La Tunisie peut démontrer qu’Islam et démocratie sont compatibles (Valls)

Publié le Mardi 09 Septembre 2014 à 17:36
"La stabilité politique et démocratique doit permettre l’accompagnement économique et l’investissement. Quelque soit le gouvernement (issu des urnes), il devra assurer la confiance nécessaire et la stabilité indispensable pour les investissements", a affirmé hier soir, lundi 08 septembre, le Premier ministre français, Manuel Valls, lors d’une rencontre avec des journalistes, en majorité tunisiens, organisée à la résidence de l’ambassadeur de France à la Marsa.

Rencontre entre Manuel Valls et les journalistes à la résidence de France à la Marsa.

En concédant que "c’est au peuple tunisien de choisir ses dirigeants, ses députés et son président dans les semaines qui viennent", Manuel Valls semble bien loin d’une déclaration qu’il a faite un certain 8 février 2013, alors qu’il était ministre de l’Intérieur, où il a pointé "le fascisme islamique et l’obscurantisme", estimant que "la France doit soutenir les démocrates". Interrogé sur cette déclaration, il a rétorqué : "je ne suis pas là pour revenir sur le passé". "ces propos ont été tenus après l’assassinat de Chokri Belaïd dans un contexte particulier. Mes propos reprenaient ce qui a été prononcé ici. Depuis les choses ont beaucoup évolué, même s’il y a eu une année 2013 extrêmement périlleuse pour la Tunisie, c’était à la société tunisienne et aux forces tunisiennes quelles qu’elles soient de trouver des ressources pour faire en sorte que un,  la constitution soit adoptée et deux, qu’il y ait un processus électoral", a-t-il souligné.

"Ce qui m’intéresse c’est qu’il y a une constitution qui est très avancée, et un cadre républicain qui existe, c’est dans celui-ci que le débat démocratique, avec les opinions des uns et des autres, s’installe sur la base des règles démocratiques et des valeurs que le monde d’aujourd’hui accepte", a-t-il dit, marquant son approbation envers la déclaration de François Hollande selon laquelle "l’Islam est fondamentalement compatible avec la démocratie".

"C’est aux Tunisiens de choisir leur destin mais ce qui me parait fondamental, c’est d’en faire la démonstration", a-t-il indiqué, citant l’exemple des jeunes français musulmans. "Ils ont fait la démonstration, qu’être aujourd’hui musulman est totalement compatible avec la démocratie et les libertés fondamentales. Cette démonstration est très importante, malgré ce qui s’est passé avec ces assassinats terribles et le risque du terrorisme qui existe toujours, la Tunisie peut faire cette démonstration", a-t-il affirmé, faisant constater que "la société tunisienne a été capable de surmonter les chocs portés avec  les assassinats, lesquels pouvaient mettre à mal et faire revenir en arrière les Tunisiens".

"Je ne sais pas si la Tunisie est un modèle mais ce qui s’y passe est essentiel  pour les pays qui ont connu ce qu’on appelle le  printemps arabe. C’est très important pour nos concitoyens français de culture musulmane qui regardent votre capacité à accompagner le processus démocratique", a-t-il indiqué.

Au sujet de l’intention de la Tunisie d’amorcer un dialogue stratégique avec la Russie, et sur sa perception du rapprochement entre Moscou et Tunis, Valls s’est contenté de dire "qu’il appartient à la Tunisie de bâtir des relations diplomatiques et internationales". "Nous avons, nous-mêmes, des relations diplomatiques et internationales avec la Russie. Au-delà de ce qui se passe en Ukraine, le dialogue est évidemment tenu", a-t-il souligné, ajoutant plus loin que "dans une économie de marché, il n’y a plus de chasse gardée".

Tout au long de cette séance questions/ réponses à laquelle il s’est prêté, le Premier ministre français a martelé  que l’impératif pour la Tunisie est de relever le défi économique, après qu’elle aura relevé le défi démocratique.  A fortiori qu’elle constitue, à ses yeux,  "une formidable opportunité pour les entreprises dans tous es domaines : transport, numérique, logistique,  service". Tout en disant croire à l’espace méditerranéen, et à l’Afrique comme un grand continent d’avenir, Valls voit en notre pays "une porte extraordinaire pour l’ouverture sur l’Afrique, le Moyen et le Proche-Orient".

Le locataire de Matignon admet qu’il y a un risque réel de ralentissement économique non seulement européen, mais mondial, estimant que la croissance en Tunisie passe par une économie administrée. Le modèle social tunisien est-il aussi très important avec le système de santé, le  système scolaire, la place des femmes dans la société tunisienne qui sont les acquis de l’indépendance, a-t-il dit.

"Les entreprises françaises demandent la stabilité et la visibilité"
Valls reconnait qu’"il y a une interrogation, des craintes et des inquiétudes pour investir en Tunisie, car un Etat ou une entreprise ne peut investir tant que l’horizon n’est pas dégagé". "Ce que demandent les entreprises françaises et européennes, c’est la stabilité et la visibilité", a-t-il admis, prédisant que "c’est la prochaine législature qui va donner une stabilité (inscrite dans la durée) à la Tunisie. Il impute "un rôle  de leadership" à la France : "elle doit être exemplaire et montrer qu’elle n’a pas peur, qu’elle a confiance et appelle à investir en Tunisie".  

Manuel Valls a évoqué les financements français programmés pour la Tunisie, et qui seront "au rendez-vous". Il a cité l’enveloppe de 12 millions d’euros proposée par la France pour les ports de Radès,  Bizerte et la Goulette. Il s’agit aussi d’une enveloppe de 140 millions d’euros accordée par l’AFD au titre des années 2013/2014 pour des projets d’eau potable, d’assainissement, d’investissement dans les politiques locales, de formation professionnelle, etc. ; de la rénovation du réseau ferré dans la région de Gafsa pour le transport de phosphates, et du réseau ferré rapide (RFR) dans le Grand-Tunis où la France apporte une contribution de 300 millions d’euros. "Ce n’est pas une œuvre charitable, c’est une œuvre de soutien et de solidarité mais c’est aussi des débouchées, c’est de l’emploi chez vous et c’est de l’emploi chez nous", a-t-il fait valoir.

Au volet sécuritaire, le Premier ministre français a annoncé la venue du ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, en Tunisie, soulignant que la coopération sécuritaire entre les deux pays passe par le matériel, les renseignements, et le travail avec les autres pays, "ce n’est pas uniquement pour assurer la sécurité de la Tunisie, mais celle de toute la région et de la France".

"Le problème majeur, le défi pour nos sociétés et la menace la plus importante, ce sont toutes ces personnes qui vont combattre en Syrie et en Irak.  Il y a des milliers d’Européens et des centaines et des centaines de Tunisiens", s’est-il alarmé, mettant en garde contre "la menace majeure que constitue leur retour en Tunisie et en France". Valls a plaidé pour le processus de réconciliation en Libye, "c’est comme ça qu’on peut sortir la Libye des difficultés qu’elle connaît", a-t-il déclaré.

H.J.