Programme d’Ennahdha : "365 points pour la renaissance de la Tunisie"

Publié le Mercredi 14 Septembre 2011 à 16:35
Rached Ghannouchi "La Tunisie telle qu’on la perçoit", un programme dense qui ne laisse rien au hasard, c’est celui préconisé par le mouvement Ennahdha pour promouvoir "une Tunisie de la liberté, de la justice et du développement".

Le programme dévoilé ce matin (mercredi) au Palais des congrès devant une assistance diversifiée d’ambassadeurs, de représentants de partis politiques, d’organisations nationales, d’universitaires, d’hommes d’affaires et de médias…touche les volets politique, économique, social, culturel et sportif. Ce projet de société à travers lequel le mouvement islamiste veut amorcer la renaissance de la Tunisie est le fruit du travail de 182 experts parmi des universitaires et d’hommes d’affaires, qui ont planché sur son élaboration pendant 150 jours sous la supervision de l’unité d’études et de planification créée en février dernier au sein du mouvement. "Ce programme en 365 points peut-être sujet aux critiques et à l’enrichissement", dit d’emblée Hamadi Jebali, Secrétaire Général d’Ennahdha.

Présentation du programme d'Ennahdha au Palais des congrès.

Les dirigeants du mouvement se sont relayés pour présenter les différents volets du programme. Rached Ghannouchi, président d’Ennahdha, en a exposé le cadre général. Il a appelé d’emblée au consensus  et à la cohabitation des Tunisiens sans exclusion pour construire un régime démocratique qui rompt avec le despotisme. "La Tunisie est un Etat libre et indépendant : sa religion est l’Islam, sa langue l’arabe, son régime la République et sa priorité est la concrétisation des objectifs de la révolution", c’est là l’un des principes et directives générales du programme qui en compte 14.

Un régime parlementaire monocaméral

Au volet politique présenté par Nourredine Bhiri, chef du bureau exécutif, le programme prône un régime parlementaire qui remet le pouvoir au peuple. Il préconise un parlement monocaméral avec une seule chambre, garantissant la séparation des pouvoirs. Il s’engage pour la garantie des libertés publiques et individuelles, notamment les libertés de presse et d’organisation, et criminalise la torture. Il garantit la liberté de croyance et de pensée, de même que les droits des minorités religieuses, et prévoit l’alternance pacifique au pouvoir. Il prévoit un gouvernement fondé sur un exécutif responsable devant le parlement, lequel élit le président de la République.

Outre la création d’une cour suprême constitutionnelle, Ennahdha s’engage à garantir l’indépendance de la Cour des comptes, en vue notamment de faire un meilleur usage des deniers publics. Le mouvement envisage d’appuyer tant l’armée nationale, qu’un corps de sécurité républicain, et s’engage à renforcer l’indépendance de l’action syndicale.

Lors de cette période transitoire, le mouvement prévoit la formation d’un gouvernement d’union nationale, sur la base du consensus, en respectant les résultats des élections de l’assemblée constituante et en valorisant la compétence. Au-delà, le mouvement s’engage à réformer et à moderniser l’administration à travers la consolidation de la décentralisation et l’allègement des procédures administratives, et à constituer une haute instance indépendante pour combattre la corruption et le clientélisme et d’activer les procédures de déclaration sur l’honneur des propriétés des hauts responsables.

Programme d'Ennahdha en prévision du prochain quiquennat.

Sans l'UMA, il n'y a pas d'avenir

Au volet des relations extérieures, le programme prône une diplomatie active sur la base de l’approfondissement des relations de coopération et de partenariat équilibrées avec les pays frères et amis. Le programme appelle à activer les instances de l’UMA et de développer le partenariat et la complémentarité avec les pays arabes et africains. "L’union du Maghreb arabe (UMA) est une nécessité pour tous les pays maghrébins", dit Noureddine Bhiri, en ajoutant : "il n’y pas d’avenir sans unité, et sans une intégration économique". Ennahdha cherche à développer ses relations avec l’Europe, en  faisant accéder la Tunisie au statut de partenaire privilégié de l’UE, ainsi qu'avec l’Amérique du Nord, le Japon, les pays émergents de l’Asie et de l’Amérique latine, et à soutenir les causes juste, et à leur tête la cause palestinienne.

