Tunisie / Agriculture : La problématique du prix de vente et du coût de production en débat

Publié le Lundi 04 Février 2019 à 16:16
Marché de gros. Le président de l’Union tunisienne de l’Agriculture et de la Pêche (UTAP), Abdelmajid Zar, a imputé ce lundi 04 février l’augmentation des prix des produits agricoles, à la hausse des coûts de production (main d’œuvre, engrais, pesticides, énergie…), outre la baisse de la rentabilité, du fait de l’absence de contrôle de la qualité des pépinières et des intrants.

Intervenant à une journée d’étude parlementaire, autour de "l’adéquation entre la maîtrise des prix et la protection du produit agricole", il a estimé que le prix de vente qui reste élevé, ne couvre pas les coûts de production pour de nombreux produits. "Dans le secteur du blé par exemple, le revenu brut est négatif, le coût est supérieur au prix pratiqué par l’agriculteur".

Le chef de l’organisation agricole a critiqué l’approche qu’il juge "parcellaire" en matière d’élaboration de la loi de finances ; "lorsqu’on décide une augmentation de l’énergie, on ne prend pas en considération les conséquences qui en découleront en termes de hausse du coût de production (hausse du carburant, de l’électricité…)".

"La dépréciation du dinar, la hausse du taux d’intérêt, l’augmentation du prix des hydrocarbures…, sont autant de facteurs qui tirent vers le haut les coûts de la production", a-t-il souligné.

"La répression mène à l'effondrement du marché"

Zar a appelé l’Etat à intervenir pour appuyer les intrants, du fait de la dévalorisation du dinar, et de comprimer ainsi les coûts de production, marquant sa désapprobation envers la répression, qui consiste "à faire des descentes dans les entrepôts, et à saisir les marchandises, au nom de la lutte contre la spéculation.(...) Cette méthode du ministère du Commerce pour faire baisser les prix mène à l’effondrement du marché", a-t-il alerté, signalant que le procédé des entrepôts a été de tout temps, suivi par l’Etat, "pour garantir la pérennité de l’approvisionnement du marché".

Il s’est, par ailleurs, inscrit en faux contre le fait de plafonner les prix, car cela mène l’agriculteur à vendre à perte.

"Face à la hausse du coût de la production, de nombreux agriculteurs ont quitté leurs secteurs d’activités (œufs, volailles, blés...), ou ont dû changer d’activité en passant, par exemple, du blé à l’oléiculture, alors que notre sécurité alimentaire repose sur le blé".

Selon ses dires, le problème n’est pas lié à la production ou à l’insuffisance de l’offre, mais au fait que les agriculteurs ne soient pas en mesure de supporter les pertes, chose qui les oblige à renoncer à leur activité et à quitter le secteur.

"S’il n’y a plus de production, on a recours à l’importation, ce qui donne lieu à un déséquilibre de la balance commerciale, tout en se retrouvant en train d’encourager le dispositif de production d’autres pays, au lieu d’encourager le nôtre".

Zar a aussi critiqué que l’exportation de plusieurs produits ait été arrêtée sans une décision du Conseil supérieur de l’exportation, et que l’importation soit libre, même des produits agricoles.

Il a, par ailleurs, appelé à un programme pour lutter contre le gaspillage après la production. Le 02 février 2019, sur une production totale de 1505 tonnes (fruits et légumes) qui est entrée au marché de gros, 450 tonnes n’ont pas été vendues, la marchandise non-vendue au marché de gros est jetée, s’est-il élevée, estimant qu’un tel exemple montre que l’offre existe, est abondante et est supérieure à la demande.

Il s’est insurgé contre le fait que l’agriculteur se retrouve tout seul à assumer les conséquences "en cas de force majeure et de catastrophes naturelles, inondations, grêle, alors que dans tous les pays du monde, de telles circonstances font l’objet de mesures exceptionnelles".

Sécurité alimentaire, but stratégique

Cette journée d’étude a été organisée à l’initiative de la commission de l’agriculture, de la sécurité alimentaire, du commerce et des services de l’Assemblée, en présence des ministres de l’Agriculture, du Commerce, des représentants des organisations professionnelles et de députés.

Le président de l’Assemblée, Mohamed Ennaceur, a fait part "des complaintes du consommateur face à la hausse des prix des denrées alimentaires, ou leur pénurie, une situation inquiétante qui est au centre des préoccupations de l’Assemblée, étant la conscience du peuple", a-t-il souligné. 

Il s’est également fait l’écho des difficultés de l’agriculteur, du fait de l’impact des prix de certains produits, sur le coût de production.

"La sécurité alimentaire et le fait d’assurer la nourriture à l’ensemble des Tunisiens, restent extrêmement importants, à la lumière de la mondialisation et de la libéralisation du commerce", a-t-il considéré, appelant à faire de la sécurité alimentaire "un but stratégique dans l’action du gouvernement". "L’on ne devra pas se limiter à la maîtrise des prix qui est une action immédiate, mais on devra avoir une vision d’avenir en vue de parvenir à l’autosuffisance alimentaire, tout en dotant l’agriculture d’une position stratégique dans l’économie nationale", a-t-il préconisé.
Gnet