Tunisie : Atouts et limites du cadre légal des associations

Publié le Vendredi 10 Octobre 2014 à 16:31
Le Laboratoire de l’Economie Sociale et Solidaire, a organisé ce vendredi 10 octobre 2014, une conférence sur le cadre juridique et fiscal des associations tunisiennes. Un sujet qui intéresse un large public d’autant plus qu’après le 14 janvier 2011, le nombre d’associations tunisiennes a grimpé en flèche. La Tunisie compte aujourd’hui 17 596 associations, soit une association pour 622 habitants, selon Ridha Kazdaghli, Directeur Général du Centre de l’Information, de la Formation, des études et de la Documentation sur les associations « IFEDA ».

Un nombre qui reste pourtant éloigné de la moyenne  aux USA, qui est de 75 habitants par association, et celui de la France qui est de 65 habitants par association. « Le nombre de ces associations tunisiennes, ne représente pas celles qui sont effectivement actives. Ce nombre est réparti comme suit, 9819 associations ont été créées avant janvier 2011, dont 4644 associations scolaires qui ont pour charge les institutions relevant du ministère de l’Enseignement. Tandis que 7777 associations ont été créées depuis janvier 2011, jusqu’à ce jour », a-t-il révélé.

Selon lui, la dynamique de création de nouvelles associations a été tributaire d’évènements politiques majeurs. En 1980, il y a eu une prolifération avec la nomination du nouveau premier ministre, Hedi Nouira. Ensuite c’est entre 1988 et 1989 après le départ de Bourguiba du pouvoir, et en 2011, après la révolution, que les associations ont aussi connu un pic. Par exemple, entre 1988 et 1989, 3497 associations ont vu le jour. 
 
Les 4 gouvernorats du Grand Tunis, s’accaparent 38% du nombre total d’associations. Les zones de l’intérieur varient entre 7 et 14%.

Selon Ridha Kazdaghli , les association tunisiennes sont confrontées à plusieurs défis, dont la faiblesse de l’approche participative, le manque de dialogue avec les décideurs politiques, le manque d’accès à l’information, le manque de réseautage et de coordination entre les associations, la maitrise des outils administratifs et financiers et l’accès aux différents programmes d’aide à la société civile.

« Il est de plus en plus nécessaire qu’une étude soit menée sur la réalité des associations, pour pouvoir élaborer une stratégie claire pour leurs développement », a déclaré le DG du centre IFEDA.

Khaled Dabbabi, enseignant et chercheur en droit public a présenté le cadre juridique de ces institutions, et notamment le décret-loi de septembre 2011. Mais d’abord, il est revenu sur la loi organique du 7 novembre  1959.

« Nous savons tous que sous un régime totalitaire, il n’était pas permis de critiquer le pouvoir, c’est pourquoi cette loi organique exigeait le passage par le ministère de l’Intérieur pour obtenir un visa, ce qui était tâche difficile », a-t-il rappelé.

En 1992, la loi a été amendée, pour imposer la classification des associations. Cette classification était surtout destinée aux associations pour la défense des libertés et des Droits de l’Homme qui n’avaient pas le droit de refuser l’accès à auncun citoyen. « Cette loi a permis d’infiltrer ces associations, qui gênaient le pouvoir en place », a expliqué Dabbebi.

Après la révolution, il n’était plus possible de conserver la même loi répressive, ce pour quoi s’est imposé le décret-loi de septembre 2011. « C’est une réelle avancée.

Il abrogé l’obligation d’un visa auprès du ministère de l’Intérieur, et l’a remplacé par une déclaration au secrétariat général du gouvernement. On a aussi autorisé la formation d’associations étrangères. Mais aussi on a autorisé la liberté de rédiger son propre statut pour chaque association, et plus question de statut uniforme pour tous », a-t-il ajouté.

Il reproche toutefois à cette loi d’être « trop laxiste », car n’imposant pas de cadre coercitif. « Les sanctions énoncées par ce décret- loi ne sont pas efficaces…nous nous rappelons tous du cas des Ligues de Protection de la révolution. Il a fallu un long processus pour que le jugement soit prononcé pour leur dissolution », a-t-il dit. Par ailleurs, l âge légal pour pouvoir former une association, est de 16 ans, tandis que la capacité civile et pénale en Tunisie est de 18 ans.
Le juriste a aussi critiqué l’obligation de dépôt de déclaration, qui aurait, selon lui, ralenti la création d’associations régionales, puisque le siège du secrétariat général de la Présidence du gouvernement n'existe qu'à Tunis, « ce qui est une entrave aux libertés ».

Sur le plan fiscal, les associations sont tenues d’appliquer les retenues à la source sur les salaires de leurs employés. Elles doivent payer des taxes sur les spectacles à hauteur de 10% sur l’ensemble des recettes, il leur est interdit de faire des transactions en espèces pour des sommes au dessus de 500 dinars, tout en étant tenues de faire une déclaration fiscale mensuelle.

La nouvelle loi, autorise  aux associations financées par des dons étrangers de s’approvisionner selon le régime suspensif. Par ailleurs, le mécénat bénéficie d’un cadre fiscal qui lui autorise une entière exonération sur les montants réservés aux  activités sociales et culturelles. Toute association doit aussi présenter un rapport annuel à la Cour des comptes.
Chiraz Kefi