Un taux de croissance de 7% et un taux d'inflation de 3%

Le volet économique du programme a été présenté par Hamadi Jebali, SG et Ridha Saïdi, membre du bureau exécutif, chargé des études et de la planification. Il prévoit notamment la diversification des secteurs productifs, ainsi que des produits et sources de financement notamment ceux de la finance islamique. Il se propose de réviser le découpage administratif actuel et étudier la possibilité de créer des districts de développement régional intégrant le pôle économiques.

Le modèle de développement 2012-2016 s’assigne trois objectifs progressifs, la reprise, l’embellie et puis l’excellence. Il table sur un taux de croissance annuel moyen de 7 % sur toute la période 2012/2016, permettant de passer en 2016 à un revenu national disponible par habitant de 10 000 dinars, contre 6 300 dinars en 2011. Ennahdha s’engage à créer environ 590 mille emplois au cours du prochain quinquennat, ramenant ainsi le taux de chômage de 14,4 % en 2011 à environ 8,5% à l’horizon 2016, à cibler un taux d’investissement de 31% du PIB en 2016, contre 25 % en 2011, à contenir le taux d’inflation dans la limite de 3% , contre 5,5% en 2011. Le besoin de financement de l’économie nationale est évalué à 163 milliards de dinars sur toute la période 2012/2016. Ce besoin de financement sera assuré à hauteur de 67% par l’épargne nationale, de 6 % par le financement extérieur générateur d’intérêt de la dette. Plus du quart de l’ensemble du financement extérieur sera assuré par le financement extérieur non générateur d’intérêt de la dette (soit 27%).

Vers la création de banques islamiques
En matière de politique monétaire et financière, il s’agit d’atteindre l’objectif de faire de la Tunisie un centre financier régional à rayonnement international, et à assainir le climat des affaires pour inciter les hommes d’affaires à introduire leurs sociétés en bourse afin de transformer l’économie tunisienne d’une économie d’endettement à une économie de transformation, renforcer l’autonomie de la banque centrale, et instaurer la législation appropriée permettant la création de banques islamiques ou des fenêtres dans les banques existantes pour attirer des nouveaux produits financiers (sukûk).

Ce modèle de développement comprend plusieurs autres engagements en matière de développement régional, de politiques sectorielles (agriculture et pêche, industrie, énergies et mines, tourisme et artisanat, transports et logistique, technologies de la communication,  commerce, aménagement du territoire et habitat, et environnement).

Rached Ghannouchi lors de la présentation du programme d'Ennahdha.

"Protéger la liberté de la femme contre toute imposition de style vestimentaire"
Afin qu’il n’y ait plus un seul pauvre parmi les Tunisiens, tel est le slogan des politiques sociales prônées par ce programme. Il s’agit notamment de majorer le SMIG et le SMAG d’un point au dessus du niveau de l’inflation, et de créer un fonds de chômage destiné à accompagner les licenciés et d’introduire un système complémentaire solidaire pour soutenir le régime des retraites.
Dans le domaine de la santé, il est question de revoir les modalités de financement du secteur médical en vue d’impliquer le secteur associatif dans la création des cliniques, et de faire de la Tunisie un pôle de tourisme médical en s’appuyant sur une stratégie marketing destinées principalement aux marchés arabes, africains et européens. En matière d’éducation, d’enseignement supérieur et de formation, Ennahdha promet de confirmer la gratuité et le caractère obligatoire de l’école publique, de relever la durée moyenne de scolarisation dans l’enseignement de base et du secondaire, d’œuvrer pour que la Tunisie soit un pôle d’enseignement supérieur de renommée internationale et d’ouvrir des passerelles entre la formation professionnelle et l’enseignement supérieur.
Le programme s’engage à protéger les acquis de la femme, à assurer l’égalité des chances entre l’homme et la femme pour l’occupation des postes de responsabilités administratives et politiques, à protéger la liberté de la femme contre toute imposition de style vestimentaire, à rompre avec toutes les formes de discrimination et de violence infligées aux femmes etc. Le programme comprend des points pour la promotion de la jeunesse et de l’enfance, et prévoit la stabilité et le bien être de la famille à travers des politiques et des mesures visant à aider les jeunes à fonder une famille et à prévenir le mariage tardif, ainsi qu’à travers la révision de l’horaire du travail dans le but concilier entre travail et famille. "Une étude est en cours d’élaboration sur l’horaire du travail pouvant déboucher sur le régime de la séance continue, selon des conditions bien déterminées qui seront annoncées au moment opportun", annonce Ridha Saïdi.

