"Le dilemme philosophique" de la Tunisie, selon Ahmed Ounaies |
Publié le Lundi 01 Août 2011 à 17:30 |
"La révolution tunisienne a fait naître un nouveau panarabisme, ce n’est pas un panarabisme tourné vers l’unité et contre l’ennemi extérieur. Mais c’est un néo-panarabisme tourné vers l’aspiration démocratique ; vers la mise à jour de l’unité arabe", souligne Ahmed Ounaies, ex-ministre des Affaires étrangères du gouvernement provisoire de Mohamed Ghannouchi, lors de l’université d’été de l’association Mohamed Ali de la culture ouvrière tenue le week-end dernier à Gammarth. "La révolution tunisienne a constitué une surprise stratégique et a bouleversé la scène arabe. Sa pertinence et sa légitimité sont saluées par la communauté démocratique dans le monde. De la révolution tunisienne à la révolution arabe, le lien s’est fait de lui-même", admet-il. "La révolution tunisienne a plongé une emprise particulière sur la scène arabe. Elle a dégagé un appel persistant à une nouvelle exigence pour la probité, les droits de l’homme et la démocratie". Cette effervescence dans le monde arabe est absolument nouvelle sur la scène mondiale. Seul précédent, celui du mouvement né en Europe centrale et orientale après l’effondrement de l’ex-empire soviétique, indique-t-il. Selon son analyse, trois traits distinctifs caractérisent le tournant européen d’il y a 20 ans de l’expérience arabe : 1-L’encadrement de la puissante architecture européenne et transatlantique. L’Europe du Nord a mis tout son poids à travers les institutions européennes et transatlantiques : OTAN, conseil de l’Europe, etc. 2-Les pays d’Europe centrale avaient une finalité claire et sans équivoque : ils aspiraient à s’insérer dans un modèle démocratique à l’instar du modèle de l’Europe occidentale. 3-Le rattachement des nouvelles démocraties orientales au corps occidental qui est un pôle de puissance. "La révolution est menée par des forces contraires progressives et régressives" Dans notre région, la finalité de la révolution est de poser enfin la société arabe démocratique, assène-t-il. "C’est la finalité immédiate des révisions constitutionnelles en cours dans la plupart des pays arabes. En Tunisie, il s’agit de parachever les réformes entamées dans les années 50 et 60 portant à son terme le modèle social : égalité homme/femme, égalité musulman/non-musulman, égalité croyant/non-croyant", etc. Les acteurs politiques et les élites en Tunisie sont divisés sur la voie à suivre, fait-il observer. "Ils ne sont pas d’accord sur les options philosophiques et les rattachements stratégiques. La consistance démocratique est controversée dans leurs discours". "Des partis soutiennent l’idée que la démocratie tient à l’adhésion aux libertés et aux valeurs universelles sans ordre transcendantal, ce qui sous-tend le maintien et la consolidation des réformes bourguibiennes", souligne-t-il. "D’autres partis pensent que la révolution a vocation à corriger les déviances introduites par l’œuvre bourguibienne ayant aliéné l’identité, et aspirent à mettre le citoyen en conformité avec l’identité islamique d’antan". Ahmed Ounaies évoque "un dilemme philosophique" qui ne sera pas tranché avec les élections. La question de la laïcité divise les partis politiques et les élites, ajoute cet ancien diplomate, pour qui cette discorde s’illustre, de surcroît, à travers la résurgence du tribalisme. La révolution est menée par des forces contraires progressives et régressives. Le bouillonnement philosophique et la dispersion des visions posent le problème de la révolution politique dans le monde arabe. A fortiori que des rapports troubles persistent entre pays arabes et pôle occidental, sur fond d’un flagrant déséquilibre des forces. L’avènement d’une société arabe démocratique est un gage d’une révolution authentique, estime-t-il. "Seule l’émergence consensuelle d’une société arabe démocratique ancrée dans l’universalité sera porteuse d’un changement géostratégique. L’enjeu dans la région arabe est la création d’un modèle social inédit", fait-il valoir. Tunisie : "L’armée est garante de stabilité" Le mouvement qu’a vécu la Tunisie en janvier prend ses racines dans le 19ème siècle, indique Khadija Mohsen Finan, politologue franco-tunisienne, qui a analysé les caractéristiques de la transition démocratique en Tunisie. "Aussi bien en Tunisie qu’en Egypte, les gens ont réapproprié le nationalisme et ont ôté au pouvoir la source idéologique sur laquelle il fondait sa légitimité". L’intervenante s’est arrêtée au rôle de l’armée en Tunisie qui "a réussi à créer un consensus et un ordre politique nouveau". "L’armée a joué un rôle essentiel dans la révolution par la passivité garante de stabilité, d'autant plus qu'elle est la marge du pouvoir exécutif et est redoutée par l’exécutif". Pour Khadija Mohsen Finan, la fuite de Ben Ali était l’acte inaugural de la démocratisation du pays. La question qui se pose aujourd’hui est comment concilier les acquis de la révolution et les acquis du passé (éducation, rôle de la femme, etc.), s’interroge-t-elle. "En cette période d’absence de légitimité et d’autorité politique, il peut y avoir des regards différents sur les acquis de la Tunisie", conclut-elle. Habib Guiza, président de l’association Mohamed Ali de la culture ouvrière, dit soutenir "un projet moderniste et démocratique, sans exclusion ni tutelle". Le chef de la Confédération Générale Tunisienne du Travail (CGTT), évoque l’avenir du mouvement syndical en Tunisie qui ne peut se concevoir, a ses yeux, que dans le pluralisme militant. Il appelle à l’unité de l’action syndicale à travers une coopération entre l’UGTT et la CGTT. La 18ème université d’été de l’association Mohamed Ali qui a clos ses travaux hier (dimanche) à Gammarth s’est articulée autour de trois axes : "Comment aider à assurer la transition démocratique ?" "Quelle contribution spécifique pour le mouvement syndical tunisien ? Pluralisme syndical, renouveau et transition démocratique", et "Pour un pacte social en Tunisie ?" H.J. |
Commentaires
Ecrit par lotfi bchir 19-08-2011 23:35
Ecrit par miska 15-08-2011 15:56
Ecrit par el manchou 03-08-2011 14:56
Ecrit par Antibureauctrate 02-08-2011 11:18
il passe sa retraite et nous laisse vivre.
Ecrit par Med Néjib BOUJNAH 01-08-2011 21:36
C'est plutôt l'après révolution qui l'est.
La révolution du 14 janvier est une révolution orpheline...Car ses vrais acteurs sont si pudiques et si humbles qu'ils l'on laissée aux marchands de la politique.