Tunisie : Chahed promet de nouvelles dispositions pour la protection des journalistes

Publié le Mercredi 02 Novembre 2016 à 17:00
A l’occasion de la journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes, le chef du gouvernement, Youssef Chahed,  a déclaré ce mercredi 2 novembre 2016, que la Tunisie a été l’un des premiers pays à avoir adhéré à la protection des journalistes. « La Tunisie s’emploie à protéger les journalistes, là où ils sont et à leur fournir de bonnes conditions de travail, notamment avec un cadre légal adéquat, et à lutter contre ce qui leur porte atteinte », a-t-il dit.

Le Gouvernement d’union nationale cherche à préserver les acquis de la liberté d’expression en Tunisie, selon le chef du gouvernement, assurant qu’il veillera à perpétrer ces efforts en se basant sur la constitution qui appuie la liberté d’expression et le droit d’accès à l’information.

Il a rappelé dans son allocution, lors de cette journée organisée par l’UNESCO et RSF, que le devoir des institutions de l’Etat qui disposent d’un financement public, est de répondre aux demandes d’accès à l’information à toute personne qui le désire. Il a indiqué que la loi organique régissant le droit d’accès à l’information sera bientôt renforcée par les décrets 115 et 116 qui seront convertis en loi, afin de renforcer la protection des journalistes et l’indépendance des médias. « Nous annoncerons dans les jours à venir, de nouvelles dispositions pour la protection des journalistes et leurs droits », a ajouté le chef du gouvernement.

Chahed a précisé que le pays « a plus que jamais besoin de journalisme professionnel, courageux et indépendant, loin des tiraillements financiers et politiques », et a dit être conscient qu’un tel journalisme ne peut progresser sans l’appui de l’Etat, qui lui facilite l’édition, la distribution et la publicité, et que l’Etat doit jouer son rôle social pour appuyer le secteur.

Au sujet de la fin de l'impunité des crimes à l’encontre des journalistes, Chahed a indiqué qu’il s’agit d’une cause complexe et épineuse, où s’entrecroisent l’aspect législatif, celui pratique et déontologique, et qu’il ne doit pas faire l’objet de surenchère. « Réussir sur ce dossier définira notre réussite sur beaucoup d’autres dossiers, notamment économiques, politiques et sociaux », a-t-il précisé.

Concernant les deux journalistes tunisiens portés disparus en Libye, Sofiène Chourabi et Nadhir Ketari, le chef du gouvernement a indiqué que cette affaire est parmi les priorités du gouvernement d’union nationale, qui veille à dévoiler la vérité.

Dans un communiqué de l’UNESCO, paru à l’occasion, l’organisation constate qu’un nombre croissant d’Etats membres se montrent plus déterminés à assurer un suivi des crimes perpétrés contre les journalistes.

Des données émanant du rapport de la directrice générale de l’UNESCO  sur la sécurité des journalistes et le risque de l’impunité, publié tous les deux ans depuis 2008, révèle, que moins d’un cas d’un journaliste tué sur dix donne lieu à un jugement devant un tribunal national d’après les informations données par les Etats membres, qui ont répondu à l’enquête.

En 2016, le rapport note que sur 62 pays, où l’on recense des meurtres de journalistes lors de l’exercice de leurs fonctions, 40 ont répondu aux demandes d’informations de la Direction générale. En 2014, date du précédent rapport, seuls  16 pays sur les 59 concernés avaient fourni l’information requise.

Au total, la direction générale de l’Unesco sur la sécurité des journalistes et le risque d’impunité, a reçu des informations concernant seulement 402 journalistes sur les 827 recensés au cours des dix dernières années.

Seulement 63 cas sur 402 ont été résolus. La grande majorité des cas de violence à l’encontre des journalistes pour museler la liberté d’expression, n’a pas fait l’objet de suites ou de sanctions, ce qui est, selon l’UNESCO,  une manière de donner toute la liberté à ceux qui exercent ces agressions.

L’Unesco appelle dans son communiqué, les Etats membres « à faire leur possible pour poursuivre les auteurs des meurtres visant des professionnels des médias ». Malgré une amélioration dans le suivi des actions en justice, le métier de journaliste reste dangereux dans trop de régions, selon le rapport.

Entre 2014 et 2015, 213 journalistes ont été victimes de morts violentes. En 2016, 115 journalistes ont été tués, ce qui en fait la deuxième année la plus meurtrière  de la décennie, après 2012 année, où l’UNESCO  a recensé 124 journalistes tués.

A l’occasion de cette journée, l’UNESCO lance une campagne intitulée « My Killers are still free », (Mes meurtriers sont toujours libres), mettant en lumière les principales données du rapport. Elle comprend également des témoignages de proches  de journalistes tués dans l’exercice de leur fonction, en Afrique, en Asie, dans le pacifique et en Amérique latine.

Reporters Sans Frontières a rendu public ce mercredi une liste de personnalités politiques, religieuses ou chef de milices ou d’organisations criminelles qui censurent, emprisonnent, torturent, ou assassinent des journalistes.

« Leurs techniques sont variées. Certains torturent et assassinent via leurs bras armés, certains, pratiquent plutôt les arrestations massives et emprisonnements arbitraires, tandis que d’autres usent de techniques détournées, comme les lois anti-terroristes, les crimes de lèse-majesté ou l’asphyxie financière », indique l’organisme. 

La plupart des prédateurs restent des chefs d’Etat ou de gouvernements, de Singapour à la Thailande, Cuba, l’Erythrée, le Burundi, la RD Congo, le Soudan du Sud. Parmi les nouveaux entrants, figure le Président turc, Recep Tayyip Erdogan,  qui contrôle désormais les principaux groupes de presse du pays. Dans la foulée du coup d’Etat manqué, il a arrêté plus de 200 journalistes et à fermé plus de 100 journaux, magazines, télévisions et radios, rapporte RSF.

Le Président du Syndicat National des Journalistes tunisiens, Neji Bghouri, a indiqué à cette occasion que les conditions de travail précaires des journalistes et les licenciements abusifs et collectifs représentent une nouvelle forme d’agressions contre les journalistes, menaçant ainsi la profession et la transition démocratique en Tunisie.  Le syndicat a recensé plus de 180 cas de licenciements de journalistes en Tunisie et plus de 480 d’avis de non paiement de salaires, et ce entre septembre 2015 et septembre 2016, a-t-il ajouté.
Chiraz kefi