Tunisie / Ridiculisation des institutions : on joue avec le feu !

Publié le Lundi 29 Septembre 2014 à 17:44
Trucage, falsification, fausses signatures sont autant de dépassements qui auraient marqué l’opération de parrainage populaire de certains candidats à la présidentielle. Des délits qui sont passibles de sanctions graves, allant jusqu’à la prison ferme, de quoi donner une peur bleue aux candidats qui ont fait peu de cas de cette procédure, faisant dans la surenchère… à qui mieux, mieux.

La condition de dix mille signatures citoyennes en guise de parrainage, posée dans le code électoral,  est quelque peu farfelue, et est, en grande partie, à l’origine de l’inflation des candidatures et de la ridiculisation de la présidentielle. Que des transgressions de cet acabit soient commises étaient prévisible, car cette procédure n’était pas accompagnée des garanties à même d’en assurer la rectitude. Il était d’autant plus inimaginable de prévoir une légalisation des signatures, étant une opération lourde qui aurait bloqué le travail des municipalités, marchant déjà au ralenti.

On a du mal à comprendre les raisons ayant poussé le législateur, en l’occurrence l’ANC, à poser une condition aussi complexe qu’ingérable, et à ouvrir la porte à des dérapages de ce type avec toutes les conséquences que cela puisse avoir sur le climat électoral. Déjà que la crise de confiance est grandissante entre électeurs et classe politique, ce genre de scandales ne peut qu’empirer la situation.  

Dans la chaîne de responsabilité légale de ces forfaits, il y a les candidats, les éventuels médiateurs qui ont usurpé des identités ou soudoyé des citoyens, et les électeurs qui ont accepté de monnayer leur signature…mais il y a aussi les élus qui ont manqué de rigueur en matière d’élaboration de la loi électorale. Ils auraient pu se limiter au parrainage des députés en attendant que l’on ait des conseils élus (pour les prochaines échéances électorales), où les dépassements sont beaucoup plus faciles à circonscrire, et nous éviter ainsi ce pitoyable spectacle que l’on est en train de vivre.

Tout cela contribue hélas à l’affaiblissement des institutions de l’Etat, et à la dégradation de l’image, déjà peu reluisante, de ses symboles, à l’heure où l’on parle de construire des institutions fortes et solides, nécessaires pour l’enracinement de la démocratie, et la gestion de la future étape postélectorale émaillée de défis.

Au cours des premières années ayant succédé à la révolution, on en a beaucoup pâti de la détérioration de l’autorité de l’Etat, de laxisme en matière d’application de la loi, et du relâchement général qui en a découlé. On a mis cela sur le compte des mutations sociopolitiques fulgurantes ayant survenu en Tunisie, suite à la révolte populaire et puis à la révolution. Près de quatre années, on était confronté à des difficultés inextricables, avec un Etat qui n’était pas tout à fait maître de la situation, ayant eu beaucoup de mal à imposer l’ordre dans son acception la plus large, et à faire valoir la force de la loi. Certes on a pu parachever cahin-caha  la construction du soubassement constitutif, voué à être couronné par des élections libres et transparentes, mais le processus reste vulnérable. Des dangers multiples guettent le pays au dernier quart d’heure de sa transition démocratique.

La Tunisie a l’impératif de réussir les rendez-vous électoraux, et de mettre en place des institutions pérennes, (président, parlement, et gouvernement), fortes de la légitimité populaire afin qu’elles puissent avoir les coudées franches de gouverner. On s’est permis de perdre beaucoup de temps après la révolution, et c’était plus ou moins compréhensible et justifiable, plus le cas maintenant. Le pays est dans un état d’extrême gravité avec des problèmes qui n’ont cessé de s’accumuler au fil des années, une économie qui vacille, un risque sécuritaire élevé, et une dégradation de l’environnement à faire pleurer…tout cela mérite des actions urgentes, sans institutions fortes, des hommes et des femmes patriotes, compétents et déterminés, on n' y arrivera pas, et on n'ose même pas imaginer qu’adviendra-t-il de la Tunisie et de son peuple, si le processus politique venait pour une raison ou une autre à trébucher…ce sera jouer avec le feu.
H.J.


 

Commentaires 

 
-1 #2 RE: Tunisie / Ridiculisation des institutions : on joue avec le feu !
Ecrit par volvert     30-09-2014 09:47
Quel pays! Quel peuple! A peine entrés dans un processus chaotique de démocratisation, on parle de défiance à l'égard des politiques, et probablement du "politique"; à peine ont-ils gagné le droit de vote, ils se réfugient dans l'abstention et le dénigrement; à peine ont-ils recouvré le droit à la liberté d'expression, ils se révèlent meilleurs censeurs que ceux qui les firent taire durant des siècles; à peine ont- ils abordé une nouvelle terre, ils sont dèjà nostalgiques de leur ancien territoire.
Les manies, les magouilles, les tripatouillages, les prétention et suffisance sont comme des maladies congénitales chez ceux des Tunisiens qui se croient et se pensent nés pour commander aux autres.
Le petit peuple inculte, pauvre, arriéré et sans voix, a fait vaciller vos certitudes, messires. Sa progéniture ne vous cèdera pas ses droits et libertés sans vous faire trembler encore davantage.
Peut-ètre, mème, en vous expulsant des palais. Oui, mes seigneurs, prenez garde!
 
 
+4 #1 tout petit petit rappel
Ecrit par Pseudo     30-09-2014 08:13
Juste un touuuuuut petit rappel ...

On a voté en Octobre 2011 pour une AN Constituante qui devait SEULEMENT redéfinir la fonction présidentielle et le mode de son élection.

On s'est retrouvé 3 ans plus tard avec de nouveaux textes pas finis ou mal foutus qui cherchent à réinventer la lune.
Par exemple cette loi antiterrorisme comme si ce n'était pas déjà punissable par la loi de 1959 revue en 2003, et où les députés cherchent encore la définition du terme ...
 
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