Au chapitre culturel, le mouvement préconise notamment une stratégie pour la promotion du cinéma et du théâtre et la création d’un musée national des arts plastiques et une académie des arts. En sport, le programme prévoit, entre autres, de soutenir l’investissement dans l’infrastructure sportive, promouvoir le sport d’élite et consolider la formation

Abou Yaâreb al Marzouki, tête de liste d’Ennahdha de Tunis 1 en tant qu'indépendant, s’est interrogé "où est l’islamique dans ce programme ?", Et de renchérir : "C’est une opposition légitime eu égard à la conception de l’Islam pendant les siècles du déclin où il s’est éloigné de toutes les affaires temporelles et a privilégié les prières". 

Selon Abou Yaâreb al Marzouki, "le mouvement Ennahdha correspond au faîte de l’évolution de la pensée réformiste dans le monde musulman", et ce programme en est l’illustration. Le philosophe tunisien a expliqué la raison pour laquelle il a préféré demeurer en dehors d’Ennahdha, "c’est dans un souci de ne pas confondre deux engagements : le partisan et le philosophique et de préserver ma liberté de pensée".

Ce programme est la meilleure réponse à ceux qui disent que le programme économique d’Ennahdha se résume au verset : "Il n'y a point de bête sur terre dont la subsistance n'incombe à Dieu", et son programme social : "la Salat (prière) préserve de la turpitude et du blâmable", conclut Rached Ghannouchi un tantinet taquin, estimant qu’"Ennahdha est la colonne vertébrale de la société tunisienne".
H.J.



 

