La Tunisie s’apprête à renoncer à tout protectionnisme avec l’Europe

Publié le Vendredi 29 Mai 2015 à 17:46
Habib Essid et Federica MogheriniAnnoncées pour octobre prochain, en marge de la visite hier jeudi d'Habib Essid à Bruxelles, les négociations tuniso-européennes sur un accord de libre-échange complet et approfondi, présentent de nombreux défis pour l’économie tunisienne. A fortiori qu’elles engloberont deux secteurs jusque-là protégés à savoir l’agriculture et les services.   

La Tunisie et l’Union européenne ont signé un accord d’association en 1995, lequel est entré en vigueur trois ans après, soit le 1er mars 1998. Cet accord est constitué de deux principaux volets : l’instauration d’une zone de libre-échange et la coopération technique et financière.

Instaurée d’une manière progressive, la zone de libre-échange est devenue effective en 2008. Une multitude de produits en provenance d’Europe, comprenant notamment matières premières,  produits industriels et équipements,  produits semi-finis, articles de prêt-à-porter, chaussures, produits mécaniques et électroniques, ont été totalement exonérés des taxes douanières.

Des produits dits sensibles et subventionnés ont été exclus du démantèlement tarifaire tels que les produits agro-alimentaires.

Des mesures protectionnistes ont par ailleurs demeuré pour l’agriculture et le secteur tertiaire, carrément exclus de l’accord d’association. Les  négociations autour de ces deux secteurs ont été moult fois renvoyées sine die par la Tunisie, malgré l’insistance de la partie européenne.  

La coopération technique et financière vise, elle, à renforcer la compétitivité de l’économie tunisienne, à travers ce qu’on appelait auparavant la mise à niveau de l’industrie et la consolidation du tissu économique local. Cela s’illustre dans les prêts et dons accordés par Bruxelles, pour être alloués à différentes sphères d’activités.

Avec l’accord de libre-échange complet et approfondi en perspective, le concours européen à l’économie nationale sera, selon toute vraisemblance, maintenu, avec une disparition complète de toutes les mesures protectionnistes, et toutes les barrières douanières. Tous les secteurs en suspens, en prime l’agriculture et des services, seront totalement libéralisés et soumis à la concurrence européenne. Cela suppose que ces deux secteurs soient bien préparés pour pouvoir, ne serait-ce que garder, leurs actuelles parts de marché sur le marché local et conquérir davantage le marché européen.  

Prenons l’exemple du secteur agricole, la comparaison est sans aucune mesure entre la Tunisie et l’Europe. L’agriculture européenne est soutenue par la PAC, Politique agricole commune. Celle-ci prévoit des subventions aux agriculteurs, ainsi qu’aux fruits et légumes made in Europe, chose qui leur permet de conquérir les marchés extérieurs, sans coup férir.

Idem pour les services. Le secteur tertiaire qui couvre un large champ d’activités renferme d’importantes potentialités en Tunisie, ce qui est de nature à susciter les convoitises des opérateurs européens. Sauf que les activités locales ne sont pas aussi solides, aussi structurées, et aussi organisées, pour affronter la concurrence européenne.

Quant à l’intégration de la Tunisie sur le marché européen, censée être stipulée par l’accord en vue, cela n’est pas gagné d’avance. Ce processus requiert un immense travail au niveau de l’amélioration du label tunisien, afin qu’il puisse se frayer un chemin dans l’arène économique européenne. Sans oublier la problématique de la mobilité et de la circulation des personnes, affranchies de toutes les restrictions côté tunisien, et soumises à des mesures de plus en plus dures, côté européen. Le visa est un réel frein pour la circulation des personnes, en présence duquel, on ne peut parler de libre circulation des marchandises, et d'ouverture réciproque des marchés.  

Quoiqu’il en soit, les pourparlers dont le coup d’envoi sera donné en octobre s’annonce difficiles et longs, les négociateurs tunisiens auront du pain sur la planche pour défendre les intérêts nationaux, exiger des garanties à l’Europe, tenir compte des vulnérabilités multiples de l’économie tunisienne et ne pas l’engager dans une aventure hasardeuse dont elle aura à payer un prix lourd.

H.J.


 

Commentaires 

 
-1 #2 RE: La Tunisie s’apprête à renoncer à tout protectionnisme avec l’Europe
Ecrit par Agatacriztiz     01-06-2015 11:09
Vous l'avez dit : " Ce processus requiert un immense travail au niveau de l’amélioration du label tunisien "
Alors maintenant, vraiment, il est grand temps de se retrousser les manches et travailler à fond pour asseoir notre crédibilité, cesser de se lamenter, de somnoler au bureau, de mendier, de faire grève pour un oui ou pour un non...
 
 
+6 #1 libre circulation
Ecrit par mocha     30-05-2015 14:07
avec le libre échange il faut aussi la circulation libre des personnes sans visa entre les deux rives sinon inutile de faire un tel accord
 
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