sont vite estompées, liées notamment à la méthode de destitution de son prédécesseur, Habib Essid, jugée cavalière et injustifiée par certains. 

Sa jeunesse et la richesse de son CV ont séduit plus d’un, même si d’aucuns n’ont pas apprécié sa proximité des milieux européens et américains, à un moment où le pays craint plus que jamais pour sa souveraineté. Obtenant la confiance de l’ARP à une majorité confortable, le soir du vendredi 26 août, Chahed a pris ses fonctions dans la foulée, à la tête du gouvernement d’UN,  après les procédures d’usage. Il a promis de s’attaquer énergiquement aux difficultés du pays, moyennant une nouvelle méthode de travail, et d’imposer la solidarité à son gouvernement dont les membres sont issus de différentes familles politiques et d’horizons divers.

Depuis trois semaines, le gouvernement avançait à une cadence plus ou moins timide, preuve que la période de familiarisation continue. L’on demeure ainsi dans l’expectative par rapport à la nouvelle méthode de travail annoncée, aux premières vraies mesures à prendre, aux grandes décisions à annoncer, aux réformes que l’on dit douloureuses à mettre en œuvre, etc. Les attentes sont dans tous les milieux, chez toutes les catégories socioprofessionnelles, dans toutes les régions du pays…à la mesure des difficultés tentaculaires et multiples.  

Cette attente est d’autant plus pressante, que l’on place forcément beaucoup d’espoirs sur ce gouvernement d’union nationale censé rompre avec les querelles politiciennes ; privilégier l’intérêt national suprême, sur l’intérêt partisan étriqué ; et plancher sur les problèmes de fond dans une perspective de redressement du pays, en passant outre les tiraillements idéologiques qui ont fait perdre du temps et de l'énergie au pays. Cela suppose que les personnalités politiques qui le forment, doivent oublier leur appartenance partisane, et n’avoir d’yeux que pour la mission nationale dont ils sont investis.

Mais voilà que cette supposition est démentie, et le vœu trahi,  avec la nomination récente du locataire de la Kasbah en tant que président du comité politique de Nidaa Tounes. Le mouvement qui conduit le gouvernement a du mal à désamorcer ses tensions internes et à sortir de la crise. Il vit une division dans la division, après sa scission ayant donné lieu à l’implosion de son bloc parlementaire, son corollaire la perte de la majorité à l’Assemblée, et l’avènement du parti de Mohsen Marzouk, projet de Tunisie. Les choses ne s’arrangent pas pour autant, et le mouvement ne parvient pas à exorciser les démons de la discorde.

Les décisions prises dimanche à l’issue de la réunion de Gammarth, déplaisent à un groupe de dirigeants de Nidaa qui contestent notamment le fait que le chef du gouvernement soit chargé d’une fonction partisane et soit ainsi mêlé à la crise. A fortiori que Y. Ch. n’est pas parvenu à éviter la scission en pleine bataille entre  les clans Caïd Essebsi Junior/ Mohsen Marzouk, à l’époque où il présidait le groupe des 13, alors désigné par Béji Caïd Essebsi pour parvenir à une sortie de crise.  

Indépendamment des réactions internes qu’elle avait suscitées, la nomination de Chahed à la tête du CP est impertinente à plus d’un égard. Elle va donner lieu à une confusion des genres, à un amalgame entre deux fonctions devant être dissociées et à une imbrication entre l’Etat et le parti, l’administration et le parti…un état de fait dont la Tunisie a beaucoup souffert par le passé, et avec lequel elle a cru avoir rompu à jamais, il y a six ans de cela.

Sous d’autres cieux, lorsqu’ une personnalité partisane accède aux responsabilités, sa première décision est de démissionner de ses fonctions au sein du parti. Chez nous, c’est le chemin inverse qui est suivi ; ses conséquences est que Youssef Chahed ne sera pas considéré comme le chef du gouvernement de tous les Tunisiens, mais celui de Nidaa, et que sa capacité à faire en sorte que les choses aillent mieux dans le pays soit d’emblée entamée, dans la mesure où il aura du mal à agir sur deux fronts à la fois. L’échec, ou du moins les difficultés qu’il aura à rassembler et à apaiser sa famille politique, déteindront sur sa fonction au sommet de l’exécutif. S’il est affaibli au sein de son parti, il le sera en tant que chef du gouvernement…autant de risques à courir, à l’heure où le pays cherche à les minimiser au maximum et à avoir un gouvernement solide et durable, conduit par un leader fort, à l’écart des influences partisanes.

H.J. 

*Youssef Chahed est né le 18 septembre 1975 à Tunis.

 

Commentaires 

 
#1 RE: Tunisie : Confusion Etat/ Pari, ou le cadeau empoisonné à Youssef Chahed !
Ecrit par Montygolikely     20-09-2016 13:20
On va le charger de toutes les fonctions et une fois paralysé par toutes les charges, Bajbouj et Ghannouchi proposeront un autre Premier Ministre et rebelote jusqu'au prochaines élections...
 
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