Commentaires 

 
-2 #89 Les régularisations volontaires
Ecrit par Dr. Jamel Tazarki     15-11-2011 22:59
L’impôt doit jouer un rôle de stabilité et d’homogénéité sociale. Puis, il faut lutter contre la fraude fiscale. Les 10% des ménages les plus riches en Tunisie ne payaient pas assez d’impôts et bénéficiaient de beaucoup de privilèges illégaux auprès de certains hauts
responsables corrompus de nos institutions. Pourquoi ne pas régulariser les fiscalités des dix dernières années de toutes les entreprises tunisiennes, des ménages et en particulier des activités touristiques1. Les autorités fiscales tunisiennes doivent encourager les régularisations volontaires et spontanées. Il faut montrer une flexibilité totale envers les régularisations volontaire en empêchant toutes sanctions pénales. Par contre, il faut être extrêmement sévère envers quelqu’un qui lève le drapeau blanc seulement s’il est pris dans le filet. Je propose de donner une chance à tous les fraudeurs de régulariser leurs situations fiscales des dernières 10 années dans un délai de six mois et ceci sans poursuite judiciaire. Après ce délais toute fraude qui serait mise à jour, sera sévèrement punie. C’est comme ça qu’a réagi l’Allemagne lorsqu’il y a eu une grande vague de fraude fiscale en 2008. Et croyez-moi, tous les fraudeurs allemands se sont pressés afin de régulariser leurs situations des dernières années. Les Allemands payent leurs impôts pour la simple raison car la fraude fiscale est sévèrement punie en Allemagne (des amendes et des emprisonnements allant jusqu’à 5 ans). Nous ne sommes pas moins honnêtes que les allemands. Ce qui manque dans notre pays est un cadre juridique sévère et une politique fiscale transparente. Il est urgent d’intensifier les actions à l’encontre des privilèges fiscaux et de consolider l’harmonisation fiscale (avec un rééquilibre entre impôts directs progressifs et impôts indirects proportionnels) se basant sur la détermination de règles communes (fiscales et juridiques) à tous les Tunisiens. Notre système fiscal est très simple mais cette simplicité passe par une réduction de sa progressivité ce qui fait que les pauvres payent relativement beaucoup plus de leurs recettes annuelles que les riches et ce qui fait que notre budget national est toujours à zéro. Normalement le budget national doit être financé à 90% par les riches, les entreprises et les institutions privées. Il y avait des Tunisiens qui réalisaient des gains nets supérieurs à 150 Millions par an et qui ne payaient pas un centime d’impôt. Comment ceci est possible? Tous simplement car les professions libres en Tunisie ne sont pas soumises à aucun contrôle fiscal efficace. Ceci est dû à un manque de cadre juridique transparent et sévère. Tout le monde se demande en Tunisie, comment certains gens du jour au lendemain peuvent construire des petits châteaux dans les coins les plus luxueux de la Tunisie, alors qu’apparemment ils ne gagnent pas des dizaines et des centaines de millions pas mois. Une chose pareille ne passe pas inaperçu au système fiscal allemand et tous les journaux en parlent et c’est presque une catastrophe nationale. C’est exactement ça le point faible du système fiscal tunisien. On voit les gens voler et pratiquer la fraude fiscale et personne n’ose en parler. Tout le monde savait depuis les années 90 que Ben Ali et sa femme volaient les biens du peuple et transféraient des Millions à l’étranger mais aucun Tunisien n’osait en parler. Et c’est ça la différence entre l’Allemagne et la Tunisie. La motivation des allemands qui régularisent leurs situations indépendamment des risques liés à la découverte possible d’avoir non déclarés est évidente: c’est la quasi-impossibilité à pouvoir disposer des fortunes dérobées. Il est surement possible de s’en servir pour financer des petites dépenses mais il est très difficile sinon impossible d’en disposer pour des investissements au grand jour. Parce que le système fiscale les observe et va leur demander la provenance de ces richesses non déclarées. Les fraudeurs dans notre pays ont la vie facile. J’insiste que la justice fiscale et la justice sociale sont des conditions indispensables pour la réussite de la démocratisation et de la révolution du jasmin. Je propose un durcissement de la répression des délits fiscaux. Le niveau de tolérance par rapport à la fraude fiscale a baissé dans la population tunisienne et il faut qu’il le devienne sur le plan politique aussi. Il faut encourager la vague de régularisations fiscales volontaires en Tunisie. Il faut la faciliter par des promesses de non sanctions pénales lorsque la régularisation est volontaire. Il n’est pas difficile de localiser tous les fraudeurs en Tunisie. Ce qui manque encore c’est la volonté politique.

J’ai écrit un livre qui mérite d’être lu :
tout est possible - l’avenir de la tunisie
vous pouvez télécharger le livre sur mon site internet:
www.go4tunisia.de
Dr. Jamel Tazarki
Allemagne
 
 
+1 #88 ennahdha
Ecrit par saesi     25-10-2011 11:35
ana m3a ennahdha :oops: ana nahdhawia
 
 
-1 #87 l’angoisse ennahdha
Ecrit par un citoyen     18-10-2011 11:26
pourquoi les gents sont angoissés du 'ennahdha'
pourquoi tout le monde n'ont pas confiance à 'ennahdha' et ne le voit pas comme les autre ?????
 
 
+4 #86 Suprématie de l'Islam.
Ecrit par Musulman.     17-10-2011 10:34
@misterX

En Islam, la politique est un fidèle serviteur de la religion. La séparation entre religion et ppouvoir est une mécréance en Islam. L'imposer aux musulmans est une dictature des non musulmans contre la majorité musulmane.
 
 
-5 #85 Impossible
Ecrit par misterX     15-10-2011 19:59
hahaha croissance eco de 7 % pendant 5 ans juste impossible :) on est pas la chine en plus la religion dans la politique n'est pas appliquable moi je dis c 'est juste des promesses en l'air ne votez pas pour eux !!
 
Ces commentaires n'engagent que leurs auteurs, la rédaction n'en est, en aucun cas, responsable du contenu.