Tunisie : Cherté et pénurie agacent, notre subsistance serait-elle en danger !

Publié le Vendredi 04 Janvier 2019 à 16:24
Le pouvoir d’achat est le principal casse-tête qui est en haut des priorités en ce début d’année. La valse des étiquettes inquiète les consommateurs, qui voient impuissants, les prix s’envoler, en des termes disproportionnés, par rapport à leur modeste budget. Plus le dinar se déprécie, plus l’inflation grimpe, et plus le porte-monnaie s’amaigrit, personne ne sait où cette spirale va nous mener. 

Youssef Chahed se veut rassurant et promet une détente des prix, dans la période à venir. Dès la fin de l’année écoulée, il a mobilisé l’ensemble de son équipe autour de cette question, a mis ses ministres sur le terrain et les a dépêchés dans les différentes régions, pour prendre le pouls du marché et discuter avec les citoyens, qu’ils soient consommateurs, ou marchands. Et là les complaintes sont des deux côtés, les uns trouvent anormale une telle envolée des prix, qui les met de plus en plus en difficulté pour nourrir leurs familles ; les autres hurlent de voir leur marge bénéficiaire baisser, et les clients les bouder. Ces rencontres au milieu de la foule se terminent sans que personne ne soit consolée.

Le sujet est déplacé sur la table autour de laquelle, le ministre réunit les autorités régionales, en prime le gouverneur, pour les inciter à œuvrer à la maîtrise des prix, et à la lutte contre la spéculation et la contrebande.

Les visites régionales de ce type se multiplient, tout autant que les réunions au niveau local, régional, et central, sans que cela n’impacte vraiment les étiquettes. Et comme un malheur n’arrive jamais tout seul, à la cherté s’ajoute la pénurie. La liste s’allonge : Lait, beurre, semoule, œufs…de quoi sortir les mères de famille de leurs gonds, face à ce qu’il en est advenu du grenier de Rome, du pays de la profusion et de la provision. 

Le gouvernement crie à la spéculation et promet de frapper fort sur les mains des spéculateurs, qui se sucrent sur le dos du consommateur, et attente à sa subsistance. Le ministère du Commerce multiplie les communiqués sur les résultats des campagnes de contrôle et des sanctions qui s’en suivent : décision de fermeture, marchandises saisies, etc.

Les agriculteurs entre le marteau et l’enclume

Cet effort bien réel, faut-il l’avouer, tarde à produire des résultats concrets, le consommateur n’est pas au bout de ses peines, et les mécontents sont légion. Tels les agriculteurs et les éleveurs qui se plaignent que cette campagne de maîtrise des prix se fasse à leur détriment. Confrontés à une hausse sans précédent des coûts de production, du fait de la dépréciation du dinar, étant obligés d’acheter les matières premières, les engrais, etc. en devise, les travailleurs des champs rouspètent de devoir écouler leur production à des prix modiques, et de ne pouvoir ni rentrer dans leurs frais, ni compenser l’effort colossal consenti tout au long de l’année.

Outre son caractère artisanal, l’agriculture tunisienne souffre de nombreux problèmes structurels, et est sujette à plusieurs aléas. Les agriculteurs, eux, sont dans une constante pénibilité, leur métier n’est pas une sinécure, et la terre leur demande trop de temps, de labeur, et de moyens financiers…pour qu’elle daigne leur donner moisson et récolte en retour, de quoi nourrir les bouches des 12 millions d’habitants.

La Tunisie est pourtant un pays éminemment agricole, et l’agriculture est un des piliers de l’économie. La deuxième ne peut retrouver sa forme, sans que la première ne se porte bien. C’est un attribut de souveraineté et de sécurité alimentaire avec lequel on ne devra pas badiner. Sinon, les temps de disette risquent de se prolonger.

Quand bien même la partie gouvernementale et syndicale parviennent à un accord pour majorer les salaires dans la fonction publique, cela ne donnera pas vraiment du pouvoir d’achat aux fonctionnaires. Ces derniers continueront à s’appauvrir, tout autant que le reste des Tunisiens, car ce qu’on leur donnera d’une main, on le leur reprendra d’une autre.

Une hausse des salaires contribuera à aggraver les tendances inflationnistes, tout en dépouillant encore plus les caisses de l’Etat. On aura néanmoins préservé la paix civile. Puisse cela accélérer le calendrier des réformes pour sortir de cette quadrature du cercle.

Rien n’est moins sûr pendant une année électorale.
H.J.