Le FTDS critique le plan quinquennal "qui n’apporte rien de nouveau"

Publié le Vendredi 15 Juillet 2016 à 12:36
Le Forum Tunisien des Droits économiques et sociaux (FTDES) a organisé hier jeudi 14 juin 2016, une conférence au cours de laquelle l'économiste Abdeljelil Bedoui a présenté une lecture du document directif du plan de développement quinquennal 2016-2020.

Bédoui évoque quatre axes du plan quinquennal et en critique parfois le fond, et d'autres fois les outils. Selon ses dires, le consensus économique serait plus difficile à atteindre que le consensus politique, car, d'après lui, il nécessiterait des réformes et des choix basés sur une réelle solidarité et des sacrifices en nature, ainsi qu'à faire des concessions juridiques, tandis que le consensus politique consisterait à seulement renoncer à un certain discours ou certaines positions.

Malgré ces difficultés, penser à une alternative au modèle de développement actuel est devenu nécessaire et urgent, selon Bedoui.

Il évoque la situation économique qui prévaut et qui durant les 5 dernières années n'a fait que s'enliser, avec seulement 1.5% de croissance par an. L'économiste déplore un modèle économique actuel qui ne cesse d'étouffer la société, voire de la noyer, à travers l'emploi précaire, la régression de la qualité des produits et services, et l'accroissement du nombre d'entreprises en difficulté, faisant monter le volume des créances douteuses à des niveaux très hauts.

Bedoui ajoute que l'actuel modèle de développement est en contradiction avec la constitution de 2014, qui consacre 30 articles aux droits économiques, sociaux, financiers et environnementaux.

Une constitution qui exige une redistribution des richesses et du pouvoir de manière à réaliser une justice sociale, et un équilibre entre les régions.

"La constitution a inscrit les  droits économiques et sociaux, la transparence et le questionnement, et a laissé le choix au peuple au sujet du système économique à adopter,  en s'exprimant à travers les urnes", a dit Abdeljelil Bedoui.
 
L'occasion pour choisir une alternative au modèle économique actuel qui soit en adéquation avec les défis et les revendications des mouvements sociaux, a-t-il prôné.
 
L'économiste revient également sur la caractéristique majeure de la scène politique tunisienne, dont le sommet de l'Etat est composé des deux courants de droite, l’un conservateur et l’autre libéral.

Il a expliqué que les deux courants sont essentiellement composés des classes sociales aisée et moyenne, travaillant dans le milieu des affaires. "Même si les deux partis prônent dans le discours, un modèle économique social qui viendrait à bout de la crise actuelle, il n'en demeure pas moins qu'ils penchent vers les modèles économiques exigés par les organismes internationaux et régionaux. Les militants des deux partis sont souvent du milieu des affaires et gagnent à profiter de l'ouverture et du libéralisme", indique Bedoui.

Le document d'orientation du plan quinquennal a été rendu public en mars 2015, une année après la réalisation d'une étude stratégique par la Banque centrale de Tunisie au sujet de la restructuration de l'économie tunisienne. Une étude chapeautée par une commission de suivi composée du gouverneur de la BCT des représentants du Centre méditerranéen en Tunisie et son homologue marseillais, d'une délégation de l'Union Européenne et de l'ambassadeur de France en Tunisie.
 
"Il faut savoir que quand les décisions de réforme proviennent de l'extérieur et sont le résultat de pressions pour les faire passer, il est clair qu'elles ne feront pas l'unanimité de toutes les parties.

La loi portant sur la Banque Centrale en est la preuve, et celle sur les institutions financières qui sont restées longtemps sujets de controverse", explique Bedoui.

Après le document d'orientation, arrive le pacte national signé par un grand nombre de partis politiques et d’organisations nationales et qui défend le caractère social des réformes, notamment pour l'emploi et la couverture sociale. "Des dispositions qui sont en opposition avec les réformes dictées par le document d'orientation, ce qui fait régner une sorte de flou sur l'avenir de la croissance en Tunisie", relève Bedoui.

Non aux opérations de rafistolage
Revoir le modèle de développement ne doit pas, selon lui, ressembler à des opérations de rafistolage, même s'il s'agit de réformes. "Il faut d'abord identifier les choix et les bases du modèle. Des choix qui englobent tous les aspects, qui soient complémentaires et en harmonie aussi bien sur le plan sectoriel que territorial, et en harmonie avec les choix intérieurs et extérieurs", souligne Bedoui dans sa lecture.

Il déplore sur la même lancée, l'absence d'un diagnostic détaillé ainsi que d'une analyse comparative entre les résultats positifs et les coûts ayant servi à leur réalisation, avant 2010.
Mais aussi l’absence d’un diagnostic pour le secteur informel malgré son expansion inquiétante et la menace qu'il représente pour le secteur formel, pour le budget public et la santé du citoyen.

«Ce secteur représenterait pourtant entre 24% et 50% du Produit intérieur Brut (PIB) hors agriculture. Il emploierait également 40% de la main d'œuvre non agricole. Le commerce parallèle représente plus de 50% des échanges commerciaux", relèvera l'économiste.
 
Bedoui a également pointé du doigt le recul du rôle de l'Etat, pour céder la place au clientélisme et au gain facile. Des phénomènes qui sont en opposition avec le développement durable et global. "Ce recul du rôle joué par l'Etat n'a pas pu être comblé par le secteur privé, malgré les avantages qui lui sont accordés sur des dizaines d'années", dit-il. 

Il déplore un déséquilibre dans le système d’imposition, « dont la principale victime demeure le salarié », ainsi que la réduction du budget alloué à l’Education et à la Santé, qui passent de 30% du budget de l’Etat en 2001 à 22.8% en 2016 et de 9.9% en 2001 à 6.6 % à 2011.

Bedoui estime que le document d'orientation n’a fait que rappeler qu’on continuera à faire usage de la même politique traditionnelle  et à appuyer l’essor du secteur privé, sans qu’on en fasse le diagnostic pour savoir s’il était capable d’endosser le rôle de locomotive avec son actuel tissu et composition. Abdeljelil Bedoui a dénoncé des slogans vides « sans réels programmes qui permettraient à relever les défis ». Il évoque des slogans « calqués sur l'ancien régime, qui n'apportent rien de nouveau ».

Chiraz Kefi
 


 

Commentaires 

 
#1 RE: Le FTDS critique le plan quinquennal
Ecrit par Montygolikely     19-07-2016 10:58
Ce plan quinquennal n'apporte rien de nouveau parce que l'on veut que rien ne change...vu que c'est la médiocrité qui perdure, révolution ou pas...
 
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