Tunisie : Chahed complique la tâche à ses détracteurs, mais rien n’est encore acquis !

Publié le Vendredi 22 Décembre 2017 à 17:00
Youssef Chahed part à l'offensive. S’il y a une réalité qui émerge du torrent d’incertitudes dans lequel patauge le pays, c’est bien ce ras-le-bol populaire révélé par les sondages, étayé par les résultats des élections législatives partielles en Allemagne, et reconnu et redouté par l’ensemble de la classe politique. Alertés, les acteurs politiques auront à tenir prioritairement compte de cette donnée, pour concevoir leur discours,  justifier leur décision, ajuster leur politique, et revoir leurs alliances…, s’ils veulent éviter une nouvelle bérézina électorale, et un fort taux d'abstention lors du scrutin local du 06 Mai prochain, et des élections qui vont suivre.

L’exaspération populaire est certes grandissante, chacun l’exprime à sa façon. Les Tunisiens en ont assez de voir la situation se dégrader de jour en jour, les difficultés s’accumuler, et la vie de plus en plus dure. Ils sont d’autant plus contrariés qu’ils ne voient aucun signe annonciateur de changement, et qu’on leur dise que le pire reste à venir. 

Le commun d’entre eux aurait certainement du mal à se réveiller le matin, et à affronter une nouvelle journée, qui, outre les tracas du quotidien, serait comme celles qui l’ont précédée ponctuée par des nouvelles décourageantes, incitant à l’abattement et à la désespérance.

Youssef Chahed s’est attelé hier soir, via sa sortie sur Facebook, à inverser la tendance. Il a tenté d’insuffler un peu d’espoir, en disant aux Tunisiens qu’on n’est pas loin du but, et qu’il reste juste quelques sacrifices à faire pour sortir de cette mauvaise passe et entrevoir le bout de tunnel.

Etant aux commandes, il était parfaitement dans son rôle d’afficher la positive attitude, de rassurer sur le présent et l’avenir du pays, et de recadrer une classe politique qu’il accuse de se disputer sur les fauteuils, et de négliger les problèmes de fonds qui préoccupent la population.

Aux critiques qui visent sa personne et son gouvernement d’incarner l’échec, Chahed brandit des signes de reprise économique, un retour de confiance dans l’économie, un début de détente des finances publiques, de maîtrise des dérapages budgétaires…

A ceux qui désapprouvent la nouvelle loi de finances, et rejettent ses dispositions, notamment l’organisation patronale qui ne décolère pas de voir de nouvelles impositions venir éreinter les charges fiscales du secteur formel, mettre à mal la capacité compétitive de l’entreprise et freiner son élan en termes d’investissement et de création d’emploi, chahed promet que cette loi de finances est un mal nécessaire, pour remettre les dépenses et les recettes de l’Etat, quelque peu à l’équilibre, et contenir le déficit dans des proportions raisonnables, promettant qu’elle est la dernière à apporter de mauvaises nouvelles, et que les prochaines lois analogues celles de 2019 et 2020 seront moins contraignantes et plus dociles. A-t-il dit vrai ? Ou a-t-il tenté de minorer les difficultés pour désamorcer les tensions sur la LF, assurer un passage en douceur entre 2017 et 2018, et prévenir la montée de colère que l’on dit inévitable en début de l’année prochaine.

C’est tout ça à la fois, quant à la quintessence de son propos, elle consistait à dire qu’il était en train d’avancer, et de réaliser des résultats concrets, tout en étant garant de la stabilité politique, là où ses détracteurs ne faisaient qu’envenimer le climat politique, pour être, à ses yeux, "inconscients de la gravité de l’heure", guidés par leur "humeur personnelle", et soucieux de leurs "intérêts étriqués".

Youssef Chahed est-il parvenu à convaincre ? Son discours a-t-il eu de l’effet sur l’opinion publique ? Les sondages qui le créditent de la meilleure cote de popularité le diront. De toutes les manières, le locataire de la Kasbah a choisi facebook pour parler au peuple, mais pas seulement, pour répondre aussi à ses détracteurs et anticiper les attaques qui iront crescendo avec la nouvelle année,  au fur et à mesure que les municipales approchent, mais surtout dans la perspective de  la présidentielle de 2019, où la campagne a déjà commencé pour certains et lui-même il n’est pas en reste. Il semble avoir un peu compliqué la tâche à ceux qui misent sur la chute de son gouvernement avant cette échéance,  mais rien n’est encore acquis !

Incrédules, les Tunisiens continueront à observer, tantôt distraites, tantôt attentifs, le déroulement de cette bataille rangée, en attendant qu’ils choisissent entre la démission et l’engagement.

Gnet