"La corruption institutionnalisée peut menacer la souveraineté nationale" (Iyadh Elloumi)

Publié le Mercredi 31 Août 2016 à 14:48
"La corruption à l'échelle de l'Etat, peut mener à la colonisation comme cela a été le cas au 19eme siècle en Tunisie" a indiqué le Président d'Honneur de l'Ordre des Experts comptables, Iyadh Elloumi, ce matin, lors d'une une conférence au siège du Centre d'études sur l' Islam et la Démocratie, portant sur la relation entre la corruption, le modèle de développement et la souveraineté nationale.

"En luttant contre la corruption on peut très simplement passer d'un pays du tiers monde à un pays développé. Concrètement, le coût de la corruption est équivalent à environ 3% du PIB. C'est à dire que si en Tunisie le PIB est de 100 milliards de dinars, on peut compter 3000 millions de dinars de pertes par an. Ce qui revient à 120 milliards de dinars en 30 ans. Si tout cet argent avait été consacré au développement et à l'infrastructure, imaginez tout ce qu'on aurait pu réaliser", a-t-il déclaré.
 
C'est sans compter l'impact indirect de la corruption et qui serait selon lui plus important. Les choix de l'Etat, sa politique économique, le type de projets qu'il entreprend, ses alliances stratégiques, peuvent représenter également une forme de malversation. 
 
"Lutter contre la corruption permettrait de lutter incontestablement contre certains phénomènes comme l'inflation, la hausse du chômage et le recul des investissements", a-t-il dit avant d'ajouter que la corruption allait de pair avec la montée du terrorisme et le blanchiment d'argent. 
 
La corruption d'Etat et l'historique de l'Etat tunisien en la matière ayant mené à la situation que vit la Tunisie actuellement, et la crise économique qu'elle traverse, ont été au centre de son intervention.
 
 "Le problème c'est que nous conservons une loi caduque qui institutionnalise la corruption, et ce depuis la constitution de 1959, avec un pouvoir exécutif qui prend le dessus sur le pouvoir judiciaire. Cela a été un choix en 1955, et cela se poursuite même durant la deuxième république. C'est une consécration du suivisme", a indiqué Iyadh Elloumi.
 
Selon lui, les accords qu'a signé la Tunisie depuis 1955, jusqu'à ce jour ne seraient pas en sa faveur, mais au contraire, ils la soumettraient aux intérêts de parties tierces.  
La corruption est aussi selon lui, une porte ouverte au retour de la dictature, et ce en l'absence d'institutions de contrôles nécessaires au bon usage des deniers publics et au contrôle de la politique de l'Etat. Il rappelle que le tribunal administratif n'avait vu le jour qu'en 1972, soit près de 18 ans après l'adoption de la constitution, et la Cour des comptes n'a été érigée qu'en 1985 et que son premier rapport a été biaisé. Des faits, qui ont mené, selon lui, à l'instauration de la dictature.

Plusieurs années plus tard, et près de 6 ans après la révolution, la Tunisie n'a toujours pas érigé de tribunal constitutionnel ni de Conseil supérieur de la Magistrature. "ce qui à mon sens possède un lien direct avec la corruption", a souligné Elloumi.
 
Il incrimine aussi la privatisation des institutions publiques après l'indépendance, qui a été source de corruption et de malversation puisqu'il était convenu que la procédure de privatisation pouvait être décidé à la tête de l'Etat sans passer par l'Assemblée. 
 
"Vers 1989, c'est un jugement du tribunal administratif qui a autorisé au chef de l'Etat et au chef du gouvernement de procéder à la restructuration des institution publiques et de les céder à des privés, ce qui a permis par la suite leur acquisition par les familles et les amis proches du pouvoir" a indiqué Elloumi.
 
La Malversation, apparait selon lui, sous plusieurs formes, et notamment dans le secteur agricole où les quantités de terres non exploitées est très important et ce à cause de la législation, et de la loi fiscale. 
 
"Dans les discours politique on a tendance à parler de l'évasion fiscale, mais en réalité c'est l'Etat qui a créé un système qui puni les gens qui tiennent une comptabilité et qui paient leurs impôts. Même si c'est gens là ne paient pas toujours ou pas assez, ils paient quand même. Alors que les personnes soumises au régime forfaitaire qui sont au nombre de 300 000, ne sont pas inquiétées", a-t-il dit.

Iyadh Elloumi a dit avoir attiré l'attention des autorités sur cet aspect de la législation, durant l'ancien régime, et qu'on lui avait répondu,  qu'il s'agissait d'un sujet politique qu'il ne fallait pas aborder. "Le régime voulait institutionnaliser la culture de la corruption chez le Tunisien. C'est le régime lui-même qui maintient le statuquo", a-t-il dénoncé. 
 
L'expert a proposé une série de solutions possibles pour briser le cercle. parmi elles,  finaliser le cadre législatif de la deuxième république, s'opposer à toute forme de déviation de la constitution, renforcer le rôle de la société civile et des instances existantes, encourager les professeurs de droit à mener des études sur la crise et des études comparatives, décortiquer les accords internationaux et s'y opposer en cas de besoin, renforcer le front d'opposition et l'unir afin d'imposer une stratégie nationale de lutte contre la corruption, mais aussi renforcer l'indépendance de la Justice et faire pression pour l'application d'une réforme de la finance publique, tout en  menant une guerre nationale contre la corruption avec une approche de développement et dans le cadre de la souveraineté nationale. 

Chiraz Kefi
 
 

Commentaires 

 
#1 Faire comme en Chine
Ecrit par Montygolikely     01-09-2016 10:42
En Chine Populaire, les corrupteurs et les corrompus sont soit condamnés à de très lourdes peines, soit carrément exécutés...
Vous verrez comme cette gangrène s'arrêtera quand on appliquera ça chez nous.
 
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