Tunisie : Comprendre le contexte du conflit entre anti et pro-réconciliation

Publié le Mardi 08 Septembre 2015 à 16:58
Le sit-in du départ était bien organisé en 2013 sous l’état d’urgence. La scène politique est en ébullition, sur fond d’une division grandissante autour du projet de loi sur la réconciliation économique et financière. La tension est montée d’un cran ce mardi, après l’annonce du ministère de l’Intérieur d’interdire les manifestations sur tout le territoire, y compris à l’avenue Habib Bourguiba où des partis et organisations projettent de manifester samedi contre l’initiative législative présidentielle. Des voix s’élèvent pour dénoncer une décision attentatoire aux droits et libertés inscrits dans la constitution, une résurgence des pratiques du passé, voire un retour au despotisme.

La loi sur l’état d’urgence ne saurait être un prétexte pour interdire les contestations populaires, assènent les détracteurs du texte, a fortiori que le pays a bien connu un large mouvement protestataire en 2013, le sit-in du départ, alors qu’il était sous état d’urgence.

Nouveau rapport de force
Ironie du sort, nombre de ceux qui chapeautaient et mobilisaient les foules autour d’Itissam Errahil du Bardo et son plat emblématique le riz aux fruits secs, sont ceux-là mêmes qui sont aujourd’hui au pouvoir, et qui interdisent les manifestations au nom de la loi sur l’état d’urgence. Ce revirement n’est pas fortuit, il découle d’un changement de contexte, et de l’avènement d’un nouveau rapport de force.   

Tout d’abord, la nature des alliances n’est plus la même. En 2013, le front populaire, al-Massar, et bien d’autres partis se proclamant du camp dit des démocrates, (hostiles au texte de BCE) étaient du même bord que  Nida Tounes, et le mot d’ordre était de faire tomber la troïka menée par Ennahdha.

En cet été 2013, un véto de la troïka sur les manifestations et rassemblements était inenvisageable, nonobstant l’état d’urgence, car le pays vivait une crise aigue dans la foulée de l’assassinat de Mohamed Brahmi, et était au bord de la guerre civile, avec une crainte sérieuse d’une contagion du scénario égyptien, notamment au rang des nahdhaouis, de leurs partisans et sympathisants. A l’époque, la troïka, cible de toutes les attaques et accusée d’illégitimité, était fragilisée et commençait à se fissurer de l’intérieur, avec la décision controversée de Ben Jaâfar de suspendre les travaux de l’ANC.

Un contexte des plus explosifs, auquel il faut ajouter le rôle des personnalités aux commandes à cette date ; on imaginait mal un Marzouki ou un Ben Jaâfar, rompus à la pratique démocratique, proscrire les manifestations.

En ce septembre de 2015, la réalité politique est tout à fait autre. Premièrement, la majorité actuelle est mandatée pour cinq ans, après avoir remporté les élections législatives et présidentielles, et a, ainsi, les coudées franches de décider, d’agir et de gouverner au nom des suffrages populaires.

Deuxièmement, l’état d’urgence a été proclamé le samedi 04 juillet par le président de la république, après l’attentat meurtrier de Sousse, en s’appuyant sur le décret du 26 janvier 1978, et ses dispositions strictes et drastiques.

Troisièmement, les deux principales forces politiques du pays, Nidaa et Ennahdha, ennemies d’hier, font cause commune au sein d’une coalition gouvernementale, et subsidiairement à l’Assemblée.

Le contexte du conflit livré sur la loi de la réconciliation économique et financière, et sa nature sont, pour ainsi dire, totalement différents de ce qui se passait il y a deux ans. Le pouvoir en place est de loin plus fort, et l’opposition est, hélas, de loin plus faible. De là à dire que l’issue de cette bataille, somme toute légitime, est tranchée d’avance, il n’y a qu’un pas que l’on n’hésite pas à franchir, d’autant plus que la majorité arithmétique des votants potentiels pour le texte à l'ARP, conforte cette thèse.  

Ceux qui s’y opposent le savent. Certains le font avec engagement, au nom des principes du 14 janvier, d’autres versent dans l’outrance et les surenchères, histoire de promouvoir leur popularité, ou de se repositionner sur la scène politique. D’apparence politique, l’évolution de cet affrontement et le tournant qu’il va prendre, seront décidés par les premiers intéressés par la réconciliation économique et financière, voire par le pouvoir de l’argent.

Dans ce jeu d’intérêts, le peuple, dont tant d’espérances ont été trahies ces dernières années, et chez qui on ne cesse de semer les peurs et les suspicions, oscille entre confusion et désenchantement.
H.J.


 

Commentaires 

 
#3 Tribunal d'abord puis amnistie
Ecrit par Tounsi2     12-09-2015 09:19
La situation actuelle n'est pas brillante mais ça n'a rien à voir avec la situation hypercatastrophique de Juillet 2013 où le pays était au bord d'une guerre civile. Ceux qui sont descendus pendant plus d'un mois au Bardo C la population profonde SPONTANEMENT loin de toutes influence politique car elle sentait un avenir à l'image des pauvres syriens actuels. Et ces deux années sombres 2011-2013 on va les payer pendant 20 ans!ça n'empêche que les hommes d'affaires corrompus qui ont vidé les banques étatiques avec des crédits non remboursés doivent impérativement être jugés devant un tribunal ensuite on discutera des modalités de leur amnistie!
 
 
+2 #2 Celui dont la maison est de verre ...
Ecrit par Royaliste     09-09-2015 15:44
verité, droit a l'information, liberté d'expression, apparemment ces concepts ne doivent s'appliquer qu'aux autres

avant de donnez des lecons aux autres, que chacun balait devant chez lui

PS: comme j'ai toujours avancé, les journalistes ne peuvent pas etre objectifs, ils sont le relais des intérêts de ceux qui paient leurs salaires...
 
 
+3 #1 $$$
Ecrit par Royaliste     09-09-2015 10:24
le financement des partis politiques est la clef pour comprendre ce qui se passe aujourdhui.

ceux qui etaient proche du pouvoir et qui veulent se refaire une reputation ont financè les 2 partis les plus populaires et en contre partie, les politiciens vont leur renvoyer l ascenseur (...).
 
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