Tunisie : Chebbi prépare son retour, sur une scène politique désespérément disloquée

Publié le Jeudi 26 Janvier 2017 à 17:27
Ahmed Néjib ChebbiAhmed Néjib Chebbi semble tourner à jamais la page d’al-Joumhouri. Ce ténor de la politique et  opposant de longue date, ministre pendant une courte période dans le premier gouvernement transitoire d’après la révolution, compte faire son retour à la vie politique par le mouvement démocrate, une nouvelle formation politique en phase constitutive, dont le but est de rehausser le niveau des débats actuels, et de combler le vide sur la scène politique, comme il l’a déclaré aux médias. 

Cette initiative qui sera prochainement annoncée, serait une énième tentative de rééquilibrer un paysage politique bancal, instable et immature. La Tunisie combine irrémédiablement deux paradoxes : une transition politique dite réussie, et une scène politique en état d’échec permanent. Avec des partis effrités, éclatés et déchirés par des conflits internes, ce qui constitue des facteurs de fragilisation supplémentaires de notre jeune démocratie, affaiblie par un contexte de crise qui s’inscrit dans la durée.

Depuis six ans, la scène politique est devant la même problématique, soit un déséquilibre irréductible à l’avantage d’Ennahdha, qui est dangereux, de l’avis de tous, pour un fonctionnement démocratique sain, régi par la concurrence loyale, et l’alternance au pouvoir. 

Le point d’équilibre atteint avec la création de Nidaa Tounes a tourné court, avec la crise dans laquelle s’est enlisé le parti, qui enchaîne division après division. Sa première sécession ayant donné naissance au parti de Mohsen Marzouk, projet de Tunisie, est loin d’être la dernière. Le parti fondé par le locataire de Carthage évolue encore sur des sables mouvants, et ses dirigeants s’étripent à coups de communiqués interposés et d’institutions rivales.

La guerre actuelle oppose l’ex-chef du cabinet présidentiel au fils du président ; soit Ridha Belhaj qui mène le comité exécutif, et Hafedh caïd Essebsi, directeur exécutif du parti, qui se proclame du comité constitutif.

Réunis hier mercredi, en réaction à la radiation de Caïd Essebsi junior, une décision prise par le camp Belhaj, les membres du comité constitutif ont condamné "les agissements de certains éléments gelés et leur tentative de putsch contre les résultats du congrès de Sousse".

Le Comité constitutif a appelé dans son communiqué à "la nécessité de contrer la campagne méthodique menée par ce qui est appelé le comité exécutif avec la complicité de parties qui cherchent à  semer le chaos dans le pays, et à viser Nidaa Tounes", annonçant la réunion du conseil national en mars prochain, pour rendre publique la date du congrès électif. 

C’est à ne plus rien comprendre, face à cette interminable bataille rangée, dans laquelle chacune des parties en conflit revendique la légitimité, et délégitime la partie adverse, qui par le gel, qui par la radiation.

Dans cet état de déconfiture avancée, Nidaa Tounes  semble disqualifié pour peser sur la donne politique future. Les autres alliances qui se font et se défont, à l’instar du front démocratique lancé par Mohsen Marzouk, auquel s’est notamment rallié l’UPL de Slim Riahi, ne présente pas encore une alternative crédible, en capacité de modifier les rapports de force.

Une multitude de projets ont été posés sur la scène politique au cours des six dernières années, ayant promis monts et merveilles. Ils se sont tous soldés par un échec pour deux raisons désormais claires : les considérations idéologiques sur lesquelles ils ont été bâtis, et la guerre d’égos qui les a minés de l’intérieur jusqu'à les avoir fait voler en éclats. Or toute initiative ne pourrait aboutir que si elle est dépouillée de ces éléments destructeurs, et si elle place l’intérêt national et le sauvetage du pays au centre de sa raison d’être. 
H.J.