Tunisie : Chahed accusé de tourner le dos à l’accord de Carthage, l’agitation est de mise !

Publié le Mercredi 01 Mars 2017 à 17:50
Accord de Carthage. Youssef Chahed est accusé d’avoir tourné le dos au document de Carthage. Organisations nationales et partis politiques lui tiennent rigueur, et le pressent de renouveler ce pacte scellé l’été dernier, sous peine de le voir voler en éclats en ce début de printemps.

La classe politique s’agite. Les tractations et les concertations battent leur plein. Stimulé par la flamme des nouveaux chefs, Noureddine Taboubi est à l’origine de ce ballet politique. Le successeur de Hassine Abassi a l’air de prendre la scène publique et la classe politique à témoin, et enchaîne les rencontres avec les organisations nationales, UTICA, UTAP, LTDH, et les partis politiques dans une tentative de trouver une issue à la crise surgie du dernier remaniement ministériel partiel, qui met la centrale syndicale dans tous ses états.

Sous d’autres cieux, un changement aussi minime de l’équipe gouvernementale aurait passé inaperçu. En terre tunisienne, la situation est autre, régie qu’elle est par des circonstances spécifiques liées essentiellement aux fragilités de la période transitoire, au fait que le pouvoir est disséminé çà et là, et que personne n’incarne réellement l’autorité et n’est à même d’arbitrer et de trancher les différends. Cette particularité tunisienne fait que le feu de la discorde, rapidement allumé et attisé, met du temps pour être éteint.

Les "transgressions" de Chahed, aux yeux de ses détracteurs
Dans le cas d’espèce, deux actes transgressifs faits par le locataire de la Kasbah déplaisent, à des degrés variables, à ses alliés politiques, à l’UGTT, et à l’opposition. Le premier est qu’il a annoncé son remaniement sans aviser personne, et sans se concerter avec les partis signataires du document de Carthage, à l’origine de son gouvernement dit d’union nationale.

Le second est le tournant libéral pris par sa politique, annoncé et assumé, et qui transparait à travers deux aspects. D’abord, le remplacement d’un ministre du syndicat par un autre du patronat, à la tête du département de la fonction publique, un secteur à réformer en priorité, ne cesse-t-il de marteler. Ensuite, ses annonces de dimanche 26 février sur la réduction de l’effectif des fonctionnaires et essentiellement la privatisation des banques publiques ; des mesures interprétées comme sorties tout droit des bureaux du FMI à Washington.

En prenant de court tout le monde et en revendiquant sa latitude de gouverner comme il l’entend, invoquant des prérogatives que lui a accordées la constitution, Youssef Chahed cherche à  imposer une certaine autorité nécessaire en cette période où le laxisme a tendance à prédominer, et à répondre rapidement à l’urgence économique et sociale.

Mais, voilà qu’il est critiqué  de  bafouer le document de Carthage et de passer outre ses signataires, organisations nationales et partis politiques, dans des décisions considérées comme étant décisives.

Cette attitude a été perçue par certains comme une manière de rompre d’une manière unilatérale l’accord conclu suivant une démarche collégiale et consensuelle. Certains vont désormais jusqu’à considérer caduc ce document. D’autres réclament de nouvelles négociations à son sujet, avec l’ensemble des parties prenantes en vue de redéfinir la feuille de route, et contenir la crise. D’aucuns appellent à évaluer ce qui a été fait par rapport à la teneur de ce document, qui prévoit notamment l’accélération de la cadence de développement et de l’emploi, la lutte contre la corruption et la promotion de la transparence et de la bonne gouvernance, la lutte contre le terrorisme, la contrebande et l’évasion fiscale, la maîtrise des équilibres financiers, l’instauration d’une politique sociale efficace, le parachèvement de la mise en place des institutions, etc. 

Un dialogue national serait, selon toute vraisemblance, en perspective pour remettre les pendules à l’heure, désamorcer les tensions et surtout faire concorder l’accord de Carthage, avec l’impératif des réformes de structure et les pressions exercées par les institutions financières internationales en vue qu’elles daignent verser à la Tunisie les tranches restants des fonds convenus, sans quoi elle ne pourra pas clore le budget, payer les salaires et couvrir les dépenses de l’Etat.
H.J.