Tunisie : Les richesses supposées et les chimères de la nationalisation !

Publié le Lundi 15 Mai 2017 à 17:22
Depuis toujours, on nous dit que la seule richesse de la Tunisie, est son capital humain, ses hommes et femmes, leur intelligence, leur savoir faire et compétence. L’idée communément admise est que notre sol ne regorgerait pas de richesses énergétiques, de matières premières et de minerais qui font de nous un pays gazier, pétrolier ou nanti de pierres précieuses. Mais depuis quelque temps, cette idée est battue en brèche. La Tunisie dormirait, selon des voix concordantes, sur des ressources, non encore estimées, dont les gains iraient dans l’escarcelle des compagnies étrangères, et autres oligarchies locales, dans un secteur miné par la malversation et la corruption.  

La décision de Youssef Chahed de mettre en place une commission pour auditer les ressources énergétiques nationales, n’a en rien calmé la colère de ceux qui ne semblent pas en douter de l’importance, percevant dans leur exploitation par les multinationales, une injustice faite au peuple, qui se voit voler ses richesses, alors qu’il souffre de pauvreté, de précarité et de chômage. C’est là le sens des mouvements contestataires, dont Tataouine est le théâtre. Un contexte de tension ayant favorisé les appels à la nationalisation des secteurs stratégiques.

La nationalisation, les Tunisiens en caresseraient, en majorité, le rêve, car ce serait un signe de réappropriation des richesses nationales par le peuple, afin de les gérer par lui-même, d’en recueillir les fruits, d’en partager équitablement les dividendes, et d’exercer dessus sa souveraineté. Mais, est-elle possible en les circonstances actuelles ? Bien sûr que non, et ce serait entretenir une chimère, et berner l’opinion publique, que de soutenir le contraire.

La nationalisation ne se fait pas par un claquement de doigts

La Tunisie est engagée dans l’économie de marché, et est fortement liée aux puissances étrangères. Le tourisme et les exportations constituent ses principales sources en devises, et le moindre recul de ces deux secteurs fait vaciller l’économie. Le pays est-elle aussi totalement tributaire des institutions financières internationales, en prime le Fonds monétaire international (FMI), dont dépend l’équilibre précaire de ses finances publiques. Pour résoudre son chômage aigu, notamment parmi le diplômés du supérieur, et amorcer le développement dans ses régions intérieures, plongées depuis des lustres dans une arriération chronique, le pays a, de surcroît, besoin d’investissements locaux, mais aussi étrangers, sans quoi, le cercle vertueux création de richesses, croissance, création d’emplois ne sera guère possible.

Ce schéma de développement qui est celui de la coalition de droite au pouvoir, sera forcément celui d’un gouvernement de centre-gauche, de gauche ou d’extrême gauche, si la majorité venait à changer. Aucun pouvoir, quelle qu’en soit l’appartenance politique ou l’orientation économique n’est capable de changer dans l’immédiat les choix socio-économiques, étant donné l’état du pays et de ses ressources, et son niveau de dépendance de l’extérieur.

Changer le modèle de développement, se passer des bailleurs de fonds, et nationaliser les secteurs stratégiques, ne peuvent se faire par un claquement de doigts. Un tel cheminement requiert une vision à moyen et à long terme, une reconsidération de la valeur travail et l’enclenchement de tout un processus dont l’alpha et l’oméga est  la repossession progressive des attributs qui font la force d’une nation, et lui donnent la latitude de décider, sans une quelconque tutelle extérieure.

L’urgence serait d’instaurer les règles de transparence et de bonne gouvernance, et de promouvoir une culture des bonnes pratiques dans le secteur énergétique, et ailleurs, à travers la mise en place et l’application d’un cadre législatif bien approprié. Autrement, cela reviendrait à mettre la charrue avant les bœufs.

Le phosphate tunisien est bien entre les mains de la nation, ce ne sont pas des multinationales qui le gèrent, mais des compagnies tunisiennes, en l’occurrence, la compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) et le Groupe chimique tunisien, (GCT), qu’est-ce qu’on a fait pendant cinq ans de ce secteur stratégique, sinon le ruiner au point que le manque à gagner atteigne cinq milliards, de quoi faire sortir l’économie de cette impasse qui perdure.

H.J.