Livre : Désamour en Tunisie, gap entre Orient et Occident

Publié le Vendredi 24 Mars 2017 à 17:56
Le désintérêt pour le livre s'explique par plusieurs raisons. La lecture est à la traîne en Tunisie. Nous ne sommes pas un peuple qui aime feuilleter et dévorer les livres. Les statistiques révèlent une désaffection nationale envers la lecture qui, outre le fait, qu’elle soit source de savoir et de connaissance, est un moyen d’évasion, de réflexion et d’ouverture d’esprit.

Le désamour du livre tient à plusieurs raisons. La première est une défaillance familiale, avec des parents qui n’apprennent pas à leurs enfants dès leur bas âge le goût de la lecture. Le système éducatif contribue peu ou pas à cultiver la passion de la lecture, en limitant les horizons des élèves aux ouvrages scolaires inscrits dans le programme.

La lecture n’est pas, par ailleurs, ancrée dans les mœurs sociales et sociétales, et le livre est quasiment absent dans l’espace public, les moyens de transport, au bord de la plage, comme c’est le cas sous d’autres cieux. Le prix rédhibitoire du livre explique-t-il, aussi, en grande partie, le désintérêt de la population à son égard. 

Un paradoxe, somme toute, heureux : la foire du livre de Tunis, qui en est cette année à sa 33ème édition, est un rendez-vous qui draine les foules, ce qui montre que le Tunisien n’est pas totalement réfractaire à la lecture, qu’il garde une certaine curiosité à découvrir les nouveaux ouvrages, et les dernières éditions, dont il aurait besoin soit pour ses études, ses recherches, voire ses activités académiques et professionnelles, soit pour assouvir un besoin personnel de nourriture intellectuelle.

Mais au-delà de cet événement épisodique, le livre reste un outil à encourager, et à promouvoir notamment chez la jeunesse, qui ne fait que s’en éloigner, par l’effet débordant des nouvelles technologies, du Smartphone, et des réseaux sociaux, ce qui nécessite plus que doubler le budget des acquisitions annuelles de livres tunisiens par le ministère de la Culture,  de passer à l’ère de la numérisation, bien sûr selon une réglementation bien claire, garantissant les droits d’auteur et d’édition, un terrain encore en friche chez  nous.

Ce défi qui se pose, avec grande acuité, en Tunisie, et dans la région arabe en général, n’est pas un sujet de grande préoccupation  dans les pays où le livre constitue une véritable industrie, où tout citoyen est à la fois écrivain, et lecteur, étant entendu que toute vie humaine est l'histoire d'un livre potentiel. Là-bas, le monde de l’édition connait une dynamique qui ne se dément pas, et le livre papier continue à susciter un engouement indéfectible, avec des succès en librairie en tous genres qui font le bonheur des accros de la littérature.

Le gap ne cesse de se creuser en termes de production culturelle, intellectuelle, philosophique entre Occident et Orient. Le monde arabo-musulman qui a tant contribué à l’histoire de la civilisation humaine, par des œuvres et théories scientifiques, et par des écrits littéraires et philosophiques, soit par l’écriture, l’analyse et l’interrogation, soit par la compilation et la traduction ; cette terre d’Ibn Rushd, d’Al-Kindî, d’Al-Fârâbî, d’Ibn Sînâ, d’al-Ghazali et bien d'autres, est en train de reculer avec persistance, en termes de nouvelles productions, et pas seulement. Elle voit, impuissante, son patrimoine culturel dilapider, confisquer et voler, du fait de ces guerres destructrices, qui cherchent à la plonger dans les siècles ténébreux de l’arriération et de l’ignorance. 

Alors que l’Occident qui se prévaut encore de l’effet du siècle des lumières, réclame la paternité de la civilisation, et ses valeurs dites universelles de démocratie, de liberté, de justice et des droits de l’homme, l’Orient est dépossédé de son histoire glorieuse, pour se trouver sur la sellette en tant que générateur de violence, de terrorisme et de barbarie : le malheur est qu’il subit ce châtiment, et avale tant de couleuvres, tout en étant résigné, sans la moindre autodéfense. Un livre qui reste à écrire, et à méditer. 
Gnet