Tunisie : Au-delà des partis, la continuité de l’Etat mise à rude épreuve

Publié le Mercredi 14 Août 2013 à 13:48
Le Front de salut prône le changement par la rue. Le ballet des concertations bât son plein pour chercher une issue à la crise politique aigue qui perdure en Tunisie depuis l’assassinat du martyr Mohamed Brahmi, le 25 juillet dernier. L’essentiel de ces réunions se déroule entre les leaders des partis politiques et les chefs des organisations nationales dont le SG de la centrale syndicale, Hassine Abassi, et la présidente de l’UTICA, principal patronat tunisien, Wided Bouchamaoui. Jusque-là aucune sortie de crise ne pointe à l’horizon ; l’antagonisme des positions entre pouvoir et opposition semble à l’inverse se radicaliser, et la situation risque de s’envenimer davantage.

Le front de salut national, parrain du sit-in du départ dont les chefs de file sont le front populaire et Nida Tounes, annonce le coup de force, et prône la mobilisation de la rue pour obtenir satisfaction à ses revendications. Il entame à partir d’aujourd’hui ce qu’il appelle la campagne  "Dégages" en vue de déposer délégués, gouverneurs, présidents des établissements publics et responsables de l’administration centrale, nommés, à ses yeux, sur la base de l’allégeance partisane. Il préconise un renforcement de la mobilisation à partir du 24 août, et réitère son attachement à la dissolution de l’ANC et des autorités qui en sont issues, dont la présidence et le gouvernement.

Dans les démocraties, la rue reste tout naturellement une arme imparable pour faire pression sur les gouvernements et faire changer les choses. Entre la mobilisation populaire saine et l’anarchie, la frontière est néanmoins ténue, et les choses peuvent dégénérer d’un instant à l’autre.

Le Front de salut a incontestablement une partie de la rue tunisienne à ses côtés. Ses soutiens se recrutent parmi des catégories diverses de la société, dont des Tunisiens qui en ont, à raison, ras-le-bol du prolongement de cette transition cahoteuse ; qui sont inquiets et désemparés face aux crimes terroristes, illustrés par deux assassinats politiques en l’espace de six mois, et par l’embuscade meurtrière contre nos braves soldats au Mont Chaâmbi. Des Tunisiens tout aussi préoccupés par l’évolution de la situation sur le front Chaâmbi, tout en étant de tout cœur avec nos vaillants soldats dans leur lutte contre le terrorisme. Des Tunisiens profondément mécontents de l’Assemblée nationale constituante, qui les a beaucoup déçus, en enchaînant les déboires, et en enregistrant un sacré retard dans l’élaboration des sa mission fondamentale, soit l’élaboration de la constitution. Des Tunisiens sceptiques et plongés dans l’incertitude face à la situation économique qui se dégrade et menace de déboucher sur une crise profonde, dont on n’ose pas imaginer les conséquences.  

L’exaspération populaire a des raisons que personne ne peut nier, le fait de l’instrumentaliser pour attenter à la pérennité de l’Etat et briser la continuité des ses institutions, risque en revanche d’exacerber la crise, et de précipiter le pays dans l’inconnu. Il ne s’agit pas, dans le cas d'espèce, de viser la troïka, et précisément Ennahdha, et de les déloger du pouvoir, mais de s’en prendre à l’Etat et de le fragiliser. D’autant plus que la Tunisie doit son vrai salut à la continuité et la solidité de l’Etat, qui n’a pas failli à sa mission même durant la période postrévolutionnaire la plus difficile. Notre pays qui a enchaîné les crises pendant les successives phases transitoires n’a jamais connu de vide institutionnel, et a toujours su préserver ses institutions, fort en cela d’une légitimité consensuelle pourtant fragile. Au nom de quelle logique, cherche-t-on à annihiler cet héritage pour lui substituer des supposées entités de sauvetage, sans un quelconque référentiel fiable ?

La Tunisie traverse, à l’heure qu’il est, une situation critique et redoutable. La classe politique doit faire montre d’un haut degré de responsabilité et s’abstenir des actions hasardeuses lourdes de conséquences. On ne badine pas avec l’intérêt suprême national dans un but purement partisan et électoraliste. Cela vaut au même titre pour le pouvoir et l’opposition.

Le mouvement Ennahdha  doit faire de réelles concessions et consentir à la formation d’un gouvernement de compétences apolitiques, dont les membres seront choisis d’une manière consensuelle, à même de nous acheminer vers les prochaines élections, et d’en garantir un déroulement transparent et démocratique. Il doit cesser, avec ses alliés, de faire valoir le seul argument de la légitimité électorale, et d’œuvrer à le compléter par une légitimité consensuelle effective.  L’élargissement de la coalition gouvernementale, suggéré par le parti islamiste, ne permettra pas un règlement de la crise, a fortiori que cette méthode a été vouée à l’échec lors de la crise consécutive au meurtre du martyr Chokri Belaïd, et la troïka a fini par se succéder à elle-même, hormis les portefeuilles qui ont changé de titulaires.

Ce dialogue de sourds qui s’éternise nuit grandement au pays, la classe politique ne semble pas en prendre la mesure. Pourtant, il y a bien des initiatives médianes susceptibles de fédérer l’ensemble des partis autour d’une solution susceptible de nous sortir de l’impasse actuelle. Elle se résume en le maintien de l’Assemblée nationale constituante, principale référence de légalité et de légitimité, et la formation d’un gouvernement de compétences. Quant à la question des nominations, elle peut-être discutée et traitée dans le cadre d’instances ad hoc approuvées par tous, en conformité aux usages démocratiques dont ce processus transitoire est censé en jeter les bases. Même si notre élite politique souffre d’un déficit démocratique déconcertant, dont le principal symptôme est la dichotomie entre l’acte et la parole.
H.J.

 

Commentaires 

 
-2 #2 heureusement que la stupidite ne tue pas
Ecrit par H.J Love     15-08-2013 13:24
Typiquement du H.J !!

Honte a vous, vous devez reviser votre copie ou changer de profession de jouranliste a kaffef.

Certaines habitudes sont dures a....

Que voulez vous, c'est la doctrine du thine.

Ca c'est typiquement Arabe apres tout et non Tunisien
 
 
+6 #1 RE: Tunisie : Au-delà des partis, la continuité de l’Etat mise à rude épreuve
Ecrit par Hédi     15-08-2013 00:47
Puisque le prestige de l'Etat vous préoccupe tant, on aurait aimé quelques mots sur le ministre des affaires religieuses qui parle au nom de la diplomatie tunisienne sur l'Egypte.
Et le noyautage de l'administration par un parti politique, ce n'est pas une destruction de l'Etat?
Les décisions cruciales pour le pays qui sont prises à Montplaisir au lieu qu'elles le soient à la Kasbah ou Bardo, ce n'est pas une destruction de l'Etat?

Ce sont ceux qui sont au pouvoir qui font tout pour affaiblir l'Etat tunisien, pour laisser le champ libre aux différents groupes et associations islamistes de tout genre...
 
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