Sommet de Doha : La réconciliation et après ?

Publié le Lundi 30 Mars 2009 à 11:23
Le colonel Kadhafi et le roi Abdallah...c'est sans rancune. Maintenant que le colonel Kadhafi est revenu à de meilleurs sentiments envers le roi Abdallah, après avoir déterré bruyamment une revanche vieille de six ans, que les bonnes intentions ont été exprimées, et qu’un engagement solennel a été pris pour conjurer à jamais les démons de la division qui font courir les Arabes à leur perte, les pays arabes vont-ils pouvoir entrer dans le vif du sujet ?

Exit les divergences, les désaccords, et les rancunes qui ont provoqué tant de déchirures dans les rangs arabes, affaiblissant leur position, et les décrédibilisant honteusement auprès de leur opinion. L’heure est maintenant à la réconciliation, et à la solidarité, seule voie de salut pour une action arabe commune porteuse d’espoirs et de changements pour la région. C’est cette idée force que le sommet de Doha veut commercialiser, et amener tout le monde à s’en convaincre.

Et peu importe, si l’Egypte a décidé de faire faux bond, et de dénoncer une réconciliation de façade, les efforts ne seront pas épargnés, à en croire les sources qataries qui pavoisent de la réussite de leur sommet, pour faire revenir le prodige Moubarak au rang de la grande famille réunie. Autant dire que Doha a amorcé le déclic d’une prétendue nouvelle page arabe, en réussissant le challenge de réchauffer les relations entre la Libye et l’Arabie Saoudite, après le coup d’éclat de Kadhafi qui jetait un froid dans le dos de tous les présents dans la somptueuse salle de réunion. Mais, le chemin de la réconciliation sera long et semé d’embûches. D’autant que les virevoltes dans les positions, une fois loin des feux de la rampe, sont toujours possibles.

Mais, positivons. Amr Moussa, SG de la Ligue arabe qui s’est dit lors de la conférence de presse suivant la clôture du sommet, moins abattu qu’il ne l’était lors de la guerre de Gaza en janvier dernier, prévient les médias de ne pas souffler sur les braises, et d'accompagner cette idylle interarabe qui est en train de naître et qu’il croit durable. D’ailleurs, si les dirigeants arabes ont transcendé leur ego, et se sont surpassés pour oublier les rancunes du passé et effacer leurs mésententes, c’est pour répondre aux attentes et aux exigences de leurs masses populaires, reconnaît le SG de la Ligue, appuyé en cela par le chef du gouvernement qatari.

En voilà une nouveauté. La rue va-t-elle commencer à gouverner vraiment dans le monde arabe ? Les dirigeants arabes ont-ils décidé de faire preuve d’humilité pour écouter l’appel d’une opinion, qu’ils ont longtemps ignorée et méprisée ? Des questions qui laissent perplexe. Mais, même s’il en était ainsi, les Arabes sont encore, hélas, à mille lieues de répondre aux exigences minimales de leurs peuples qui leur demandent du concret, du courage, et un affranchissement de la domination extérieure. Car, que gagnent, effectivement, des populations désespérées et rongées par les déceptions, d’un échange de complaisances entre deux chefs d’Etat en délicatesse ? Qu’est-ce qui change pour eux que les discussions se soient déroulées dans une ambiance policée, et que les heurts ont été vite circonscrits ? Pas grand-chose, hélas.

Pour tâter le pouls du sommet de Doha, il aurait suffi à chaque citoyen arabe d’en écouter la déclaration finale. Et là, rien de nouveau ne submerge et ne montre que les chefs d’Etat et les monarques arabes changent en quoi que ce soit de tactique. Le même ton monotone et les mêmes formules stéréotypées, que ce soit sur la Palestine, sur l’Irak ou sur l’action arabe commune. Même la solidarité exprimée pour Omar el-Béchir, tardive s’il en est, ne s’est pas accompagnée de la décision attendue des trois pays arabes ayant approuvé la création de la CPI d’annoncer leur retrait de ladite cour.

Les Arabes manquent encore de concret. Ils peinent à sortir du ronron de la rhétorique. Ils ont du mal à décider des réformes énergiques et radicales, qui rompent avec leur atonie légendaire. De sommet en sommet, les mêmes scénarios se répètent. A Doha, on veut donner l’impression qu’il y a des choses qui se passent, que les nuages se dissipent, et que les cœurs et les esprits s’apurent, les peuples que l’on dit avoir tout fait pour eux, ne voient encore aucun véritable changement venir. Il ne leur reste plus que de laisser du temps au temps.