A l’approche des élections, focus sur le discours de haine dans la campagne électorale

Publié le Lundi 18 Février 2019 à 15:00
Les tiraillement politiques et idéologiques ont été très présents sur la scène politique et civile, pendant le processus de transition démocratique en Tunisie. Si elles n’ont jamais cessé, les querelles politiciennes reprennent de plus belle à l’approche des échéances électorales, et sont souvent accompagnées d’une violence verbale et d’un discours de haine, qui enveniment l’atmosphère, et embrouillent le débat autour des questions de fond.

Dans la perspective des élections présidentielles législatives de fin 2019, l’école doctorale de la faculté des sciences juridiques, politiques, et sociales de Tunis a organisé un colloque en partenariat avec l’organisation « Article 19 », autour du « discours de la haine durant les campagnes électorales».

Malgré le bon déroulement des premières élections de l’assemblée nationale constituante (2011) après la révolution, les élections présidentielles et législatives (2014), et les élections municipales (2018), des dépassements et des violations de la loi relative aux élections et référendums, notamment les articles 52 et 56 qui régissent les principes de la campagne, ont marqué certains discours politiques.

Il n’existe pas une définition universellement reconnue du « discours de haine » d’où la difficulté d’appliquer la loi dans certains cas, a indiqué Salwa Ghaozouani, directrice du bureau de l’organisation article 19 en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.

Les candidats aux élections ne sont pas les seuls visés, ce sont plutôt les minorités religieuses, ethniques et sexuelles, qui sont la cible de dénigrements, discriminations et diffamations.

Ghazouani a aussi ajouté que la société civile et les académiciens ont le devoir de renforcer la sensibilisation à l’impact et au danger que pourraient engendrer la violence verbale et les incitations à la haine, notamment dans les campagnes électorales sur terrain.

L’ancien président de l’ISIE, Chafik Sarsar, a expliqué, que la violence verbale durant les campagnes électorales n’est pas une exception tunisienne, c’est un phénomène mondial qui est dû à la montée du populisme dans le monde entier notamment aux Etats-Unis et dans les parlements européens dominés actuellement par les partis d'extrême droite.

Selon lui, la difficulté de poser des restrictions légales à tout discours susceptible de nuire à autrui peut être interprétée comme une forme de censure incompatible avec le principe de la liberté d’expression et la démocratie, d’où la nécessité de définir clairement par la loi ce que c’est « le discours de haine ».

Aymen Zaghdoudi, maitre-assistant spécialisé dans le droit public, a rappelé que le Code pénal ne dispose pas d’un texte clair à ce sujet, excepté l’article 220 qui évoque la question en des termes flous.

Seront punis d'un emprisonnement de six jours à un mois et d'une amende de 120 à 1.200 dinars ou de l'une de ces deux peines seulement, tous cris et chants séditieux proférés dans les lieux et réunions publics, sans préjudice des dispositions de la loi ou des arrêtés municipaux relatifs aux contraventions, stipule l’article 220 bis.

Zaghdoudi a, par ailleurs, cité l’article 11 de la loi relative à l’élimination de la violence à l’égard des femmes, qui ne pénalise pas la diffusion de propos discriminatoires dans les médias, mais appelle médias publics et privés à sensibiliser aux dangers de la violence à l’égard des femmes et aux méthodes de lutte et de prévention contre cette violence.

D’autres intervenants ont été présents pour débattre de ce sujet, comme Neyla Chaabane, la doyenne de la faculté des sciences politiques, juridiques et sociales de Tunis, Rim Mahjoub, députée, et Emna Bennari de l’Organisation « Mourakiboun ».
Emna Bhira