Tunisie : Assiduité et rendement des députés passés au crible

Publié le Lundi 17 Octobre 2016 à 17:10
Point de presse d 'al-Bawsala. Al Bawsala a choisi ce lundi 17 octobre, date du démarrage de la 3ème session de la législature 2014 - 2019, pour rendre public, son rapport annuel d’évaluation de la deuxième session ordinaire et de la session extraordinaire  et de l’activité de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP).

Les deux périodes se situant entre le 20 octobre 2015 et le 31 juillet 2016 et entre le 6 septembre 2016 et le 30 septembre 2016 ont été observées  au quotidien, lors des plénières et des réunions des commissions. 

Concernant le rôle de contrôle gouvernemental, l’assemblée a organisé 5 sessions de dialogue avec le gouvernement sur un total de 10 exigées par le règlement intérieur. 

Al Bawsala a recensé 83 réunions officielles dont les trois quarts réservés à des délégations étrangères. Zied Bouhlel, consultant juridique chargé des affaires de l’ARP au sein de l’association, a rappelé lors d’une conférence de presse organisé ce matin, le contexte dans lequel a évolué l’ARP durant la seconde session, et qui était ponctué d’un climat social instable. 

L’attentat du Bardo, celui de Sousse, et plus tard celui du centre-ville de Tunis ont déstabilisé le travail de l’ARP.

« Lors de la deuxième session ordinaire, la présence des députés lors des plénières était de l’ordre de 82%. Nous constaterons une baisse par rapport à la première session  où la présence se situait à 87% », a-t-il dit, précisant que cette baisse n’a toutefois pas eu d’impact sur le bon déroulement des plénières. Le taux de présence des députés au sein des commissions a atteint 62%  tandis qu’il était de 67% durant la première session. « Mais contrairement à la plénière, la baisse du taux de présence au sein des commissions a eu un impact sur le bon déroulement du travail », a-t-il dit.

Par ailleurs, seulement 53%  des députés présents participent au vote, « Un taux très faible qui veut dire que quasiment un député sur 2 ne vote pas tout en étant présent lors de la plénière », a indiqué Zied Bouhlel.

L’association a relevé la croissance du nombre des réunions des commissions spéciales, de 74 réunions lors de la première session à 99 réunions lors de la deuxième session. Une hausse qui représente un indicateur positif, mais qui ne reflète pas le rôle de ces commissions dans le contrôle du rendement du gouvernement, selon Al Bawsala.

Lors de la même période indiquée, les commissions spéciales ont effectué un nombre de visites sur terrain. Curieusement, la commission du développement régional n’a effectué aucune visite de terrain, celle des martyrs et blessés de la révolution, de l’application de l’amnistie général et de la justice transitionnelle n’a pas publié son rapport. La commission des Affaires de la femme, de la famille, de l’enfance, de la jeunesse et des personnes âgées en a effectué deux. La commission des Tunisies à l’étranger a effectué 4 visites de terrain, celle de la sécurité et de la Défense en a effectué 6, et celle des affaires des handicapés et des classes défavorisées a effectué 7 visites, rapporte Al Bawsala.

Al Bawsala a aussi suivi l’application du texte constitutionnel, et a élaboré un rapport dans ce sens, le 10 février 2016. La seconde session parlementaire a connu une hausse de l’adoption de lois, notamment celle portant sur le droit à l’accès à l’information, la loi portant création du tribunal constitutionnel, la loi sur le Conseil supérieur de la Magistrature et la loi d’amendement du code des procédures pénales.

Bien qu’il fût prévu dans l’agenda de la session extraordinaire d’amender le règlement intérieur, cet amendement n’a pas eu lieu.

Entre novembre 2015 et mars 2016, les tiraillements politiques et partisans ont influencé le travail de l’ARP, selon Al Bawsala. Parmi ces conflits, on note la démission collective de 31 députés du bloc de Nidaa Tounes après l’annulation de la réunion du bureau exécutif du parti, prévue à Hammamet le 1er novembre 2015.

Suite à cela, l’Assemblée à connu une vague de démissions ayant entravé le bon déroulement des travaux au sein de l’ARP. L’association dit avoir remarqué un recul de l’assiduité des députés, avec 61% de taux de présence au mois de novembre 2015 et 51% au mois de décembre de la même année.

Le rendement des députés a continué à être instable jusqu’à la crise effective de Nidaa Tounes avec la démission de certains de ses députés le 8 janvier 2016, et la création d’un nouveau bloc parlementaire « Al Horra », à la date du 19 janvier 2016.  Malgré ce changement, l’ARP n’a pas revu la composition des commissions, ce qui est, selon AL Bawsala, une translation de la crise du parti vers l’Assemblée.

Le nombre de projets de loi, proposés par les députés a augmenté lors de la deuxième session  parlementaire, atteignant les 25 propositions au lieu de 2 propositions  seulement lors de la première session. Parmi ces propositions de loi, figurent l’amendement du code des carburants, le code des mines, une expertise de l’endettement public tunisien, une proposition sur la lutte contre la consommation de stupéfiants, sur la transparence et la lutte contre l’enrichissement illicite, l’interdiction de se couvrir le visage dans les lieux publics et une proposition pour la suppression de la fonction de la carte d’identité nationale.

Sur un total de 25 propositions de loi déposées auprès du bureau d’ordre de l’ARP, seulement 3 ont été examinées par les commissions.  Elles concernent l’amendement du projet de loi numéro 50 de l’année 2013, portant sur le dédommagement des  forces de sécurité intérieure lors des accidents de travail et pour certaines maladies, le projet portant sur l’héritage et le dernier, sur l’organisation des commissions parlementaires. 

La session extraordinaire qui s’est déroulée au mois de septembre 2016, a connu un changement du gouvernement suite à l’initiative du chef de l’Etat, Beji Caïd Essebsi du 2 juin 2016.  L’ARP a accordé sa confiance au nouveau gouvernement, mené par Youssef Chahed, le 26 août 2016, avec 167 voix. Lors de cette session, deux projets de loi ont été votés.

L’association dénonce dans son rapport le non-respect du principe de transparence, et du droit d’accès à l’information. Elle appelle les commissions à publier dans les délais leurs rapports d’activité.

Elle déplore également le caractère non constitutionnel et « illégal » de la commission des consensus, ainsi que l’absence de procédures claires qui permettrait l’accès à l’enceinte de l’assemblée pour les citoyens et la société civile.

Chiraz Kefi